Les engagements du Bloc québécois et du gouvernement du Québec

Le gouvernement du Québec et le Bloc québécois ont répondu, chacun à leur niveau, aux demandes exprimées par la Fédération des communautés francophones et acadienne. Si certains porte-parole de ces communautés ont réagi avec scepticisme aux nouvelles orientations mises de l'avant par le gouvernement québécois et le Bloc québécois, d'autres les ont saluées de façon extrêmement positive.

Le Bloc québécois, le premier, rendait publique le 27 mai 1994, une “Politique de reconnaissance et d'engagement du Bloc québécois à l'égard des communautés francophones et acadienne” intitulée Francophones d'Amérique: le temps d'agir.

Cet énoncé de politique tient compte de la perspective mise de l'avant par la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada et tente de répondre à ses demandes, notamment par:

La " politique du Québec à l'égard des communautés francophones et acadienne du Canada " rendue publique dernièrement par la ministre déléguée aux Affaires intergouvernementales canadiennes, madame Louise Beaudoin, va exactement dans le même sens. Il s'agit essentiellement d'une réponse de nature socio-économique aux demandes de la FCFAC. Les objectifs de la nouvelle politique québécoise sont de:

Les moyens mis en oeuvre renforcent la solidarité par l'établissement de relations concrètes d'échanges et de partenariat visant à:

Tout en exprimant une solidarité mettant en oeuvre tous les moyens que le Québec peut contrôler dans le cadre constitutionnel actuel, les politiques adoptées par le Bloc québécois et le gouvernement du Québec continuent de s'inscrire dans le cadre du principe de non ingérence.

Ce principe est clairement exprimé dans le programme politique du Parti québécois intitulé Des idées pour un pays. Tout en s'engageant à:

“soutenir les minorités francophones d'Amérique du Nord dans leur volonté de s'affirmer et de se développer, en particulier les minorités francophones canadiennes hors Québec dans la revendication de leurs droits historiques, et contribuer à la consolidation de leurs institutions”,

le Parti québécois affirme cependant que:

“Par ailleurs, (le Québec) doit fonder ses relations avec les autres communautés francophones du Canada et d'Amérique du Nord sur les principes de la non-ingérence et du respect des particularités, des cheminements et des intérêts de chacun.” Parti québécois, Des idées pour un pays, programme, Montréal, 1994, p. 26.

Les souverainistes et les droits de la communauté anglophone du Québec

Abordant la question du respect et de la promotion des droits des communautés francophones et acadienne du Canada dans la perspective de la souveraineté du Québec, il n'est pas inutile de rappeler ici les droits dont bénéficie la communauté anglophone québécoise, de même que les engagements pris par l'ensemble des forces souverainistes quant au respect de ces droits dans un Québec indépendant.

Jouissant des droits collectifs linguistiques qu'elle a imposés du fait de sa domination politique et qu'elle continue d'exercer du fait de son poids économique, démographique et social, la communauté anglophone du Québec bénéficie d'un bilinguisme quasi intégral. Une personne de langue anglaise peut vivre, travailler, s'éduquer, se divertir, recevoir des services de santé et des services sociaux, s'exprimer socialement et culturellement, à peu près partout au Québec et tous les jours de sa vie, en anglais.

Bien que le français soit la seule langue officielle du Québec, aucune loi n'est valide si sa version anglaise n'a pas été adoptée. L'anglais est reconnu comme langue parlementaire et il est utilisé comme tel par les députés qui le désirent.

Bien que le français soit la langue de la fonction publique, toute personne peut, de fait, recevoir toute information publique en anglais.

La communauté anglophone du Québec administre elle-même un réseau public d'enseignement complet, de la maternelle jusqu'à l'université, sans aucune limitation quant au nombre et à la concentration de la population. Le niveau moyen de scolarité des Anglo-Québécois demeure plus élevé que celui des Québécois francophones. Les commissions scolaires protestantes sont protégées par la Constitution depuis 1867 et le financement de l'ensemble du réseau d'enseignement anglophone est assuré par l'État québécois de la même façon que celui du réseau francophone.

La communauté anglophone administre aussi elle-même un ensemble d'institutions de santé et de services sociaux et communautaires répondant à ses besoins. Le réseau de santé et de services sociaux québécois est tenu de maintenir plus de 200 points de service anglophones. Les institutions anglophones jouissent du même financement public que les institutions francophones.

Participant pleinement à la communauté anglophone du continent, les Anglo-Québécois ont naturellement accès dans leur langue à la multitude de moyens de communications (journaux, radios, télévisions) et de lieux de diffusion de la culture (cinéma, théâtre, etc.) ainsi qu'au réseau public de radio et de télévision.

