Voici notre traduction collective de l’entretien que Simon Johnson a accordé au magazine The Atlantic, publié dans son numéro du mois de mai.

J’ai demandé à The Atlantic, ainsi qu’à Johnson lui-même, le droit de publier cette traduction. Je n’ai pas encore reçu de réponse. Je la retirerais bien entendu immédiatement si j’en recevais l’ordre.

Copyright The Atlantic.

La crise a mis à nu bien des vérités déplaisantes au sujet des Etats-Unis. L’une des plus inquiétantes, dit un ancien économiste en chef du Fonds Monétaire International, est que l’industrie financière a effectivement mis la main sur notre gouvernement - une situation plus classique sur un marché émergent, et qui est au centre de bien des crises des marchés émergents. Si l’équipe du FMI pouvait parler librement des Etats-Unis, elle nous dirait ce qu’elle dit à tous les pays dans cette situation : le rétablissement ne peut réussir qu’à la condition de briser l’oligarchie financière qui bloque la réforme indispensable. Et si nous voulons éviter une vraie dépression, le temps nous manque.

par Simon Johnson.

Le coup d’Etat feutré

I.

Une chose que l’on apprend relativement rapidement lorsque l’on travaille au Fonds Monétaire International, c’est que personne n’est jamais très heureux de vous voir. Habituellement vos “clients” vous appellent seulement après que le capital privé les a abandonnés, après que les partenaires du commerce régional ont échoué à leur jeter une bouée de sauvetage suffisante, après que les tentatives de dernier recours pour emprunter à des amis puissants comme la Chine ou l’Union européenne sont tombées à l’eau. Vous n’êtes jamais le premier invité à la danse.

La raison, bien sûr, est que le FMI s’est spécialisé dans le fait de dire à ses clients ce qu’ils n’aiment pas entendre. J’aurais du le savoir; j’ai imposé des changements pénibles à bien des dirigeants étrangers lorsque j’était économiste en chef en 2007 et 2008. Et j’ai senti les effets de la pression du FMI, au moins indirectement, lorsque j’ai travaillé aux côtés des gouvernements en Europe de l’Est alors qu’ils se débattaient après 1989, et avec le secteur privé en Asie et en Amérique latine au cours des crises de la fin des années 1990 et début des années 2000. A cette époque, depuis ces points d’observations privilégiés, j’étais aux premières loges pour voir le déroulement régulier des officiels - d’Ukraine, de Russie, de Thaïlande, de Indonésie, de Corée du Sud et d’ailleurs - arriver en traînant les pieds vers le fonds dans les pires circonstances et lorsque routes les autres tentatives avaient échoué.

Chaque crise est différente, bien sûr. L’Ukraine faisait face à une hyperinflation en 1994; la Russie avait désespérément besoin d’aide lorsque son système de rotation d’emprunts à court terme explosa durant l’été 1998 ; la roupie indonésienne plongea en 1997, mettant presque à plat l’économie réelle; cette même année, le miracle économique long de 30 ans de la Corée du Sud fut stoppé lorsque les banques étrangères refusèrent soudainement d’accorder de nouveaux crédits.

Mais je dois vous dire que pour les dirigeants du FMI, toutes ces crises se ressemblaient désespérément. Chaque pays, bien sûr, avait besoin d’un prêt, mais plus que cela, chacun avait besoin de procéder à de grands changements pour que le prêt puisse fonctionner. Presque toujours, les pays en crise doivent apprendre à vivre selon leurs moyens après une période d’excès - les exportations doivent être augmentées et les importations réduites - et le but est d’y parvenir sans générer la plus horrible des récessions. Naturellement, les économistes du fonds passent leur temps à établir les politiques - le budget, les réserves monétaires et ainsi de suite - qui font sens dans ce contexte. Mais la solution économique est rarement très difficile à trouver.

Non, la réelle préoccupation des cadres supérieurs du FMI, et l’obstacle majeur à la reprise, est presque invariablement la politique des pays en crise.

Habituellement, ces pays sont dans une situation économique désespérée pour une simple raison - leurs puissantes élites se sont laissées emporter lors de la période des vaches grasses et prirent trop de risques. Les gouvernements des marchés émergents et leurs alliés du secteur privés forment en général une oligarchie très unie - et la plupart du temps très raffinée - dirigeant le pays à peu près comme une entreprise lucrative dans laquelle ils sont les actionnaires majoritaires. Lorsqu’un pays comme l’Indonésie, la Corée du Sud ou la Russie se développe, croissent également les ambitions de ses capitaines d’industrie. Tels les maîtres de leur univers miniature, ces personnes font des investissements qui bénéficient clairement à l’économie, mais ils commencent également à faire des paris de plus en plus gros et de plus en plus risqués. Ils considèrent - correctement la plupart du temps - que leurs connexions politiques les autoriseront à se défausser sur le gouvernement de tout problème conséquent qui se présenterait.

En Russie, par exemple, le secteur privé est confronté à des difficultés sérieuses parce que, ces 5 dernières années environ, il a emprunté au moins 490 milliards aux banques et aux investisseurs en se basant sur la croyance que le secteur de l’énergie du pays pouvait soutenir une augmentation permanente de la consommation de toute l’économie. A mesure que les oligarques russes dépensaient leur capital, en acquérant d’autres entreprises et en se lançant dans d’ambitieux projets d’investissement qui créèrent des emplois, leur poids au sein de l’élite politique s’est accru. Leur soutien politique grandissant offrait un meilleur accès à des contrats lucratifs, à des facilités fiscales et aux subventions. Et les investisseurs étrangers n’auraient pas pu être plus contents ; toutes choses étant égales par ailleurs, ils préféraient prêter de l’argent à des personnes qui avaient le support implicite de leur gouvernement national, même si cette garantie dégageait une légère odeur de corruption.

Mais inévitablement, les oligarques des marchés émergents s’emballent; ils gaspillent l’argent et bâtissent d’énormes empires commerciaux sur des montagnes de dettes. Les banques locales, parfois encouragées par le gouvernement, deviennent trop conciliantes face à une extension du crédit à l’élite et à ceux qui dépendent d’elle. Le surendettement connaît toujours une fin tragique, que ce soit le fait d’un individu, d’une entreprise ou d’un pays. Tôt ou tard, les conditions de crédit se rétrécissent et plus personne ne veut plus vous prêter à des conditions qui seraient acceptables.

La spirale infernale qui suit est particulièrement abrupte. D’énormes entreprises vacillent au bord du défaut de paiement et les banques locales qui leur ont prêté font faillite. Les partenariats “public-privé” d’hier sont renommés “capitalisme de copinage”. Le crédit devenu indisponible, la paralysie de l’économie en découle, et la situation ne cesse d’empirer. Le gouvernement est obligé de réduire ses réserves en monnaie étrangère pour payer les importations, le service de la dette et pour couvrir les pertes du privé. Mais ces réserves peuvent bien sûr s’épuiser. Si le pays ne parvient pas à se ressaisir avant que cela n’arrive, il fera défaut sur sa dette souveraine et deviendra un paria économique. Le gouvernement, dans sa course pour stopper l’hémorragie, devra éliminer quelques-uns des champions économiques nationaux - subissant désormais des pertes massives de capitaux - et devra restructurer un système bancaire particulièrement déséquilibré. Dans d’autres termes, il devra se débarrasser de certains de ses oligarques.

Or, affamer les oligarques est rarement la stratégie choisie par les gouvernements de marchés émergents. Bien au contraire : au début de la crise, les oligarques sont habituellement ceux qui bénéficient en premier lieu de l’aide du gouvernement, comme un moyen d’accès privilégié aux devises étrangères, ou encore d’importants dégrèvements fiscaux, ou - c’est là une technique de sauvetage classique du Kremlin - l’achat par le gouvernement d’obligations privées. Sous la contrainte, la générosité envers les anciens amis prend une multitude de formes très innovantes. Pendant ce temps-là, comme on a besoin de ponctionner quelqu’un, la plupart des gouvernements des marchés émergents se tournent vers les salariés ordinaires - au moins jusqu’à ce que les émeutes deviennent trop importantes.

Au final, ainsi que les oligarques de la Russie de Poutine le réalisent maintenant, certains parmi l’élite doivent perdre leur situation avant que la reprise puisse démarrer. C’est un jeu de chaises musicales: il n’y a juste pas assez de réserves monétaires pour prendre soin de tout le monde, et le gouvernement ne peut pas se permettre d’éponger complètement la dette du secteur privé.

Alors, le personnel du FMI regarde dans les yeux le ministre des finances et décide si oui ou non le gouvernement est désormais sérieux. Le FMI octroiera même éventuellement un prêt à un pays comme la Russie, mais d’abord il veut être convaincu que le premier ministre Poutine est prêt, décidé, et capable d’être dur avec certains de ses amis. S’il n’est pas prêt à jeter ses anciens associés aux loups, le FMI peut attendre. Et quand il est prêt, le FMI est heureux de faire d’utiles suggestions - particulièrement en prenant soin de retirer le contrôle du système bancaire des mains des “entrepreneurs” les plus incompétents et les plus avares.

Évidemment, les anciens amis de Poutine se défendront. Ils mobiliseront leurs alliés, feront jouer le système, et mettront la pression sur d’autres secteurs du gouvernement pour obtenir des subventions supplémentaires. Dans les cas extrêmes, ils tenteront même la subversion - incluant un appel à leurs contacts parmi les décideurs de la politique étrangère américaine, ainsi que le firent avec un certain succès les Ukrainiens à la fin des années 90.

Nombre de programmes du FMI “déraillent” (un euphémisme) précisément parce que le gouvernement ne parvient pas à rester suffisamment sévère envers ses anciens amis, et les conséquences en sont une inflation massive et d’autres désastres. Un programme “revient sur les rails” dès que le gouvernement reprend les rênes ou quand les puissants oligarques ont choisi parmi eux lequel gouvernera - et ainsi lequel gagnera ou perdra - à l’intérieur du plan du FMI. Le vrai combat en Thaïlande et en Indonésie en 1997 fut de déterminer quelles grandes familles perdraient leurs banques. En Thaïlande, cela a été accompli de manière relativement douce. En Indonésie, cela conduisit à la chute du président Suharto et au chaos économique.

A partir de ces longues années d’expérience, le personnel du FMI sait que ses programmes réussiront - stabiliser l’économie et permettre la croissance - si et seulement si quelques-uns des puissants oligarques qui firent tant pour créer les problèmes sous-jacents sont mis hors de combat. C’est le problème de tous les marchés émergents.

