Au Québec, les politiques sociales demeurent longtemps
une question d'ordre privé et religieux (famille, charité,
entraide), avant que le gouvernement n'intervienne en 1921 avec
la Loi de l'assistance publique. Elles revêtent toutefois
un caractère davantage public à compter de 1960,
avec la naissance de l'État moderne québécois
et son engagement à assurer l'accessibilité et la
qualité des services.
En effet, depuis près de 35 ans, l'État québécois
est particulièrement actif dans le domaine des politiques
sociales. Quant à l'État fédéral,
il n'a de cesse d'intervenir dans un domaine de compétence
avant tout provinciale, suscitant ainsi de multiples débats
constitutionnels. L'histoire en témoigne : qu'un
gouvernement ou l'autre veuille agir dans les programmes de sécurité
du revenu et d'accès à des services sociaux ou de
santé, les tensions constitutionnelles Ottawa-Québec
s'avivent. En 1995, c'est le cas avec la réforme Axworthy
et le budget Martin.
Le Québec d'aujourd'hui est aux prises avec de graves problèmes de pauvreté liés en partie à un fort taux d'abandon des programmes de formation et à une absence cruelle d'emplois. En conséquence, Partenaires pour la souveraineté soulève l'urgence de reconnaître comme prioritaires la lutte à la pauvreté, la création d'emplois et la formation, mais également la régionalisation et la décentralisation. L'enjeu est décisif : lier les politiques sociales à une véritable politique de développement de l'emploi ou continuer à subir les effets limitatifs du chevauchement fédéral-provincial des programmes sociaux. La direction claire : obtenir la pleine autonomie d'intervention et mettre fin à cette stérile division des pouvoirs.
Les Québécois et les Québécoises ont
choisi d'exercer leur solidarité en se dotant de politiques
sociales fondées sur une accessibilité universelle
aux soins et aux services. Malgré les contraintes constitutionnelles
et les nombreuses limitations qu'imposent les normes canadiennes,
la société civile et l'État ont réussi
à façonner un modèle spécifiquement
québécois. Axées sur la dignité de
la personne, les interventions québécoises favorisent
une politique intégrée de sécurité
du revenu avec la famille comme préoccupation première
et les allocations familiales universelles comme pivot.
Depuis la Révolution tranquille, le Québec compte de nombreuses réalisations dans les domaines des services sociaux, de la santé, de la sécurité du revenu et de la formation de la main-d'oeuvre. S'appuyant sur des principes de prévention, de participation et de régionalisation, le Québec peut compter sur la contribution des différents partenaires sociaux.
Au cours des années 1970, le Québec innove par la
création des Centres locaux de services communautaires ( CLSC ),
intégrant sur un même territoire des soins de santé
et des services sociaux de nature préventive et curative.
Aujourd'hui, ces 165 établissements publics s'engagent
encore davantage dans le développement local auprès
et avec d'autres partenaires du milieu. Ils favorisent de plus
en plus la participation des usagers et la démocratisation
de la gestion des établissements publics.
Le Québec joue également un rôle de pionnier
dans d'autres secteurs. Mentionnons :
etc.
La tradition d'action communautaire est bien vivante au Québec. Quelque peu éclipsée par l'essor des services étatiques depuis le début des années 1970, elle est revenue en force au cours des années 1980. À la ville comme à la campagne, on compte plusieurs centres d'action bénévole, des maisons d'accueil pour femmes, des maisons de jeunes, des groupes alternatifs en santé mentale, des cuisines collectives, des associations de défense des assistés sociaux et des chômeurs, etc. Les Québécois et les Québécoises s'organisent pour assumer pleinement leur propre développement.
Partout au Québec, la concertation et la prise en main
régionale dans le domaine du développement économique
et social se concrétisent. Les CLSC, les régies
régionales de la santé et des services sociaux,
les conseils régionaux de développement économique,
les sommets socio-économiques, le Forum pour l'emploi,
les actions coopératives, toutes ces initiatives témoignent
à l'évidence de la solidarité des communautés
locales et d'une approche plus contractuelle des politiques sociales.
S'il apparaît prématuré de prédire
l'avenir des politiques sociales dans un Québec souverain,
il est aisé de l'anticiper si le Québec demeure
une province parmi d'autres.
Le dernier budget Martin est clair : l'État fédéral
se désengage financièrement de ses obligations relatives
au partage des coûts des programmes sociaux relevant des
provinces. Par des coupures draconiennes dans le Transfert social
canadien ( TSC ), il continue unilatéralement
de compromettre les programmes provinciaux d'éducation
postsecondaire, de santé, d'aide sociale et de services
sociaux, tout en maintenant son contrôle par des normes
nationales.
Selon nos calculs et comme le souligne un journaliste du Globe
and Mail ( 13 avril 1995 ), les chiffres du
budget Martin signifient une réduction de 40 % des transferts
en espèces à l'ensemble des provinces. Sur une période
de trois ans ( avril 1994 à avril 1997 ),
ils passeront de 17 à 10 milliards. Quand cela s'arrêtera-t-il?
L'État fédéral coupe également dans
ses programmes directs d'intervention telle l'assurance-chômage
: 5,5 milliards de 1994 à la fin de 1996 ( budget
Martin 1994 ) et 10 % des dépenses par année
à partir de juillet 1996 ( budget Martin 1995 ). L'État
fédéral s'apprête même à détourner
une partie du surplus net de 4,4 milliards ( fin de
1996-1997 ) de la caisse d'assurance-chômage pour financer
le Fonds d'investissement en ressources humaines ( FIRH ).
Les programmes
comme l'assurance-chômage, la santé-sécurité
au travail ou l'assurance-automobile sont financés à
partir des primes versées par les personnes exposées
aux risques, ils ne sont pas prélevés à partir
des impôts. La gestion de ces caisses doit être faite
séparément des autres programmes car celles-ci doivent
s'autofinancer. Cela implique un souci de rentabilité,
non de profit. Des réserves sont donc constituées
pour les périodes économiques plus instables comme
les récessions.
en millions de dollars / Budget Martin, 1995, Plan budgétaire, pp. 89 et 94 | |||||
Ces chiffres indiquent un surplus accumulé de 10,4
milliards de 1993 à la fin de 1996. En soustrayant le déficit
cumulatif de 6 milliards du début des années 1990,
on obtient près de 5 milliards de surplus net à
la fin 1996.
Une partie de ces réserves de 4,4 milliards servira donc à financer le FIRH. Cet accroc grave à la gestion de la caisse d'assurance-chômage est très préjudiciable en période d'instabilité économique. Mais le jeu en vaut apparemment la chandelle pour l'État fédéral, car le FIRH regroupe plusieurs programmes d'action directe actuellement gérés par Ottawa. Il constitue un instrument rêvé pour intervenir dans des champs de juridiction provinciale.
Programmes d'aide aux chômeurs, formation de la main-d'oeuvre,
alphabétisation, services de garde à l'enfance,
programmes de suppléments du revenu, lutte contre la pauvreté
chez les enfants, aide aux démunis, autant de cibles visées
par le budget Martin et la réforme Axworthy. Les nouvelles
règles du jeu sont claires : diminuer les budgets,
couper dans les programmes sociaux, y introduire des critères
sélectifs, ì normaliser î,
maintenir les dédoublements et l'esprit de compétition.
Partenaires pour la souveraineté considère que ces
tendances doivent être renversées et que le Québec
doit seul assurer la maîtrise d'oeuvre de ses politiques
sociales. Pour ce faire, le moyen privilégié : la
souveraineté du Québec.