Bien que la Charte de la langue française ait comme objectif de promouvoir le français comme langue du travail, l'anglais demeure couramment utilisé.

Les principaux porte-parole souverainistes québécois ont exprimé à de nombreuses occasions leur engagement à ne pas remettre en question les droits linguistiques, sociaux et politiques de la communauté anglophone du Québec dans un État québécois indépendant.

Cet engagement s'est concrétisé dans l'avant-projet de loi sur la souveraineté du Québec:

“Le Parlement du Québec décrète ce qui suit:...
NOUVELLE CONSTITUTION
3. Le Gouvernement doit, conformément aux modalités prescrites par l'Assemblée nationale, pourvoir à l'élaboration d'un projet de constitution pour le Québec et à son adoption. Cette constitution doit inclure une charte des droits et libertés de la personne. Elle doit garantir à la communauté anglophone la préservation de son identité et de ses institutions.”

Après avoir été rendu public par le Premier ministre Parizeau le 6 décembre dernier, cet avant-projet de loi a été distribué dans tous les foyers du Québec afin d'être soumis à une vaste consultation publique qui a été menée par des commissions nationale et régionales sur l'avenir du Québec.

Plus de 50 000 personnes et des centaines d'organismes se sont exprimés dans le cadre de cette démarche éminemment démocratique. Dans leur rapport sur les résultats de cette consultation, les commissaires constataient que:

“Le respect des droits de la communauté québécoise d'expression anglaise est une attitude largement partagée par l'ensemble des intervenants de toutes les régions du Québec. Ces derniers estiment important d'accorder à la communauté anglophone les garanties nécessaires à la préservation de ses droits historiques. Peu nombreux ont été ceux qui qui ont suggéré au gouvernement du Québec d'accorder à la communauté anglophone québécoise des droits symétriques à ceux que les gouvernements des autres provinces canadiennes accordent à leurs minorités francophones. La majorité des commissions reconnaissent, dans leurs rapports, la contribution importante de la communauté anglophone à l'édification de la société québécoise, au plan culturel, social, économique et politique. Elles proposent donc, à l'instar de l'avant-projet de loi, que la constitution d'un Québec souverain garantisse clairement les droits historiques de la communauté anglophone.” Commission nationale sur l'avenir du Québec, Rapport, Québec, 1995, p. 20.

Au chapitre de ses recommandations, la Commission nationale rappelait que:

“Au Québec, les droits de la communauté anglophone se trouvent garantis par la Charte des droits et libertés de la personne et par des dispositions législatives spécifiques contenues notamment dans la Charte de la langue française, la Loi sur les services de santé et les services sociaux et la Loi sur l'instruction publique....
La Commission recommande donc que la Constitution garantisse à la communauté anglophone du Québec la préservation de son identité et de ses droits historiques.” Commission nationale sur l'avenir du Québec, Rapport, Québec, 1995, p. 61.

La réaction du Premier ministre du Québec au rapport de la Commission nationale (comme celles, d'ailleurs, de la vaste majorité des intervenants québécois qui se sont exprimés à ce sujet) a été tout à fait favorable à cette recommandation.


Les fondements d'une nouvelle solidarité

Au moment où le peuple québécois s'apprête à nouveau à prendre, dans le cadre d'un référendum démocratique, une décision déterminante quant à son avenir politique, les communautés francophones et acadienne du Canada, par la voix de certains de leurs porte-parole, expriment aujourd'hui leur inquiétude face à la perspective de la souveraineté du Québec et manifestent le souhait que celui-ci demeure au sein de la fédération canadienne et abandonne ses aspirations nationales.

Mais on ne peut faire abstraction du fait que l'histoire du Québec, comme celle des communautés francophones et acadienne, est largement celle de la résistance à la volonté d'assimilation d'une nation canadienne qui se veut de plus en plus unitaire et anglophone. Cette histoire a convaincu une large partie du peuple québécois de l'impossibilité de préserver son existence et d'assurer son développement au sein du Canada.

On ne peut oublier non plus que toutes les périodes de relâchement de la volonté d'affirmation nationale du peuple québécois se sont révélées être des périodes de recul du “fait français en Amérique du Nord” et que tout affaiblissement du Québec ne peut que se traduire à terme en un affaiblissement des communautés francophones et acadienne du Canada.

On ne peut, par ailleurs, exiger que, par solidarité “ethnique”, un peuple abandonne l'espoir de devenir souverain, de maîtriser pleinement son destin et d'assurer ainsi sa survie à long terme en échange de la protection illusoire d'un État et d'une charte qui ne reconnaissent pas son caractère distinct, le menacent d'une constante “minorisation” jusqu'à l'insignifiance et le condamnent à plus ou moins long terme à l'assimilation.