II. Devenir une république bananière

De par sa profondeur et sa soudaineté, la crise financière et économique US rappelle remarquablement les moments que nous avons connus sur les marchés émergents (et seulement sur les marchés émergents) : la Corée du sud (1997), la Malaisie (98), la Russie, l’Argentine (à de multiples reprises). Dans chacun des cas, les investisseurs étrangers, effrayés que le pays ou son secteur financier ne puissent faire face à leur montagne de dette, stoppèrent soudainement leurs financements. Et dans chacun de ces cas, cette crainte devint auto-réalisatrice, à mesure que les banques échouaient à refinancer leur dette renouvelable et s’avéraient incapables de payer. C’est précisément ce qui a conduit Lehman Brothers à la banqueroute le 15 septembre, provoquant du jour au lendemain un tarissement de toutes les sources de financement du secteur financier. Tout comme dans les crises des marchés émergents, la faiblesse du système bancaire s’est propagée à toute l’économie, provoquant une sévère contraction de l’activité économique et des privations pour des millions de personnes.

Mais il existe une similitude plus profonde et plus dérangeante : les intérêts de l’élite des affaires - financière, dans le cas des USA - a joué un rôle central dans l’émergence de cette crise, pariant de plus en plus gros, avec l’accord implicite du gouvernement, jusqu’à l’inévitable effondrement. Plus inquiétant encore, ils utilisent maintenant leur influence pour prévenir exactement le type de réformes nécessaires, et ce, rapidement, pour sortir l’économie de son plongeon la tête la première. Le gouvernement semble impuissant, ou sans volonté, pour agir contre eux.

Les Topbankers d’investissement et les fonctionnaires du gouvernement aiment à jeter le blâme pour ce qui est de la responsabilité de la crise actuelle sur la baisse des taux d’intérêts après l’implosion de la bulle Internet ou, mieux encore - histoire de refiler la patate chaude à quelqu’un d ;autre - sur le flot d’épargne provenant de Chine. Certains à droite aiment à se plaindre de Fannie et Freddie, ou même des efforts de longue durée destinés à promouvoir un plus large accès à la propriété. Et, bien sûr, c’est un axiome pour tout le monde que les régulateurs responsables “de la sécurité et de la validité” se sont endormis au volant.

Mais toutes ces politiques - régulation amaigrie, argent bon marché, l’alliance tacite US-Chine, le développement de l’accès à la propriété - avaient toutes quelque chose en commun. Même si, certaines sont traditionnellement associées aux Démocrates et d’autres aux Républicains, elles bénéficièrent toutes au secteur financier. Les changements de politique qui auraient pu endiguer la crise et limiter les profits du secteur bancaire - telle la tentative désormais fameuse de Brookley Born de réguler les CDS à la Commodity Future Trading Commission, en 98 - furent ignorées ou balayées d’un revers de main.

L’industrie financière n’a pas toujours bénéficié de tels traitements de faveur. Mais depuis 25 ans environ la finance s’est énormément développée, devenant encore plus puissante. Le décollage a commencé lors des années Reagan et n’a fait que de se renforcer avec les politiques de dérégulation des administrations Clinton et Bush. De nombreux autres facteurs ont alimenté l’ascension de l’industrie financière. La politique monétaire de Paul Volker dans les années 80 et l’accroissement de la volatilité des taux d’intérêts qui l’ont accompagnée ont rendu le commerce des obligations bien plus lucratif. L’invention de la titrisation, des swaps de taux d’intérêt, et des CDS accrût sensiblement le volume des transactions sur lesquelles les banquiers pouvaient faire de l’argent. De plus, une population vieillissante et très aisée a investi de plus en plus d’argent dans les titres, aidée en cela par l’invention de l’IRA et du plan 401(k) [programmes de retraite autogérés]. Ensemble, ces développements ont largement augmenté les opportunités de profit des services financiers.

Sans surprise, Wall Street s’est précipitée sur ces opportunités. De 1973 à 1985, le secteur financier n’a jamais représenté plus de 16% des profits des entreprises nationales. En 1986, ce chiffre atteignait 19%. Pendant les années 90 il a oscillé entre 21 et 30%, plus haut qu’il ne l’avait jamais été pendant la période d’après guerre. Au cours de la décennie actuelle il a atteint 41%. Les rémunérations se sont énormément accrues. De 1948 à 1982, les rémunérations moyennes du secteur financier se situaient entre 99 et 108 % de la moyenne pour toutes les entreprises nationales privées. Depuis 1983 elles ont décollé atteignant 181% en 2007.

L’énorme richesse que le secteur financier a créée et concentrée a donné aux banquiers un poids politique énorme - un poids jamais vu aux US depuis l’ère J. P. Morgan (l’homme). Pendant cette période, la panique bancaire de 1907 ne pût être arrêtée que par une coordination des banquiers du secteur privé : aucune entité gouvernementale n’étant apte à fournir une réponse efficace. Mais ce premier âge des banquiers oligarques parvint à son terme avec l’application d’une régulation bancaire significative en réponse à la Grande Dépression ; le retour d’une oligarchie financière américaine est plutôt récente.

III. Le corridor “Wall Street - Washington”

Bien sûr, les Etats-Unis sont un cas unique. Et tout comme nous avons l’économie, l’armée et la technologie les plus évoluées du monde, nous avons aussi la meilleure oligarchie.

Dans un système politique primitif, le pouvoir est transmis par la violence, ou par la menace de la violence : coups d’Etat militaires, milices privées et ainsi de suite. Dans un système moins primitif, plus représentatif des marchés émergents, le pouvoir est transmis par l’argent : corruption, pots de vin et comptes dans des banques offshore. Bien que le lobbying et le financement des campagnes électorales jouent un rôle déterminant dans le système politique américain, la bonne vieille corruption - des enveloppes bourrées de billets de 100 $ - est probablement reléguée au second plan, à l’exception de Jack Abramoff.

Au lieu de cela, l’industrie financière américaine a renforcé son pouvoir politique en accumulant une sorte de capital culturel - un système de croyance. Il fut un temps, peut-être, où ce qui était bon pour General Motors était bon pour le pays. Ces dernières décennies, l’attitude générale s’en tint à l’idée que ce qui était bon pour Wall Street était bon pour le pays. L’industrie des banques et des titres est devenue l’un des contributeurs principaux des campagnes politiques, mais au plus fort de son influence, elle n’avait pas besoin de s’acheter les faveurs des politiques comme ce fut le cas pour l’industrie du tabac ou pour les constructeurs militaires. Elle profitait plutôt du fait que les initiés de Washington croyaient déjà que d’importantes institutions financières et la libre circulation des capitaux étaient cruciales pour la position américaine dans le monde.

Un canal d’influence était, bien sûr, le mouvement d’individus entre Wall Street et Washington. Robert Rubin, anciennement président-adjoint de Goldman Sachs, a servi à Washington comme Secrétaire du Trésor sous Clinton, et devint plus tard président du comité exécutif de Citigroup. Henry Paulson, PDG de Goldman Sachs pendant le long boom, devint Secrétaire du Trésor sous George W. Bush. John Snow, le prédécesseur de Paulson, quitta le Trésor pour devenir président de Cerberus Capital Management, un grand private-equity qui compte également Dan Quayle parmi ses dirigeants. Alan Greenspan, en quittant la Réserve fédérale, devint consultant à Pimco, peut-être l’acteur principal sur les marchés d’obligations.

Ces connexions personnelles furent souvent multipliées à des niveaux inférieurs au cours des trois administrations présidentielles passées, renforçant les liens entre Washington et Wall Street. C’est devenu une sorte de tradition pour les employés de Goldman Sachs d’être engagés par le service public lorsqu’ils quittent l’entreprise. Le flot des anciens de Goldman - comprenant Jon Corzine, actuellement gouverneur du New Jersey, ainsi que Rubin et Paulson - n’a pas seulement installé des gens équipés de la vision du monde de Wall Street dans les corridors du pouvoir; il a aussi contribué à établir une image de Goldman (en tout cas au sein des instances fédérales) comme une institution quasiment de l’ordre du service public.

Wall Street est un lieu très attirant, parfumé de l’odeur du pouvoir. Ses dirigeants croient effectivement qu’ils manœuvrent les leviers qui font marcher le monde. Il est compréhensible qu’un fonctionnaire invité dans leurs salles de conférence, même si ce n’est que pour une rencontre, succombe à leur charme. Tout au long de mon travail au FMI, j’ai été frappé par l’aisance d’accès des principaux financiers aux dirigeants les plus élevés du gouvernement U.S. et par l’entremêlement des carrières politiques et financières. Je garde un souvenir vivace d’une rencontre au début 2008 - entre des dirigeants politiques d’un certain nombre de pays riches – au cours de laquelle l’orateur affirma, à l’approbation générale de l’assistance, que la meilleure préparation pour devenir un président de banque centrale était de travailler dans une banque d’investissement.

Une génération entière de dirigeants politiques ont été hypnotisés par Wall Street, sont toujours et complètement convaincus que tout ce que disaient les banques était vrai. Les déclarations de Greenspsan en faveur des marchés financiers dérégulés sont bien connues. Mais Greenspan n’était de loin pas le seul. Voici ce que disait en 2006 Ben Bernanke, l’homme qui lui a succédé: “La gestion du risque de marché et du risque de crédit est devenue de plus en plus sophistiquée… Des organisations bancaires de toutes tailles ont fait des avancées significatives ces deux dernières décennies dans leur capacité à mesurer et à gérer les risques.”

Bien sûr, tout ceci était en majeure partie une illusion. Les régulateurs, les législateurs et les universitaires partaient du principe que les dirigeants de ces banques savaient ce qu’ils faisaient. Avec le recul, on sait que ce n’était pas le cas. La division des produits financiers d’AIG, par exemple, fit 2,5 milliards de profits avant impôt, principalement en vendant des assurances sous-évaluées sur des titres complexes et mal-compris. Souvent décrites comme “ramasser des pièces de monnaie devant un rouleau-compresseur”, cette stratégie n’est profitable que lorsque tout va bien, et est catastrophique lorsque ça va mal. Ainsi à l’automne dernier, AIG s’était engagée à assurer plus de 400 milliards de dollars de ces titres. A cette date, le gouvernement U.S., dans une tentative de sauver l’entreprise, s’est engagé à hauteur de 180 milliards de dollars en investissements et prêts pour couvrir les pertes que le modèle sophistiqué de mesure et de gestion des risques d’AIG avait déclaré virtuellement impossibles.

Le pouvoir de séduction de Wall Street s’est même (ou spécialement) étendu jusqu’aux professeurs d’économie et de finance habituellement confinés dans les bureaux étroits des universités et dans la quête d’un prix Nobel. Comme les mathématiques financières devinrent de plus en plus essentielles à la pratique de la finance, les professeurs prirent de plus en plus position comme consultants ou partenaires des institutions financières. Myron Scholes et Robert Merton, deux prix Nobel, en furent peut-être les exemples les plus fameux; ils occupèrent des postes de direction dans le hedge fund Long-Term Capital Management en 1994, avant que le fonds ne s’évanouisse dans un célèbre échec à la fin de la décennie. Mais bien d’autres suivirent le même chemin. Cette migration donna le brevet de la légitimité académique (et l’aura intimidante de la rigueur intellectuelle) au monde bourgeonnant de la haute finance.

