Envoyer Imprimer Politique / Social - Économie - Article paru
le 9 mai 2009
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Ronald Ganssen « Pour sortir de la récession, il faut changer les politiques économiques de façon radicale »

Pour Ronald Ganssen, conseiller économique à la Confédération européenne des syndicats, l’inflation, aujourd’hui, risque de se retourner en déflation.

La Commission européenne vient de publier des prévisions de croissance très préoccupantes. Elle prévoit notamment une explosion du chômage, tout en envisageant une accalmie à la mi-2010. Qu’en pensez-vous ?

Ronald Ganssen. Ces chiffres sont extrêmement graves, puisque la zone euro va vers un taux de chômage de 12 % en 2010 avec une chute de l’activité de 4 % cette année et une croissance négative encore l’année prochaine. Nous pensons que ces prévisions sont encore trop optimistes dans le sens où la Commission envisage que le pire de la crise serait passé à la mi-2010. Or il subsiste des risques qui peuvent déclencher de nouvelles dégradations de l’activité économique. Si les entreprises réagissent à cette récession en pratiquant une modération salariale, les Européens vont perdre en pouvoir d’achat, diminuer leur consommation, ce qui peut aggraver la situation. Comptant sur une reprise de l’activité à la mi-2010, la Commission peut inciter les États à réduire leur déficit public très tôt, ce qui risque également d’aggraver la conjoncture. Enfin, le secteur bancaire comporte également un risque dans le sens où, avec la crise, les entreprises vont avoir de plus en plus de mal à rembourser leur dette. Tous ces dangers qui s’annoncent ne sont pas pris en compte dans les perspectives de la Commission. Et dans le cas où il y aurait une stabilité de l’activité économique mi-2010 ou début 2011, cette amélioration sera dépréciée par un phénomène de désendettement du secteur privé. En effet, à l’inverse du cycle d’endettement qui a stimulé la croissance pendant ces dix dernières années, on est dans un scénario où les banques, les entreprises et les ménages sont beaucoup endettés ; il y a donc une tendance au désendettement du secteur privé qui va peser sur les dépenses de consommation de bien durable puis sur les investissements pendant au moins cinq ans. Or il s’agit d’un facteur déterminant qui n’est absolument pas pris en compte par la Commission européenne et les gouvernements. Il faut donc changer les politiques économiques de façon radicale.

Vous venez de rédiger une note sur ce sujet. En substance, quels sont les instruments principaux de relance préconisés par la CES ?

Ronald Ganssen. Comme je viens de l’expliquer, le secteur privé ne peut pas tirer l’économie dans les années qui viennent. Il faut donc se tourner vers les investissements du secteur public comme facteur de relance. Lors du prochain Conseil européen en juin, la Commission a l’occasion d’identifier les grands projets. Côté financement, une part du budget représentant 1 % du PIB européen devra être consacrée à ces grands investissements en 2009, 2010, 2011 et 2012 car les États membres sont à ce jour trop endettés, de telle sorte qu’il n’y a plus de marge pour pouvoir consentir à cet effort. La Banque européenne d’investissement aura également son rôle à jouer en cherchant de l’argent sur les marchés obligataires.

Concernant la modération salariale, quelles sont les mesures à prendre pour l’éviter ?

Ronald Ganssen. La politique économique a été menée sur l’hypothèse que la formation des salaires était par définition inflationniste. Elle a ainsi dérégulé le marché du travail et accentué la concurrence entre les travailleurs. Aujourd’hui, avec la récession, l’inflation risque de se retourner en déflation. Il faut une nouvelle méthode qui combine à la fois un salaire plancher en Europe et une véritable incitation à augmenter les salaires dans les entreprises. Dans ce sens, la CES souhaite que les États membres obligent l’ensemble des entreprises, y compris celles qui ne sont pas affiliées à l’organisation des employeurs, à respecter les conventions collectives établies entre les organisations des employeurs et les syndicats. Avec le besoin de liquidité des entreprises, la Banque centrale européenne doit financer directement les entreprises puisque le circuit bancaire est en panne. Mais cette aide publique ne doit pas se réaliser sans contrepartie sur les salaires.

Entretien réalisé par Clotilde Mathieu

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