Par Irena Causevska
Les pays occidentaux considèrent la Grèce comme le « berceau de la démocratie et de la civilisation moderne ». Cette représentation nostalgique ne correspond pas à la réalité. La Grèce ne mérite pas cette réputation si l’on observe son comportement envers les minorités.
Ce pays membre de l’Union Européenne applique depuis longtemps des mesures non démocratiques envers ses minorités, par ailleurs non reconnues par l’Etat. Il demeure sourd aux appels constants des institutions internationales pour la protection des droits de la personne. Les institutions demandent que la Grèce se remette en cause, car sa population compte plusieurs minorités.
Le Département d’Etat américain a publié le 8 mars dernier son rapport sur le respect des droits de la personne en 2005. Le chapitre consacré à la Grèce évoque un grand nombre de cas de violation des droits de la personne [1]. La majorité des manquements rapportés concernent les droits des minorités.
Le rapport indique que la loi permettant au Gouvernement de déchoir de la nationalité grecque des personnes commettant des actes contraires aux intérêts de l’Etat, au profit d’un Etat étranger, n’a été presque exclusivement appliquée qu’à la « minorité macédonienne ».
Le rapport mentionne également le cas de certains membres de la minorité macédonienne, ayant une nationalité et un passeport d’un autre pays, pour qui l’entrée en Grèce a été interdite, suite à l’établissement d’une « liste noire ».
Egalement repris dans le rapport : même si beaucoup de citoyens s’identifient comme Macédoniens, Turcs, Pomaks, Valaques, Roms et Arnaoutes, le Gouvernement ne reconnaît pas officiellement leur existence. Par ailleurs, le Gouvernement grec ne considère pas comme « macédonienne » la langue des habitants de la région nord-ouest du pays.
Oter les guillemets
Les membres du parti Vinozito (Arc-en-ciel), qui a pour vocation de représenter la minorité macédonienne de Grèce, se félicitent que le Département d’Etat ait enregistré les cas de violation des droits de la minorité macédonienne. Ils soulignent que des termes sensibles comme « Macédoniens », « minorité macédonienne » et « langue macédonienne » sont présentés comme des formules entre parenthèses et considèrent qu’il est grand temps que cette pratique négative soit dépassée. Ils invitent à suivre un exemple, celui de la Commission Européenne contre le Racisme et l’Intolérance (ECRI), qui utilise ces termes sans guillemets dans ses derniers rapports.
En l’an 2000, l’ECRI avait identifié des cas de racisme, d’intolérance et de discrimination en Grèce. Elle expliquait ce fait par le faible niveau de reconnaissance de la réalité multiculturelle qui domine dans la société grecque. Elle recommandait alors aux pouvoirs politiques de prendre des mesures pour améliorer la situation. Dans son rapport 2004, qui avait pour but d’examiner si les recommandations du rapport antérieur avaient été mises en œuvre, l’ECRI soulignait que les personnes désireuses de s’affirmer macédoniennes, turques ou autre, rencontrent des réactions d’hostilité parmi la population [2]. Ces minorités font l’objet de préjugés et de stéréotypes, et se heurtent parfois à de la discrimination. L’ECRI avait cette fois encouragé les autorités grecques à « progresser dans la reconnaissance de la liberté d’association et d’expression des membres de la communauté macédonienne et d’autres communautés vivant en Grèce. »
Le même rapport recommandait au Gouvernement grec de renoncer à attribuer le statut de « non-ressortissants d’origine grecque » à certains membres des minorités. L’ECRI incitait également à assurer à ces personnes la possibilité de bénéficier des mêmes privilèges que les citoyens grecs, soulignant qu’un comportement différent à leur égard peut provoquer une discrimination à base ethnique.
Un exemple illustrait cette situation : celui de la loi de 1982, permettant aux « Grecs de souche » ayant quitté le pays pendant la Guerre civile (1946-1949) de rentrer en Grèce avec leurs familles. L’ECRI soulignait que cette clause exclut toutes les personnes de souche non grecque, notamment les citoyens grecs de souche macédonienne, qui quittèrent la Grèce dans les mêmes conditions que les Grecs de souche.
Le silence des autorités
En mai 2004, le Comité des Droits Economiques, Sociaux et Culturels des Nations Unies a signalé avec inquiétude qu’une seule minorité était officiellement reconnue en Grèce, alors que d’autres groupes ethniques revendiquent la reconnaissance de ce statut. Le Comité s’est aussi préoccupé du manque d’informations sur les mesures prises par le pays pour la protection et la promotion des langues et cultures minoritaires. De même, le Comité a recommandé à la Grèce de revenir sur sa position relative à la reconnaissance des autres minorités ethniques, religieuses, linguistiques existant sur son territoire, en conformité avec les normes internationalement reconnues, et l’a invitée à ratifier la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales de 1995.
En mars 2005, le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies a souligné que le Gouvernement grec ne permet pas l’utilisation du terme « macédonien » ou « turc » de la part des associations dans leur nom. Selon le Comité, « les personnes faisant partie des telles minorités ont le droit selon l’article 27 de la Convention internationale sur les droits politiques et les droits de l’homme de cultiver leur culture, d’exercer leur confession religieuse et d’utiliser leur langue en communauté avec d’autres membres de leur propre groupe ». Aussi, le comité a-t-il recommandé à la Grèce de remettre en cause sa pratique.
Il y a quelques jours, le Parti Communiste grec a demandé aux autorités du pays d’ôter de la Loi sur le rapatriement et la réadmission des réfugiés la clause contestable évoquant les « Grecs de souche ». Mais Athènes n’a pas encore répondu.
|