A mesure que de plus en plus de riches faisaient leur argent avec la finance, le culte de celle-ci se répandit dans la culture au sens large. Des œuvres comme “Barbarians at the Gate”, “Wall Street”, et “Bonfire of the Vanities” - toutes présentées comme des contes initiatiques - ne servirent qu’à augmenter la mystique de Wall Street. Michael Lewis indiqua dans “Portfolio” l’année dernière que lorsqu’il écrivait “Liar’s Poker”, un compte-rendu d’initié de l’industrie financière, en 1989, il espérait que le livre provoque une indignation envers les horreurs et les excès de Wall Street. A l’inverse il se retrouva “submergé de lettres d’étudiants de l’Etat de l’Ohio qui me demandaient si j’avais d’autres secrets à partager… Ils avaient lu mon livre comme un manuel d’instruction.” Même des criminels de Wall Street, comme Michael Milken et Ivan Boesky, devinrent des idoles. Pour une société qui célèbre l’idée de s’enrichir, il était facile de conclure que l’intérêt du secteur financier était équivalent aux intérêts de la nation - et que les gagnants dans le secteur financier devaient mieux savoir que d’autres ce qui était bon pour l’Amérique et devaient travailler dans le secteur public à Washington. La foi dans la liberté des marchés financiers devint la sagesse partagée - célébrée dans les pages éditoriales du Wall Street Journal et au Congrès.

De cette rencontre entre les campagnes de publicité de la finance, les relations personnelles et l’idéologie découlèrent, en se limitant aux dix dernières années, un flot de politiques de dérégulations qui sont, avec le recul, pour le moins surprenantes:

- l’insistance sur l’ouverture des frontières à la libre circulation des capitaux;

- la répudiation des régulations datant de l’époque de la Grande Dépression, régulations séparant la banque commerciale et la banque d’investissement;

- une interdiction de la part du Congrès de réguler les Credits-Default Swaps (CDS) ;

- une augmentation importante de l’effet de levier autorisé pour les banques d’investissement;

- une main légère (devais-je dire invisible ?) à la Securities and Exchange Commission dans l’application des régulations ;

- des accords internationaux qui autorisent les banques à évaluer elles-mêmes leur propre risque ;

- et un échec international d’adapter les régulations aux fantastiques développements de l’innovation financière.

L’état d’esprit qui accompagnait ces mesures à Washington semblait balancer entre la nonchalance et la célébration affichée : la finance libérée de tout lien, pensait-on, allait continuer à propulser l’économie de plus en plus haut.

IV. Les oligarques américains et la crise financière

L’oligarchie et les politiques gouvernementales qui y contribuèrent ne furent pas les uniques causes de la crise financière qui éclata l’année dernière. Plusieurs autres facteurs y participèrent, comme des emprunts excessifs par les ménages et des conditions de prêts trop laxistes à l’extérieur du domaine habituel de la finance [subprime]. Mais les plus importantes des banques commerciales et d’investissement - ainsi que les hedge funds qui sont à leurs côtés - étaient les plus principaux bénéficiaires des bulles jumelles de l’immobilier et de la Bourse de cette décennie, leurs profits se nourrissant d’un volume toujours grandissant de transactions supportés par une base relativement étroite d’actifs physiques réels. A chaque fois qu’un prêt était vendu, reconditionné, titrisé et revendu, les banques prélevaient leurs frais, et les hedge funds qui achetaient ces titres récoltaient des honoraires toujours plus gros à mesure que leurs fonds augmentaient.

Parce que tout le monde s’enrichissait et parce que la santé de l’économie nationale dépendait autant de la croissance de l’immobilier et de la finance, personne à Washington n’eut l’intention de s’interroger sur ce qui se passait. Au lieu de cela, Greenspan, le directeur de la Fed et le président Bush affirmaient régulièrement que l’économie était fondamentalement saine et que la croissance fantastique des titres complexes et des Credit-Defaults Swaps étaient la preuve de la bonne santé d’une économie dans laquelle le risque était distribué de la manière la plus sûre.

En été 2007, des signes de tension commencèrent à apparaître. La bulle avait produit tellement de dette que même un obstacle économique mineur pouvait entraîner des problèmes majeurs, et l’augmentation de défaut de paiement du secteur des hypothèques subprimes fut ce hoquet fatal. Depuis lors, le secteur financier et le gouvernement fédéral se sont comportés exactement comme on pouvait s’y attendre à la lumière des crises passées des marchés émergents.

Depuis, les princes du monde financier ont été bien sûr décrédibilisés en tant que leaders et stratèges - du moins aux yeux de la plupart des Américains. Mais alors que les mois passèrent, les élites financières ont continué à considérer que leur position de chouchous de l’économie est acquise, malgré le désastre qu’ils ont causé.

Stanley O’Neal, le PDG de Merrill Lynch, a fortement engagé son entreprise dans le marché des Mortgage–Backed Securities lors de son point culminant en 2005 et 2006 ; en octobre 2007, il reconnut : “la vérité est que nous - enfin moi - nous nous sommes trompés en nous surexposant aux subprimes, et que nous avons souffert de l’absence de liquidité de ce marché. Personne n’est plus déçu que moi de ce résultat.” O’Neal emporta avec lui un bonus de 14 millions de $ en 2006 ; en 2007 il quitta Merrill Lynch avec un parachute doré de 162 millions de $, même si celui-ci a bien fondu depuis.

En octobre, John Thain, le PDG final de Merrill Lynch, a poussé son équipe de directeurs à lui accorder un bonus de 30 millions de $ ou plus, puis a réduit sa demande à 10 millions de $ en décembre ; il retira sa requête face à un concert de protestations, mais seulement après que l’affaire fut dévoilée dans le Wall Street Journal. Merrill Lynch dans son ensemble ne faisait pas mieux : le paiement des bonus, 4 milliards de dollars au total, fut avancé en décembre, vraisemblablement afin d’éviter la possibilité que ces bonus soient réduits par Bank of America qui devint propriétaire de Merrill dès le premier janvier. Wall Street versa 18 milliards de bonus de fin d’année l’année dernière à ses employés new-yorkais, après que le gouvernement débourse 243 milliards de $ au titre d’aide d’urgence au secteur financier.

Lors d’une panique financière, le gouvernement doit répondre à la fois avec célérité et détermination. La racine du problème est l’incertitude - dans ce cas-ci, l’incertitude sur le fait que les banques disposent de suffisamment d’actifs pour couvrir leur passif. Des demi-mesures combinées avec le recours à la pensée magique et une attitude passive ne peut pas surmonter cette incertitude. Et plus la réaction tarde, plus cette incertitude bloque le crédit, sape la confiance des consommateurs et fige l’économie - rendant le problème de plus en plus difficile à résoudre. Et bien, les caractéristiques principales de la réaction du gouvernement à la crise financière ont été le retard, le manque de transparence, et l’absence de volonté de déranger le secteur financier.

Jusqu’ici la réponse du gouvernement peut le mieux être décrite comme “la politique du coup par coup” : lorsqu’une institution financière majeure se trouve en difficulté, le Département du Trésor et la Réserve fédérale concoctent un sauvetage pendant le week-end et annonce le lundi que tout est rentré dans l’ordre. En mars 2008, Bear Stearns a été vendu à JP Morgan Chase d’une manière qui ressemblait pour beaucoup à un cadeau offert à JP Morgan. (Jamie Dimon, le PDG de JP Morgan, fait partie de l’équipe de directeurs de la Réserve fédérale de New-York qui, avec le Département du Trésor, a arrangé la transaction). En septembre, nous avons vu Merrill Lynch être vendue à Bank of America, le premier sauvetage d’AIG, ainsi que la saisie et vente immédiate de Washington Mutual à JP Morgan - le tout arrangé par le gouvernement. En octobre, neuf grandes banques furent recapitalisées le même jour en huis-clos à Washington. Et suivirent les sauvetages supplémentaires de Citigroup, AIG, Bank of Amercia, encore Citigroup et encore AIG.

Certains de ces arrangements ont peut-être été des réponses raisonnables à la situation immédiate. Mais il n’a jamais été clair (et ce ne l’est toujours pas) quelle combinaison d’intérêts furent servis, et comment. Le Trésor et la Fed n’agirent en accord avec aucun principe énoncé publiquement, mais élaborèrent simplement la transaction et déclarèrent que c’était ce que l’on pouvait faire de mieux étant donné les circonstances. C’était des affaires de petit matin dans une arrière-salle, point à la ligne.

Tout au long de la crise, le gouvernement a fait particulièrement attention à ne pas déranger les intérêts des institutions financières, ou de ne pas mettre en question les bases du système qui nous a amenés là. En septembre 2008, Henry Paulson demanda au Congrès 700 milliards de $ afin d’acheter des actifs toxiques aux banques, sans conditions et sans audit administratif des décisions d’achat. De nombreux observateurs suspectèrent que l’objectif était d’acheter à un prix surévalué ces actifs de débarrasser et de cette manière les banques du problème – et c’était en effet, uniquement de cette manière que ces achats d’actifs toxiques pouvaient faire une différence. Ce plan a peut–être été suspendu parce qu’il n’était pas possible de faire admettre au plan politique un subventionnement aussi patent,.

En lieu et place, l’argent a été utilisé pour recapitaliser les banques, pour acheter des actions dans des conditions qui furent favorables de manière grossière aux banques elles-mêmes. A mesure que la crise s’approfondissait et que les institutions financières eurent besoin de plus d’aide, le gouvernement s’est montré de plus en plus créatif pour trouver des moyens complexes d’apporter des subventions aux banques afin que le public lui ne parvienne pas à comprendre. Le premier sauvetage d’AIG, dont les termes étaient relativement favorables au contribuable, a été complété par trois autres sauvetages dont les conditions étaient bien plus favorables pour AIG. Le deuxième sauvetage de Citigroup et celui de Bank of America comprirent des garanties d’actifs complexes qui offraient des assurances aux banques à des taux bien inférieurs à ceux du marché. Le troisième sauvetage de Citigroup, fin février, convertit des actions privilégiées du gouvernement en actions ordinaires à un prix bien plus élevé que le prix du marché - un subventionnement que même la plupart des lecteurs du Wall Street Journal n’auraient pas noté en première lecture. Et les actions privilégiées convertibles que le Trésor achètera dans le cadre du nouveau Plan de Stabilité Financière donne l’option de conversion et donc la chance de gain aux banques, et non pas au gouvernement.