La survivance de la francophonie en Amérique du Nord exige sans l'ombre d'un doute que le Québec prenne le leadership de la promotion de la langue française sur le continent et soutienne le développement des communautés francophones et acadienne.

Cela suppose que la force politique réelle du Québec par rapport au Canada soit sensiblement accrue. Or, non seulement la souveraineté représente-t-elle l'instrument indispensable de la maturation politique du Québec, mais il est évident que celui-ci sortirait nettement affaibli d'une deuxième défaite référendaire.

Aussi, tout en manifestant sa compréhension face aux inquiétudes exprimées par certains chefs de file des communautés francophones et acadienne du Canada devant la perspective de plus en plus probable de l'accession du Québec à sa pleine souveraineté politique, Partenaires pour la souveraineté réitère sa conviction que la naissance d'un État québécois indépendant représente précisément une condition essentielle de la survie et du développement du “fait français en Amérique du Nord”.

C'est en accédant à la souveraineté politique que le Québec sera le mieux à même de soutenir concrètement et fermement les communautés francophones et acadienne dans la défense et la promotion de leurs droits historiques légitimes.

Par ailleurs, dans le présent contexte d'une crise politique porteuse de divergences inévitables, Partenaires pour la souveraineté affirme sa conviction que la solidarité entre les communautés franco-phones et acadienne du Canada et le peuple québécois ne peut se reconstituer et prendre toute l'ampleur désirée par les uns et les autres que sur la base du principe que, quoi qu'il advienne, chacun s'engage à maintenir des relations d'entraide et d'appui politique.

En ce sens et quels que soient les résultats du référendum, Partenaires pour la souveraineté accorde son soutien global aux engagements énoncés récemment par le Bloc québécois et par le gouvernement du Québec à l'égard des communautés francophones et acadienne du Canada visant à maintenir et à développer les échanges dans tous les domaines. Les membres de Partenaires pour la souveraineté s'engagent à contribuer à leur mise en oeuvre dans la mesure de leurs moyens.

De plus, Partenaires pour la souveraineté considère que la préservation de communautés de langue et de culture minoritaires exige la conquête par la lutte politique de droits collectifs fondamentaux, la consécration de leur pérennité par un acte constitutionnel et leur actualisation par des lois spécifiques et des institutions autonomes gérées par les dites communautés.

La conquête des droits collectifs fondamentaux par une minorité se fonde d'abord, évidemment, sur sa volonté politique, mais la légitimité du statut de minorité doit pouvoir s'appuyer sur une réalité historique. Ce n'est pas n'importe quelle communauté qui peut légitimement revendiquer le statut politique de minorité. Mais c'est sans nul doute à la fois la situation des communautés francophones et acadienne du Canada et celle de la communauté anglophone du Québec.

Aussi, Partenaires pour la souveraineté affirme que, de la même façon que le peuple québécois et son gouvernement ont pris un engagement solennel quant au respect des droits de la communauté anglophone québécoise dans un Québec souverain, le peuple canadien et son gouvernement doivent s'engager constitutionnellement et dans les faits à préserver les droits historiques des communautés francophones et acadienne du Canada advenant l'indépendance du Québec.

De tels engagements, faut-il le rappeler, seront des conditions de l'établissement de la crédibilité internationale des deux nouveaux États et devraient faire l'objet d'une entente rapide entre les deux gouvernements.

Pour assurer la préservation des droits historiques des minorités linguistiques de la part du Canada et du Québec, chacun des deux gouvernements pourrait concrétiser ses engagements et en renforcer la crédibilité et la portée en se dotant d'un mécanisme conjoint.

Aussi, Partenaires pour la souveraineté met de l'avant l'idée qu'un Québec souverain propose au Canada de constituer, d'un commun accord, une Commission bilatérale canado-québécoise, formée en nombre égal de représentantes et représentants des deux États, ayant mandat, de sa propre initiative ou à la demande de l'un ou l'autre gouvernement, d'enquêter publiquement et de faire des recommandations sur toute question relative au respect des droits, à la préservation des institutions et à la promotion de la culture des communautés francophones et acadienne du Canada et de la communauté anglophone du Québec.

Composée notamment de personnalités représentatives des diverses communautés, une telle commission permettrait à la fois:

Partenaires pour la souveraineté lance un appel aux gouvernements du Québec et du Canada, aux divers partis politiques et aux organismes représentant les communautés francophones et acadienne du Canada et la communauté anglophone du Québec afin qu'ils fassent leur cette proposition nouvelle et originale d'une commission bilatérale.


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