Le dernier plan - qui a probablement pour objectif de procurer des prêts bon marchés aux hedge funds et autres afin qu’ils puissent acheter des actifs toxiques à des prix relativement élevés - a été énormément influencé par le secteur financier, et le Trésor ne l’a pas caché. Comme Neel Kashkari, un dirigeant important du Trésor à la fois sous Henry Paulson et Tim Geithner (et un ancien de Goldman), déclara au Congrès en mars, « Nous avons reçu des propositions non sollicitées de la part de personnes du secteur privé disant : “Nous avons des réserves de capital ; nous désirons acquérir des actifs de banques en difficulté.” » Et le plan permet de faire exactement cela : “En mariant le capital du gouvernement - le capital du contribuable - au capital du secteur privé et en apportant le financement, vous pouvez rendre ces investisseurs capables d’acheter ces actifs à un prix intéressant pour les investisseurs et intéressant pour les banques.” Kashkari n’a pas précisé si ce prix était avantageux pour le troisième groupe concerné : les contribuables.

Même si l’on ignore l’équité envers les contribuables, l’approche du gant de velours du gouvernement envers les banques est profondément inquiétant, pour une simple raison : ça ne va pas forcer le secteur financier à changer de comportement, habitué qu’il est à mener ses affaires selon ses propres critéres, à une période où ce comportement doit cependant changer. Comme un important dirigeant de banque anonyme l’explique au New York Times l’automne dernier, “Peu importe combien Hank Paulson nous donne, personne ne va prêter un centime avant que l’économie ne se rétablisse.” Et voilà le hic : l’économie ne se redressera pas avant que les banques ne soient à nouveau saines et désireuses de prêter.

V. L’issue

Si l’on se contente d’examiner la crise financière (en laissant de côté certains des problèmes de l’économie en général) nous sommes confrontés a minima à deux difficultés majeures intrinsèquement liées. La première est un secteur bancaire dans un état critique menaçant d’étouffer toute reprise naissante susceptible d’être générée par le stimulus fiscal. La seconde est un équilibre des pouvoirs politiques qui donne un droit de véto au secteur financier sur les politiques publiques, même lorsque ce secteur a perdu le soutien populaire.

Les grandes banques, semble-t-il, n’ont cessé de gagner en pouvoir politique depuis le début de la crise. Et ce n’est guère surprenant. Avec un système financier si fragile, les dégâts que pourrait causer la faillite d’une des principales banques - Lehman était de taille modeste comparé à Citigroup ou Bank of Amercia - sont bien plus importants qu’en temps normal. Les banques ont ainsi exploité cette peur alors qu’elles extorquaient de Washington des accords favorables pour elles. Bank of America a ainsi obtenu son deuxième plan de sauvetage (en janvier) après avoir averti le gouvernement qu’elle ne pourrait peut-être pas soutenir l’acquisition de Merrill Lynch, une perspective que le Trésor ne voulait même pas envisager.

Les défis que les USA relèvent sont familiers au personnel du FMI. Si vous cachiez le nom du pays et ne montriez que les chiffres, il ne fait aucun doute que les têtes chenues du FMI vous diraient : nationalisez les banques en péril et démantelez-les à la demande.

D’une certaine manière, bien sûr, le gouvernement a déjà pris le contrôle du système bancaire. Il a garanti les passifs des plus grosses banques et il reste aujourd’hui leur seule source crédible de capitaux. Pendant ce temps-là, la Réserve Fédérale a repris le rôle majeur de fournisseur de crédit à l’économie - la fonction que le secteur bancaire privé est supposé remplir mais ce n’est pas le cas. Cependant il y a des limites à ce que la Fed peut faire toute seule; consommateurs et entreprises restent dépendants des banques dont l’état des livres comptables et le manque d’encouragement ne permettent pas d’octroyer les prêts dont l’économie a besoin et le gouvernement ne contrôle pas réellement les responsables de ces banques ni leurs décisions.

A la racine du problème des banques se trouvent les pertes énormes qu’elles ont indubitablement subies sur leurs portefeuilles d’assurances et de prêts. Mais elles ne veulent pas reconnaître l’étendue complète de leurs pertes parce qu’elles seraient déclarées insolvables. Aussi, elles minimisent le problème et demandent des aides insuffisantes pour les assainir (et une fois encore elles ne peuvent révéler l’étendue de l’aide dont elles auraient besoin pour cela), mais qui leur permettent de tenir encore un peu. Ce comportement est délétère : les banques “malades” ne prêtent pas (accumulant l’argent pour reconstituer des réserves) ou elles font des paris désespérés sur des prêts à haut risque ou des investissements qui pourraient rapporter gros, mais qui, probablement ne paieront pas du tout. Dans l’un ou l’autre cas, l’économie continue à souffrir, et par là même, les actifs des banques continuent à se détériorer - générant ainsi un cercle vicieux destructeur.

Pour briser ce cercle vicieux, le gouvernement doit contraindre les banques à reconnaître l’échelle réelle de leurs problèmes. Comme le FMI le comprend (et comme le gouvernement U.S. lui-même a insisté a ce sujet pour de multiples marchés émergents dans le passé) la manière la plus directe de les forcer à le reconnaître, c’est la nationalisation. Au contraire, le Trésor essaie de négocier le sauvetage banque après banque et se comporte comme si les banques étaient maîtres du jeu - contorsionnant les termes de chaque accord pour minimiser la prise de participation étatique tout en renonçant à toute influence du gouvernement sur les orientations stratégiques des banques ou leurs opérations. Dans ces conditions, nettoyer le bilan des banques est impossible.

La nationalisation n’impliquerait nullement une propriété définitive de l’Etat. Le conseil du FMI serait alors, principalement : étendez la zone d’influence de la FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation). Une intervention de la FDIC est fondamentalement une procédure de faillite des banques gérée par le gouvernement. Cela autoriserait le gouvernement à écarter sans ménagement les actionnaires des banques, de remplacer les directions défaillantes, de nettoyer les bilans, et enfin de revendre les banques au secteur privé. L’avantage principal étant une reconnaissance immédiate du problème afin qu’il puisse être résolu avant qu’il ne s’aggrave.

Le gouvernement doit inspecter les bilans et déterminer quelles banques ne survivraient pas à une récession sévère. Ces banques devraient alors faire un choix : réévaluer leurs actifs à leur valeur réelle et lever des fonds privés dans les 30 jours, ou passer sous le direction du gouvernement. Le gouvernement devrait alors réévaluer à la baisse les actifs toxiques des banques sous administration judiciaire - juste reconnaissance de la réalité - et transférer ces actifs à une structure gouvernementale indépendante, qui tentera de récupérer tout ce qui pourra l’être pour le contribuable (comme le fit le RST (Resolution Trust Corporation) après la débâcle des caisses d’épargne dans les années 80). Les derniers vestiges de ces banques, nettoyés et à nouveau aptes à accorder des crédits en toute sécurité, et par là à nouveau dignes de la confiance des autres investisseurs et prêteurs - pourraient être vendus.

Nettoyer les “méga-banques” constituera une entreprise complexe. Et cela coûtera cher aux contribuables ; si on se réfère aux derniers chiffres du FMI, le nettoyage du système bancaire coûtera probablement près de 1,5 trillion de dollars (10% de notre PIB) à long terme. Mais seule une action décisive du gouvernement - mettant au jour la pleine mesure du pourrissement financier et restaurant de manière vérifiable la santé d’un “lot” de banques - pourra guérir le secteur financier dans son ensemble.

Cela peut sembler être un traitement de cheval. Mais, en fait, bien que nécessaire, c’est insuffisant. Le second problème que doivent affronter les USA - le pouvoir de l’oligarchie - est au moins aussi important que la crise actuelle du crédit. Un conseil du FMI sur ce point serait une fois encore très simple : casser les reins de l’oligarchie.

Des institutions surdimensionnées influencent les politiques publiques de manière disproportionnée ; les principales banques que nous connaissons aujourd’hui tirent l’essentiel de leur pouvoir du fait qu’elles sont “too big to fail”, « trop grosses pour faillir ». La nationalisation et la reprivatisation ne changeront pas cela ; de même, le remplacement des dirigeants de banques qui nous ont conduits à la crise bien que juste et sensé, ne serait au final que le remplacement d’un groupe de gestionnaires tout-puissants par un autre : un simple changement de nom de nos oligarques.

Idéalement, les principales banques devraient être vendues en pièces détachées de taille moyenne, divisées par région ou par type d’activité. Ou, si cela s’avérait compliqué - si nous voulions vendre les banques rapidement - elles pourraient être vendues entières, mais à la condition d’être rapidement démantelées. Les banques restant aux mains du privé devant être sujettes à une limitation de leur taille.

Ceci peut apparaître comme une étape brutale et arbitraire, mais c’est la meilleure manière de limiter le pouvoir d’institutions privées dans un secteur essentiel à l’économie toute entière. Bien sûr, certains se plaindront des coûts de fonctionnement d’un système bancaire plus fragmenté, et ces coûts sont réels. Mais c’est également le cas des coûts qu’entraîne une banque est “trop grosse pour faillir” - une arme d’autodestruction massive - lorsqu’elle se désintègre. Quoi que ce soit de trop gros pour faillir est trop gros pour exister.

Pour assurer un démantèlement systématique des banques et prévenir une éventuelle résurgence de ces dangereux mastodontes, nous avons également besoin d’actualiser notre législation anti-trust. Des lois mises en place il y a plus de cent ans pour combattre des monopoles industriels ne sont plus adaptées aux problèmes qui sont les nôtres aujourd’hui. Le problème actuel du secteur financier n’est plus qu’une entreprise donnée détienne suffisamment de part de marché pour influencer les prix ; c’est qu’une seule entreprise ou un petit réseau d’entreprises interconnectées, puissent, en cas de faillite, ébranler toute l’économie. Les stimuli fiscaux de l’administration Obama rappellent Franklin Delano Roosevelt, mais ce que nous avons à imiter ici c’est le démantèlement massif des trusts de Teddy Roosevelt.

Limiter les rémunérations des dirigeants, malgré des relents de populisme, pourrait aider à restaurer l’équilibre des pouvoirs politiques et éviter l’émergence d’une nouvelle oligarchie. L’attrait principal de Wall Street - pour les gens qui y travaillent et pour les officiels du gouvernement tout simplement trop heureux de se reposer sur ses lauriers - ayant bien entendu été les montants faramineux qui pouvaient y être gagnés. Limiter ces montants permettrait évidemment de réduire la voilure du secteur financier et de la rendre plus semblable aux autres secteurs de l’industrie.

Malgré tout, plafonner forfaitairement les rémunérations est maladroit, particulièrement sur le long terme. Et la majeure partie de l’argent est de nos jours obtenue loin de toute régulation par le biais des hedge funds et des private-equity, aussi la diminution des rétributions peut être complexe à mettre en œuvre. La régulation et l’impôt pourraient constituer un élément de la solution. Au fil du temps, cependant, ce qui importe réellement serait d’accroître la transparence et la concurrence, ce qui devrait faire baisser les rémunérations dans l’industrie financière. A ceux qui diraient que cela conduira à la fuite des activités financières vers d’autres pays nous répondrions alors : tant mieux.

VI. Deux voies

Pour paraphraser Joseph Schumpeter, l’économiste du début du 20e siècle, tout le monde a des élites; ce qui importe c’est d’en changer de temps à autres. Si les Etats-Unis étaient simplement un pays comme un autre qui viendrait au FMI le chapeau à la main, je serais passablement optimiste quant à son avenir. La plupart des crises des marchés émergents que j’ai mentionnées se sont terminées relativement rapidement et débouchèrent, dans la plupart des cas, sur des rétablissements relativement solides. Mais, hélas, c’est là que nous atteignons la limite de notre analogie entre les Etats-Unis et les marchés émergents.

Les pays des marchés émergents n’ont qu’une prise précaire sur la richesse, et sont globalement des nains. Lorsqu’ils sont en difficulté, ils ne disposent littéralement plus d’argent - ou au moins ne disposent plus des devises étrangères sans lesquelles ils ne peuvent survivre. Ils n’ont pas le choix et doivent, prendre des décisions difficiles et en dernière instance, une action déterminée fera partie de l’équation. Mais, bien évidemment, les Etats-Unis sont la nation la plus puissante du monde, démesurément riche, et jouissant du privilège exorbitant de pouvoir payer ses dettes envers l’étranger dans sa propre monnaie, monnaie qu’ils peuvent se contenter d’imprimer. En conséquence, ils pourraient bien hoqueter encore longtemps - comme le Japon l’a fait durant sa décennie perdue - sans avoir jamais le courage de faire ce qu’il est nécessaire de faire, sans jamais vraiment se rétablir. Une rupture franche avec le passé - impliquant la prise de contrôle et l’assainissement des grandes banques - ne semble pas être au programme actuellement. Et personne au FMI ne peut contraindre les Etats-Unis à une telle rupture.

A mon sens, les Etats-Unis ont devant eux deux scénarios plausibles. Le premier est constitué d’une suite de solutions ad hoc, banque après banque et d’un continuel roulement de sauvetages (répétés), comme ceux qu’on a pu voir en février pour Citigroup et AIG. L’administration tentera d’y parvenir tant bien que mal, et la confusion règnera.

Boris Fyodorov, ancien ministre des finances russe, a lutté pendant la plus grande part de ces deux dernières décennies contre les oligarques, contre la corruption et l’abus d’autorité sous toutes ses formes. Il disait volontiers que la confusion et le chaos allaient dans le sens des intérêts des puissants - leur permettant d’agir légalement ou illégalement, en tout impunité. Lorsque l’inflation est élevée, qui peut encore dire ce qu’un morceau de propriété vaut réellement? Lorsque que le système de crédit repose sur des arrangements gouvernementaux byzantins et des transactions d’arrière-salle, comment savoir si vous n’êtes pas escroqué ?

Notre avenir pourrait être celui où le chamboulement permanent alimente le pillage qu’opère le système financier, et où nous discuterons à l’infini du pourquoi et du comment les oligarques ont pu se métamorphoser en simples fripouilles et comment est-ce dieu possible que l’économie n’arrive pas à redémarrer.

Le second scénario débute d’une manière plus glauque, et pourrait malheureusement se terminer de la même manière. Mais il offre au moins un espoir minime que nous parviendrons à sortir de notre torpeur. Le voici : l’économie globale continue de se détériorer, le système bancaire de l’Europe de l’Est s’effondre et – du fait que ce sont essentiellement des banques d’Europe occidentale qui en sont les propriétaires – la crainte justifiée d’une insolvabilité généralisée des gouvernements européens s’empare de tout le continent. Les créanciers souffrent de plus en plus et la confiance sombre encore davantage. Les économies asiatiques exportatrices de biens manufacturés sont ravagées, tandis que les producteurs de matières premières en Amérique Latine et en Afrique ne s’en sortent guère mieux. L’aggravation dramatique de la situation mondiale donne le coup de grâce à une économie américaine déjà chancelante. Les taux de croissance de référence de l’administration pour le budget en cours sont de plus en plus considérés comme irréalistes, et les “scénarios de stress” optimistes que le Trésor américain utilise actuellement pour évaluer les bilans des banques deviennent la source d’une grande gêne.

Face à ce genre de pressions et confrontés à la perspective d’un effondrement à la fois national et global, un peu de jugeote infuse enfin l’esprit de nos dirigeants.

La représentation communément partagée parmi l’élite est toujours que la crise actuelle “ne peut pas être aussi grave que lors de la Grande Dépression”. Cette vision est fausse. Ce à quoi nous sommes confrontés pourrait, en réalité, être pire que la Grande Dépression - parce que le monde est aujourd’hui bien plus interconnecté et parce que le secteur bancaire est devenu si énorme. Nous sommes confrontés à une récession synchronisée dans presque tous les pays, à une baisse de la confiance des individus comme des entreprises, et des problèmes majeurs pour les budgets des États. Si nos dirigeants devenaient conscients des conséquences potentielles de cette situation, alors nous assisterons peut-être à une reprise en main draconienne du système bancaire et la vieille élite brisée. Espérons qu’il ne soit pas alors trop tard.

35 réponses à “Le coup d’Etat feutré, par Simon Johnson (traduction française)”
  1. André dit :

    Quelle magnifique illustration de la thèse qu’a toujours défendue Castoridis : nous ne vivons pas dans une démocratie mais dans une oligarchie libérale !

  2. Dominique B dit :

    Bonjour,
    Ce vieux Cornelius Castoriadis, qui disait dans les années 90 que la stratégie du PS mitterandien vis à vis du FN et de son chef,
    pourrait, dans un avenir pas si éloigné, propulser Le Pen devant les Socialistes aux éléctions…la tête de L.Jospin, après les résultats du 1er tour des présidentielles de 2002, le vide abyssal de son a-regard et sa réaction ultérieure, en disaient long.
    A voir, entre autres, dans : Cornelius Castoriadis, Une société à la dérive - Entretiens et débats 1974-1997 - édition Seuil
    Bonne journée

  3. Dominique B dit :

    J’espère que M. Simon Johnson est un gentleman et qu’il a le goût du don
    car je n’ai pas le temps de lire cette extraordinaire traduction-feuilleton à suspens.

  4. André dit :

    Ce qui fait dresser les cheveux sur la tête, c’est de penser que cette “caste” oligarchique libérale (formée de l’union des classes possédantes et des classes dominantes) conserve un pouvoir de résistance et de nuisance inouï … du moins pour l’instant. Un petit signe d’espoir, tout de même : la “repentance” d’un Johnson et de quelques autres. Ceci étant dit, la “repentance” de Johnson me parait ambigüe, comme si la politique du FMI n’avait pas contribué à ruiner nombre de pays qui ont fait appel à son aide.

  5. Franck du Faubourg dit :

    Bravo a tous ceux qui ont fait aussi rapidement la traduction de ce texte important!
    Merci à Paul Jorion, également, de se “taper” la gestion de son blog!

  6. iGor milhit dit :

    @ André
    les références d’un livre qui pourrait vous intéresser si vous ne le connaissez déjà: Résister en politique, résister en philosophie: avec Arendt, Castoriadis et Ivekovic

  7. François Leclerc dit :

    Le groupe animé par Castoriadis, depuis Paris, issu du mouvement trotskyste, s’appellait “socialisme ou barbarie”, reprenant une expression utilisée par Rosa Luxembourg. Tout un programme, qu’a notamment et brillamment illustré Guy debord, qui en faisait partie, ainsi que de l’Internationale situationniste. Il était notamment partisan des “conseils ouvriers”, par opposition à la théorie léniniste de “l’avant garde révolutionnaire”. Une tranche d’histoire, mais une pensée très cohérente et ouverte dans la multiplicité de ses approches.

  8. JeanNimes dit :

    @ André

    La repentance de Johnson n’est pas ambiguë : il critique les dégâts de l’oligarchie financière avec les critères qui ont permis la création d’oligarchies dans tous les pays émergents ! Et la sortie de crise qu’il envisage et de socialiser les pertes (nationalisations-nettoyage des banques à nos frais et privatisations au bénéfice d’une néooligarchie quand elles seront propres !). Rien de bien nouveau.

    La critique du comportement de l’oligarchie US est bien vraie mais là encore il est bien en dessous de la réalité !

  9. Alain dit :

    Je sais en tout cas que l’intervention du FMI en Indonésie a laissé un gout très amers et une haine profonde, du FMI, de l’occident donneur de leçon.
    Je me souvient de la haine envers les “spin doctor” du FMI, perçue dans les discours de victimes.

    Ce qui est intéressant dans cette vision c’est que la souffrance des peuples semble avoir pour cause, non pas l’intervention du FMI, mais le faite que l’oligarchie a tenté de reporter le cout des réformes sur les petites gens.

    de là à analyse que que la haine contre le FMI soit une manière pour l’oligarchie de détourner la haine d’eux-même…

    je comprend aussi pourquoi le FMI aujourd’hui propose des prêts aux pays émergents, sans mesures préliminaires… tout simplement parec qu’il n’y a pas d’oligarchie à nettoyer, ou plutot qu’il faut nettoyer avant tout en occident et surtout aux USA.

  10. Ybabel dit :

    Désolé, encore une fois, je ne sais pas ou mettre ce post :
    Pourtant il me semble que la panique de 1907 ressemble beaucoup à notre crise.
    On parle souvent de 1929, mais il me semble que 1907 est négligé à tort.

    Au début de 1907, le banquier Jacob Schiff de Kuhn, Loeb & Co. avait prononcé un discours devant la chambre de commerce de New York qui contenait cet avertissement : « Si nous n’avons pas de banque centrale disposant d’un contrôle suffisant des ressources nécessaires au crédit, ce pays se retrouvera face à la crise financière la plus brutale et la plus grave de son histoire »

    Morgan apparut d’abord comme un héros, mais bien vite cette image se ternit avec les craintes de voir émerger une ploutocratie et la concentration des richesses entre les mains d’une minorité.

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Panique_bancaire_am%C3%A9ricaine_de_1907

  11. A. dit :

    Bonjour à tous.

    Je suis surpris qu’un tel billet n’ait pas été suivi par plus de commentaires.
    2 remarques :

    1- J’ai l’impression, mais je me trompre peut-être, que la grille de lecture de ce blog est essentiellement conflictuelle. On a l’impression en lisant les billets qu’un groupe social est parvenu à une hégémonie politique indirecte, sociale. Notre grille de lecture prend parti, plus ou moins implicitement, pour une historiographie de la crise faisant du changement de mode de régulation des pays ocidentaux le déterminant majeur des évènements que nous traversons.

    2- Je n’ai pas trouvé, mais peut-être ai-je mal cherché, de billet portant sur les croyances de ce groupe social devenu hégémonique. Quelle est leur vision du monde, quelles sont les soubassements idéologiques qui ont pu leur laisser croire que leurs instruments leur permettait de contrôler l’économie ?

  12. Hari S. dit :

    Bonjour,

    @A.
    allez voir du côté de la société du mont pélerin pour la théorisation du néolibéralisme. Ont fait partie de cette société des gens comme Barre et Pompidou…
    Cette société a enfanter dans chaque pays un tas de groupes de réflexions de tous bords politiques (essentiellemnt de droite mais pas seulement…), parmi celles-ci : l’institut Montaigne, institut Turgot, Terra Nova (de gauche mais pro-mondialisation).
    Vous avez aussi une autre forme de rassemblement de l’oligarchie qui va mixer un peu tous les groupes et toutes les tendances : le Siècle (on y retrouve aussi bien Aubry que S@rko, des journalistes, industriels, etc.).
    A l’échelle internationale on arrive vite au groupe Bilderberg, la trinationale, etc.

    Cette oligarchie à mis une trentaine d’années à prendre quasiment tous les pouvoirs en France (impossible sous De Gaulle qui doit faire la toupie dans sa tombe).

    Il faudra un effort soutenu, une forte cohésion de la population pour créer un VRAI contre-pouvoir et les déloger…

  13. iGor milhit dit :

    @A.
    voir aussi billets précédents : ici et .

  14. A. dit :

    @ Hari S et Igor

    Merci pour vos réponses.

    Plus proche de nous, il y avait la Fondation Saint Simon.

    Je pense que cette olligarchie, à laquelle je faisais référence, avait des convictions, de nature quasi-religieuses, bien qu’elle ne fussent pas perçues comme telles.

    J’ai une anecdote qui vous fera comprendre le sens de ma question. Je discutais avec une ancienne candidate à la députation du PS. Elle est passée de la gauche du parti à sa droite. Je lui ai demandé ce qui avait motivé une telle évolution. La formulation de sa réponse m’a marqué. Selon elle, c’était le sens de l’Histoire.

    A l’instar des pays de l’est qui avaient fait du marxisme-léninisme leur idéologie officielle, reposant sur un matérialisme dialectique, ces olligarques devaient avoir un même système de croyance. Quel sens donnent-ils à l’histoire, pourquoi la croyance de l’autorégulation a-t-elle été si présente chez eux ?

    Francis Fukuyama avait écrit sur la fin de l’histoire. Selon lui, la chute de l’URSS et la victoire d’un système politico-social constituait cette fin de l’histoire. Le libéralisme et le socialisme sont empreint d’un très fort positivisme ( à la Auguste Comte). Je pense que le désenchantement du monde ne s’est pas produit. Une autre vision métaphysique et eschatologique s’est substituée aux religions.

  15. barbe-toute-bleue dit :

    @A
    les commentaires sont sur les deux papiers précédents.

    Une remarque à propos du “groupe”. Ils ne sont pas un groupe social et ayant été organisé pour, sans faille, arriver où ils en sont. L’opportunité a fait que des individus jouant toutes leurs cartes, y compris celles de leur ascendance, ce sont retrouvés ici, et fassent alors tout leur possible pour conserver le plus longtemps possible la situation en l’état. celle-ci n’est pas définitive, comment le pourrait-elle ?
    Il est impssible de revenir à l’ancien régime. Comme pour les espèces, le destin est de s’adapter, ou de disparaitre. Et, je me repète, il n’y a pas de fin de l’histoire, il n’y a pas de position fixe, et ce qui a disparu ne se reproduit plus.

  16. barbe-toute-bleue dit :

    inertie dans les caches navigateurs, c’est amusant qu’on écrive sur la fin de l’Histoire en même temps @A dont je n”avais pas le dernier post avant d’envoyer

  17. Fab dit :

    A A., ah ha ! Nous y voilà ! 2 points importants que vous soulevez-là. Simples mais importants.

    Non ce n’est pas une hégémonie politique indirecte dont il s’agit présentement. C’est une hégémonie. Ce sont les rois du jeu. Ils maîtrisent actuellement le jeu. Les différents groupent qu’ils forment sont à l’image de nos fédérations sportives ou associatives. Rien de plus. Ils mènent le jeu mais ont néanmoins besoin de divertissement…nous, nous lisons bien les journaux !
    Alors oui, certes, la grille de lecture se déplace doucement de l’analyse technique économique à l’observation des “régulations” (?). Pouvait-il en être autrement ? Imaginer la suite rejoint votre deuxième point, qui sont ces gens.

    Ah Ah ! Attendons la suite, observons et parlons-en autour de nous : que pouvons-nous faire de plus ?

    Bien à vous.

  18. johannes finckh dit :

    Les risques excessifs pris par les institutions financières pour les compte de l’élite de milliardaires ont au mieux, retardé la crisesystémique!
    La confiance perdue de la haute finance dans les capacités de se faire “rembourser” par les spoliés fait que le système restera bloqué pour longtemps, QUELS QUE soient les milliards injectés “en haut”!
    Seule issue: injecter une monnaie anticrse de type monie fondante, immédiatement et pleinement efficace dans l’économie réele.
    Accessoirement, cela va dégeler l’ensembmle des réserves actuellement gelées!
    D’où so nom: monnaie antigel ou monnae fondante!

  19. JCL dit :

    Grand corps malade

    Mr Johnson me fait penser à un médecin au chevet d’un malade ressemblant à Frankenstein. La mondialisation n’est-elle pas un peu à l’image de Frankenstein non ?

    Mr Johnson a une pratique courante du type de problème de santé pouvant affecter ce genre de créature monstrueuse car il fait partie des équipes qui ont ”construit” le monstre.
    Le monstre a eu une croissance rapide mais laborieuse. Il est sujet aux hoquets, aux flatulences et aux brusques inflamations. La bulle est pour lui un problème récurent.

    Heureusement le FMI écrase les bulles.
    Lorsque surgit une inflammation, une poussée de fièvre, un bouton, une infection, une tumeur, Mr Johnson et ses équipes interviennent. Scalpel, électrochocs, cautérisation au fer rouge, le tout avec ou sans anesthésie, ce n’est pas le matériel qui manque, la trousse du FMI est toujours bien garnie.

    Mais cette fois ci c’est le coeur ou le cerveau, peut-être les deux à la fois, qui sont atteints.

    Le médecin qui a pris du recul, mais qui connaît (ou croit connaître) sur le bout des doigts l’architecture et la psychologie du monstre nous dit donc crument où il faut manier le scalpel et appliquer le fer rouge.

    Mais ses anciens amis ont quelques doutes. Hola disent-ils, il s’agit d’organes vitaux ! Et intervenir de la sorte ne risque t-il pas de remettre en cause l’idée même du monstre ?

    Car le monstre sert à alimenter le rêve de la foule spectatrice. Il a été créé pour cela. C’est pourquoi il est si important pour ses ”géniteurs” à qui il assure la rente, qu’il continue à vivre. Quel qu’en soit le prix à payer, il faut que le spectacle et le rêve continuent.

    Mr Johnson confond un peu la partie et le tout.
    Quelle importance en effet, s’il faut amputer un doigt, un bras, une jambe, le monstre survivra et le spectacle qui aura pris de l’épaisseur continuera.
    D’ailleurs le monstre a été fait comme cela, en taillant dans le vif.
    Mais suggérer, ou risquer de lui couper la tête est plus hasardeux. Car alors il n’y aurait plus de spectacle d’un coup. Et la foule brutalement réveillée et frustrée de son rêve, deviendrait très vite enragée, crierait ”Remboursez”, casserait les fauteuils…

    En quelque sorte, et c’est là son grand mérite, Mr Johnson nous montre que le roi est nu.

    Et pour éviter que tout le monde s’en aperçoive et se retourne contre elles, nos élites n’ont qu’un leitmotiv : jouer les prolongations. Vite une photo d’un G20, un frémissement de bourse, des indicateurs de reprise qui frétillent…

    Merci aux auteurs de ce blog et à l’effort des traducteurs, la séance d’effeuillage du roi est une réussite.

  20. Ajaga dit :

    Bonsoir

    je suis arrivé sur ce blog à partir d’un site que j’aime bien : http://1libertaire.free.fr/LaCriseSJonhson.html

    J’aurai juste une petite question qui me taraude depuis un moment : on nous dit que les états s’endettent pour sauver entre autre les banques. ALORS QUI PRETENT AUX BANQUES ?

    sinon concernant ce texte d’un ex ponte du FMI : quelques confirmations ( en particulier que la crise ne fait que commencer … ) sinon rien à attendre d’un économiste. Nous ne vivons pas qu’une crise financière et économique : nous vivons une crise globale et nous cherchons quelle autre voie prendre qui ne soit ni la capitalisme privé (dans sa forme démocratique et plus surement totalitaire vu l’approfondissement de la crise ) ni la capitalisme d’état ( dans sa forme soviétoide ou chinoise)

  21. Ajaga dit :

    la question était ALORS QUI PRETENT AUX ETATS ?

    qui donnent aux banques ? on le sait tous !

  22. schizosophie dit :

    @ François Leclerc
    Précision : Guy Debord n’a pas fait parti de “S ou B”, il a cotoyé quelques mois le groupe, trois ou quatre rencontres achevées par une rupture du fait de Debord. Il n’a jamais contribué à leur production, leurs projets communs ayant rapidement avorté. Cet éphémère voisinage improductif fut solitaire et n’impliqua en rien l’Internationale situationniste.

  23. Nikademus dit :

    @ shizosophie, @ François Leclerc, et à tous ceux qui s’intéressent à la genèse d’une réflexion, en l’occurrence celle des ces deux principaux contributeurs en France, au XXème siècle, à la double critique du capitalisme libéral et du capitalisme étatique russe que furent l’Internationale situationniste et Socialisme ou Barbarie.

    D’abord pardonnez un peu d’érudition philologique (!) avec ces quelques précisions-compléments à ce qui a été signalé sur les rapports entretenus par Guy Debord, l’Internationale Situationniste, et Cornélius Castoriadis, le groupe Socialisme et Barbarie.

    Guy Debord a adhéré tout-à-fait formellement à SouB, comme on a pu l’apprendre pour la première fois dans l’étude de Philippe Gottraux (”Socialisme ou Barbarie”. Un engagement politique et intellectuel dans la France de l’après-guerre. Payot, Lausanne, 1997). Cette information, pas secrète mais largement méconnue et en tout cas absente jusqu’alors de toutes les publications sur Debord ou l’I.S., a été largement confirmée depuis par divers témoignages ainsi que la publication de la correspondance de Guy Debord, mais on pouvait sans doute déjà aussi l’induire à la lecture des publications de l’IS. D’ailleurs, au moins deux autres membres de l’IS étaient aussi adhérents (André Frankin, Attila Kotanyi, et peut-être Raoul Vaneigem?).

    Guy Debord participait aux réunions du groupe et à ses activités, comme en témoigne sa correspondance, et ce depuis l’automne 1960 (selon le témoignage de Daniel Blanchard: Dans le bruit de la cataracte du temps, Sens et Tonka, Paris, 2000) jusqu’au 5 mai 1961 (lettre de démission lisible dans la Correspondance, vol 2). Il a ainsi mené des actions avec SouB mais aussi signé un texte important avec Daniel Blanchard avec pour objectif l’établissement d’une plate-forme commune entre SouB et l’IS (Préliminaires pour une définition de l’unité du programme révolutionnaire, 20 juillet 1960).

    Debord explique ainsi sa participation à André Frankin, le 19 février 1961

    Quant à SouB, j’étais extrêmement hostile (…) à la tendance lefortiste*. Quand elle a rompu, je t’ai écrit qu’il y avait là une très heureuse confirmation. Par la suite, j’ai rencontré des camarades de ce groupe.
    Le texte Préliminaires fait par Canjuers** et moi (Canjuers au moins les 2/3) exprime très bien, je crois, le point de contact entre l’I.S. et S. ou B. (bien qu’il ne soit pas forcément approuvé par tous les situationnistes (ou autres)).
    Dans la mesure où je ne conçois p l’I.S. en dehors du mouvement révolutionnaire politique (et où le péril du lamentable arrivisme artistique se recrée toujours par la nature de notre activité, et malgré l’artificiel de toute la discipline de l’I.S.). Dans la mesure aussi où on ne peut rester toujours comme intellectuels purs, isolés, critiquant ou ayant des illusions sur tel ou tel parti jugé de l’extérieur - je crois qu’il faut participer à un regourpement des révolutionaires, actuellement en cours en Belgique*** et hors de Belgique, sur la base d’une critique sans illusions, et si un accord peut être réalisé sur les perspectives fondamentales.
    Je crois que cet accord peut se faire avec la plate-forme constituée sur l’initiative de S. ou B., et j’essaierai d’y amener l’ensemble du mouvement situationniste.

    * Le philosophe Claude Lefort a aussi participé à SouB et l’a quittée en 1958 avec d’autres à cause de désaccords sur la question de l’organisation: selon Debord, cette tendance était tellement ‘anti-organisationnelle’ qu’elle ne voulait ni ne pouvait en constituer aucune et se condamnait donc à ne rien faire.
    ** Pseudonyme de Daniel Blanchard.
    ***André Frankin résidait en Belgique où venait d’avoir lieu de très importantes grèves.

    L’influence réciproque de ce rapprochement-participation est notable d’un côté chez Castoriadis (cf. par exemple « Le mouvement révolutionnaire sous le capitalisme moderne » , Capitalisme moderne et révolution, t. II, Paris, U.G.E., 10/18, 1979, p. 168-169, où il est question de spectacle, comme rupture de la communication et de rétablissement de la communication dans la communauté et la fête, deux “concepts” proprement situationnistes).

    Chez les situationnistes, la critique de la bureaucratie totalitaire “soviétique” (notamment dans La Société du spectacle de Debord ou Le traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations de Vaneigem) est un prolongement de toute la réflexion de SouB qui s’était précisément constitué sur cette base de rupture totale avec les partis communistes existants et surtout d’avec les différents mouvements trotskystes qui restaient aveugles et muets sur le pouvoir de la bureaucratie.
    Par ailleurs, la lecture des sociologues américains critiques, qui nourrissent les thèses situationnistes (Riesman, Whyte, Boorstin, Packard, etc.), n’était pas une évidence en France dans les années 50-60, les membres de SouB ont été les premiers a en faire largement état.
    Les situationnistes ont donc été des “héritiers” de la double critique inaugurée par SouB, à la fois du capitalisme étatique “russe” et du capitalisme libéral “américain”.

    Ce très long point fait, j’en tire personnellement deux remarques. Tout d’abord, aucune pensée ne naît abstraitement dans l’isolement. C’est par influence, reprise d’une part, et confrontation, critique d’autre part que se forge une réflexion, dont on est seul ensuite à assumer ensuite la responsabilité finale au moment où on la signe (en temps que personne ou groupe). Il ne s’agit donc pas d’attribuer des bons points ou des brevets de première invention. SouB a eu des prédecesseurs et contemporains, l’IS aussi.

    L’IS est célèbre pour sa dureté, avec ses membres (douloureuses exclusions), et aussi les penseurs qui lui furent contemporains (cinglantes critiques). On se rend compte qu’elle ne l’a jamais été, et d’autant plus, qu’avec des gens qui lui furent proches ou qui auraient pu être proches (Henri Lefebvre, Lucien Goldmann, Cornelius Castoriadis (qui signait à l’époque notamment sous le pseudonyme de Paul Cardan), et aussi Edgar Morin entre autres). A un moment, les routes divergent, les conclusions diffèrent, et par honnêteté, il faut signaler et marquer la rupture: où et comment elle a lieu. (Cela étant, j’aurai des réserves sur le ton et la manière employés par l’IS.)

    Sur le fond, la double critique mentionnée au début et qui pourrait nous intéresser tout particulièrement au jour d’aujourd’hui, il y en aurait bien à en dire… Une autre fois peut-être…

    Bien cordialement.

  24. François Leclerc dit :

    @ Nikademus

    Merci de ces précisions que j’ignorais. Je voudrais ajouter, de mon point de vue, que l’intransigeance (pour ne pas dire le sectarisme, difficile parfois à distinguer) qui pouvait régner dans ce courant n’était pas sans rappeller des épisodes douloureux du mouvement surréaliste. Vous y faites référence, en rappellant les noms d’une cohorte de penseurs, tels Goldmann, Lefevre et Morin, qui participaient d’une appréhension très commune des choses de ce monde. La suite a été plus marquée par les ravages intellectuels occasionnés par Althusser et ceux qui s’en sont réclamés, qui selon moi ont représenté, d’une certaine manière, le retour et la revanche d’une pensée scolastique et arride.

  25. Étienne Chouard dit :

    La clef de la porte de notre prison politique est par terre et personne ne la regarde.

    Bonjour à tous,

    Merci à Paul et aux habitués de ce blog pour la richesse et la générosité de votre pensée.
    Ce lieu est important.

    Le document de Simon Johnson est fort.
    Merci de l’avoir traduit !

    ________________

    Mais je suis étonné que personne —ici comme ailleurs— ne voie la clef de la porte de notre prison politique, alors qu’elle est là, par terre, à la vue de tous, pendant que nous tapons sur les murs et regardons tous vers les fenêtres, à travers les barreaux…

    Chacun reconnaîtra avec moi que nos gouvernements ne servent pas prioritairement l’intérêt général, mais bien plutôt l’intérêt des seuls ultrariches (ceux-là mêmes qui leur permettent d’être élus). En ce moment, c’est un festival, une caricature : même en plein naufrage, nos “représentants” servent aux très riches des milliards supplémentaires, et aux pauvres du chômage et des dettes à vie.

    Et les privilégiés qui ont acheté le pouvoir en achetant les élus sont assez peu nombreux, finalement : voyez « Le terrible secret de Tim Geithner … Quand la solution à la crise financière en devient la cause » par William Engdahl, sur Mondialisation.ca.

    Mais d’où vient que nous soyons tous CONDAMNÉS À REGARDER FAIRE ces faux “représentants”, sans pouvoir les empêcher de nuire ?

    Je l’ai déjà dit ici, mais je reste seul et ça m’étonne : le contrôle des pouvoirs (ou l’absence de contrôle des pouvoirs !) est programmé, dans un texte stratégique (dont tout le monde se désintéresse bizarrement) : LA CONSTITUTION.

    Les acteurs politiques sont devenus les marionnettes serviles des ultrariches grâce à l’institution de L’ÉLECTION comme unique mode de désignation de nos représentants.

    Manifestement, l’élection n’a tenu (presque) aucune de ses promesses d’émancipation et l’analyse de cette illusion est sûrement la meilleure voie pour changer les choses en profondeur (avant que la terre ne soit complètement vandalisée par les plus riches).

    Le seul moyen de rendre à nouveau responsables (et révocables) les acteurs politiques, c’est d’utiliser LE TIRAGE AU SORT au lieu de l’élection :

    • tirage au sort de l’Assemblée constituante, d’abord et surtout,

    • et tirage au sort pour désigner au moins une des deux chambres parlementaires, ensuite éventuellement.

    Si ce sujet vous intéresse, voyez :

    - Élection ou tirage au sort ? Aristocratie ou démocratie ? Qui est légitime pour décider cela ?

    - Résumé en vidéo : Pour une Assemblée constituante tirée au sort.

    Mais tout le monde ignore ou méprise aujourd’hui cette grande clef de la démocratie.

    En négligeant cette issue pourtant facile, nous sommes comme des rats affolés et impuissants dans un piège politicien pourtant évitable : les partis ne servent qu’à gagner les élections et les politiciens de métier, on le voit, servent tout à fait prioritairement ceux qui les font élire. Nous n’avons pas besoin de partis pour faire de la politique, au contraire. C’est le processus de l’élection qui porte en lui la supériorité donnée aux partis ; le régime des partis n’est pas une fatalité.

    Cette idée n’est pas du tout en opposition aux vôtres, elle en est le complément,
    elle en est même le complément indispensable, il me semble, la suite logique en quelque sorte.

    Décidément, je m’étonne que les simples citoyens ne s’emparent pas de cette idée fondamentalement révolutionnaire : nous devrions être des millions à exiger une Assemblée constituante tirée au sort, pour enfin sortir des griffes de nos propres élus (de l’emprise des partis et surtout de leurs chefs), pour sortir du droit des élus à disposer des peuples et pour imposer enfin le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

    Ça ne sert à rien de réfléchir et de tempêter contre nos gouvernements qui agissent mal dans cette tempête économique et financière si on ne s’en prend pas aux fers qui sont à nos pieds, au plus haut niveau du droit, et qui permettent aux “représentants” de faire exactement ce qu’ils veulent sans opposition véritable, sans risquer quoi que ce soit de la multitude des citoyens maltraités.

    Tant qu’on n’aura pas imposé un processus constituant honnête (une assemblée dont les membres soient désintéresssés), nous serons condamnés à gesticuler vainement, pendant que les goulus se goinfrent (d’ailleurs, ils l’ont bien compris, les goulus : eux, ils l’écrivent, la constitution européenne : Jean Monnet, Pompidou, Philippe Lamy, et bien d’autres acteurs décisifs de l’UE ont été des banquiers ou des industriels)…

    Bref, nous devrions nous en prendre à nous-mêmes :

    LE POUVOIR VA JUSQU’À CE QU’IL TROUVE UNE LIMITE (Montesquieu)
    et nous ne lui fixons quasiment aucune limite…

    Bien fait pour nous, donc.

    Quand on sortira de chez nous, tout cela changera.

    Comme en 1936.

    Merci pour tout ce que vous faites.

    Étienne.

    “Ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir.”

    _________________

    PS : je vous conseille la lecture d’un livre passionnant qui récapitule les expériences humaines en matière de tirage au sort, avec les différents argumentaires en présence, et qui témoigne de la prolifération actuelle des essais de “démocratie participative” (pléonasme à la mode) partout sur terre : Yves Sintomer, “Le pouvoir au peuple. Jurys citoyens, tirage au sort et démocratie participative” (La Découverte, 2007).

    Déception : comme chez Pierre Rosanvallon, toute cette riche et utile réflexion historique passe complètement à côté du processus constituant : pas un mot là-dessus dans tout le livre…

    Cette lacune m’étonne au plus haut point.

  26. Anne.J dit :

    Si j’ai bien lu…

    Ces cinq banques sont JPMorgan Chase, qui détient la première place avec une somme étourdissante de 88 billions de dollars en dérivés (66 billions d’euros!). Morgan Chase est suivie par Bank of America et Citibank lesquelles possèdent respectivement 38 billions et 32 billions en dérivés. La quatrième place dans les sweepstakes des dérivés revient à Goldman Sachs avec ses « maigres » 30 billions, somme qui baisse de façon draconienne à 5 billions de dollars en cinquième position où se situe la banque fusionnée Wells Fargo-Wachovia. Par ailleurs, au sixième rang, la britannique HSBC Bank USA détient 3,7 billions de ces actifs toxiques.

    Par la suite, l’exposition des banques des États-Unis à ces dérivés hors bilan non réglementés diminue dramatiquement. Afin d’en souligner l’ampleur, notons qu’un billion s’écrit 1 000 000 000 000. Continuer à investir d’énormes quantités d’argent des contribuables dans ces cinq banques sans modifier leur système opérationnel revient à traiter un alcoolique avec de l’alcool gratuit à volonté.

    N’y aurait-il pas 3 zéro de trop par “billion” ? … mais non, quand on regarde l’article original en anglais…
    Monsieur Leclerc ou Monsieur Jorion … expliquez nous que cet article nous trompe…

  27. François Leclerc dit :

    @ Anne J.

    En ce qui concerne les expositions de ces cinq banques, je n’ai pas été vérifié, mais l’auteur donne ses sources, qui sont officielles.

    A propos du rôle prépondérant qu’elles jouent, cela semble incontestable et établi. Il y a desblogs entièrement consacrés à la dénonciation de Goldman Sachs, symbole de cette situation :

    http://www.goldmansachs666.com/search/label/A%20Goldman%20Sachs%20Conspiracy

    La banque s’efforce d’ailleurs d’obtenir que celui-ci cesse d’utiliser la marque “goldman sachs”, à laquelle est accolée le chiffre du diable, 666, via un cabinet d’avocats. L’auteur du blog n’en est pas son coup d’essai.

  28. Paul Jorion dit :

    @ Anne J.

    Un “billion”, c’est un milliard : 1 000 000 000.
    Un “trillion”, c’est mille millards : 1 000 000 000 000.

    Oui, il y a trois zéros de trop.

  29. Anne.J dit :

    Oui, oui , sauf que l’article en anglais … ( http://www.globalresearch.ca/index.php?context=va&aid=12953 )

    The five are, in declining order of importance: JPMorgan Chase which holds a staggering $88 trillion in derivatives (€66 trillion!). Morgan Chase is followed by Bank of America with $38 trillion in derivatives, and Citibank with $32 trillion. Number four in the derivatives sweepstakes is Goldman Sachs with a ‘mere’ $30 trillion in derivatives. Number five, the merged Wells Fargo-Wachovia Bank, drops dramatically in size to $5 trillion. Number six, Britain’s HSBC Bank USA has $3.7 trillion.

    After that the size of US bank exposure to these explosive off-balance-sheet unregulated derivative obligations falls off dramatically. Just to underscore the magnitude, trillion is written 1,000,000,000,000. Continuing to pour taxpayer money into these five banks without changing their operating system, is tantamount to treating an alcoholic with unlimited free booze.

  30. Étienne Chouard dit :

    Selon Le Petit Robert :

    billion n. m.

    • 1520; de bi- et (mi)llion 
    — REM. Les termes billion, trillion, quatrillion, quintillion et sextillion sont à éviter en raison des risques de confusion entre les nouvelles et les anciennes acceptions, encore en usage dans certains pays.

    1 Vx Mille millions, soit 109. => milliard.

    2 (1948) Mod. Million de millions, soit 10 puissance 12 (=> téra-).
    _____________

    trillion n. m.

    • 1484; de tri-, sur le modèle de million 
    (REM. cf. Billion.)

    1 Vx Mille milliards (soit 10 puissance 12). => billion.

    2 (depuis 1948) Mod. Milliard de milliards (soit 10 puissance 18).=> exa-. Million de trillions. => quatrillion.
    ________________

    quatrillion n. m.

    • 1765; de quatre et million 
    (REM. cf. Billion.)

    1 Vx Mille trillions (1°), soit 10 puissance 15.

    2 (1948) Mod. Million de trillions (2°), soit 10 puissance 24. — On dit aussi QUADRILLION, 1484.

    :)

  31. Étienne Chouard dit :

    Mille milliards… de mille sabords

    Donc le trillion anglais (mille milliards) se dit billion en français moderne (depuis 1948), ce que les traducteurs de l’article ont probablement voulu dire en utilisant le mot français ‘billion’ pour exprimer 10 puissance 12 (mille milliards, un million de millions).

    L’exposition aux dérivés de chaque grande banque US se chiffrerait en dizaines de milliers de milliards de dollars ?

    Paul ?

  32. Cécile dit :

    à Etienne Chouard
    et si on votait non pour des têtes (de coq, d’affiche) mais pour des actes (… les budgets?) ?

    à johannes finckh
    je ne pense toujours rien de la monnaie fondante, d’autant plus que là le 11, il nous reste quasi plus rien sur le compte, pas d’économie sur aucun livret,
    (il n’y a que l’état qui nous doit 2000€, c’est les machins d’échelon, soit un dû de 200 € par mois depuis juin, en attendant on n’attend, n’empêche qu’ en attendant après le loyers, les factures, …. )
    on ne se plaint pas, (on se démerde en famille) ça va, mais notre monnaie est déjà comme si elle était fondante, et je ne vois pas qu’on dilapide, franchement …
    donc la monnaie fondante, je veux bien, mais je me demande, au juste, c’est pour qui ?
    parce que si c’est pour laisser la mafia de l’immobilier, et autres marchés captifs à continuer à se piffrer les salaires (pendant que les usines déménagent) sans que personne ne râle, monnaie fondante ou pas , … ?
    Mon point de vue, certes un peu radical, serait de prendre la banque, castrer la bourse…
    (donc d’abord de prendre les médias… soit éducation populaire )

  33. barbe-toute-bleue dit :

    @Etienne

    On ne pourra pas vous reprocher votre manque de persistance ou votre combativité, par contre, votre esprit tranché, si !
    Le monde est en nuance, et en dégradé. On n’oppose pas l’homme politique et le peuple, l’homme politique en fait partie.

    La gêne n’est pas le « politique », il est le niveau de corruption inhérent à chaque individu, et donc sa compromission possible, si ce n’est probable.

    Mais c’est avec grand plaisir que je vais tordre le cou à votre idée de tirage au sort salvateur, d’une partie de la représentation nationale : il suffira d’aller corrompre les désignés après, puisqu’on n’a pas pu le faire avant, et vous n’aurez pas plus de démocratie que sous l’ancien régime.

    Un jury populaire, même si des incorruptibles « très relatifs » s’y trouvent, peut être influencé si vous y mettez les moyens.
    Tout le monde a son prix, et il serait très imprudent de dire «  Pas moi ! Pas moi ! ». Le chien de garde a son prix : si ce n’est un os, ce sera de la barbaque, et si il est dressé à la refuser, attendez qu’il ait faim.

  34. Anne.J dit :

    @barbe-toute-bleue

    Si on peut tout corrompre, il n’y a plus aucun espoir, si ce n’est la dictature.
    Je suis pour ma part d’accord avec Étienne: il y a moins de risque de pourvoir corrompre des élus tirés au sort que des élus dont l’élection est le fond de commerce.
    Mais, comme pour la démocratie qui le fut à une période, la clérocratie serait le moins mauvais des systèmes: pourquoi penser que l’évolution politique doit s’arrêter avec la démocratie ?
    Je vous suggère une lecture attentive du site http://www.clerocratie.com/

  35. barbe-toute-bleue dit :

    @Anne
    Tout espoir n’est pas perdu.
    Je crois aux contre-pouvoirs, qui doivent être nombreux, variés dans leur forme, et renouvelables à l’infini. Etienne Chouard en fait ainsi partie, par son dévouement pédagogique.

    Nous sommes depuis quelques années entrés dans une ère d’une médiatisation beuglante, qui isole, et endort les individus, vous l’aurez remarqué. De plus, il n’y a que 24 heures dans une journée, pour répondre à la question d’Etienne : “pourquoi tout le monde gobe t-il les traités européens, alors qu’il suffirait de les lire, pour savoir qu’il vaut mieux les éviter …”. Il y a donc un travail d’information, pouvant prendre sa place sur un terreau où on aura fait de l’éducation d’abord.

    Pour le moment, j’ai l’impression que ceci nous place encore dans la lutte des classes.

    Pour finir avec la corruption ( finir ? Ce ne sera jamais fini ), il y a des gens qu’on ne remarque pas trop, donc on oublie d’essayer de les corrompre, d’autres qui sont trop en vue, donc difficile à approcher pour les acheter, et encore d’autres dont le prix est élevé ( quel est le prix d’Etienne ou le votre ???? ).
    Pour votre foi entre un citoyen ordinaire plutôt qu’un politique professionnel, libre à vous d’en faire une religion, mais une fois élu, vous avez fabriqué de nouveaux professionnels. Pensez-vous qu’en ayant suscité le goût pour la politique en eux, ils vont s’en détacher ensuite ? Vous pensez que n’importe qui va aller se taper la lecture des textes de loi la nuit, en comprenant ce qu’ils font et sans saboter le travail.

    Politique c’est un job. Il faudrait que ce soit un job un peu plus précaire, pour paraphraser Parisot à propos des emplois pour les travailleurs de base, ça, je vous l’accorde.

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