Guide pour la méditation - Chapitre 1

Bhâvanâ






Chapitre 1 - Les caractéristiques de la pensée

Avant toute démarche d'entraînement et de développement de la pensée, il convient de mieux connaître son fonctionnement et ses tendances. L'analyse du fonctionnement de la pensée est au centre de la réflexion et des écrits bouddhiques.

Le bouddha inaugure cette réflexion par la constatation suivante :

Phandanam capalam cittam durakkam dunnivarayam.
Ujum karoti medhavi usukarova tejanam.

"La pensée est difficile à contrôler. L'homme avisé sait comment la renforcer, comme un archer sait renforcer ses flèches".

La pensée s'acharne à trouver des objets dans lesquels s'investir et s'attacher. Elle est incapable de se rester durablement dans un état ou dans un autre. Il difficile de lui assigner un comportement déterminé. Enfin, personne ne peut se prémunir de l'irruption inopinée de telle ou telle pensée, de telle ou telle idée, de telle ou telle réaction, ou de telle ou telle réminiscence.

Ceci est la forme naturelle de la pensée, qui peut malgré tout se contrôler.

Le bouddha d'ailleurs donne une autre description de la pensée, comme suit :

Dunniggahassa lahuno yattha kâmanipâtino
Cittassa damatho sâdhu cittam dantam sukhâvaham.

"C'est une bonne chose que de s'entraîner au contrôle de la pensée, qui est difficile à saisir, se complaît facilement dans ses tendances, mais qui peut apporter du bonheur à celui qui s'est entraîné."

Bien que difficile à contrôler et à appréhender, bien que changeant constamment d'état, d'objet, de motivations, bien que retournant rapidement à ses tendances spontanées de facilité et de dépendance, la maîtrise de la pensée apporte beaucoup à celui qui s'y adonne.

Le bouddha précise encore :

Dûrangaman ekacaram asarîram guhâsayani
Ye cittam saññamessanti mokkhanti mârabandhanâ.

"La pensée vagabonde jusque très loin, part seule de son côté, sans rationalité. Celui qui peut la contrôler se prémunit des pièges de Mara" *

La pensée se promène sans plan préétablit dans toutes les directions du temps et de l'espace, à tout moment, à tout instant. Elle semble suivre son propre projet et sa propre logique, nous laissant souvent sur notre fin. Nous baignons dans un courant ininterrompu, continu, de pensée qui intègre à tout moment l'ensemble des sensations provenant de l'intérieur et de l'extérieur. Le bouddha l'a souvent dénommée "le vagabond solitaire".

La pensée est sans forme, sans couleur, sans contours, sans profil. La pensée est abstraite, incorporelle, non matérielle et reste non perceptible avec les sens comme la vue, l'ouïe, le toucher, l'odorat ou le goût. Aucune instrumentation ne peut rendre compte de la matérialité de la pensée, seule son activité est détectable.

La pensée de chacun a son propre parcours et ne croise jamais celle des autres. Elle reste dans sa logique, dans son état, sans jamais partager ou échanger quoi ce soit avec une autre (le bouddhisme insiste sur cet aspect solitaire et irréductible).

On peut opposer que si la pensée est non matérielle, il n'est pas possible d'exercer sur elle le moindre contrôle. Mais, bien que non matérielle, il y a dans le corps un certains nombre de points de passage entre le dedans et le dehors, au travers desquels s'exercent particulièrement l'activité de la pensée. Ces points de passage sont au nombre de six : les yeux, les oreilles, le nez, la langue, le corps et les pensées (au sens de "idées").

C'est par le moyen de ces six points de passage que peut s'exercer une compréhension plus approfondie du processus de pensée et un contrôle raisonné sur celle-ci. Si les sens montrent l'activité mentale dans des relations particulières aux sensations, ils désignent aussi cette activité en tant que telle.

Ainsi, avec de l'entraînement, la pensée deviendra propre, claire et calme.

Ces trois qualificatifs ont été formulés par le bouddha comme caractérisant la nature de la pensée. L'Abhidhamma a développé le sens étymologique de la notion de pensée : Citta en pâli.

Citta a trois acceptations :

1. ce qui a la nature du penser et qui répond aux stimuli

2. ce qui organise les informations provenants des sens

3. ce qui a la nature du discernement.


La pensée est le lieu d'une cohérence globale où une certaine logique est à la fois instruite et dirigée par le sujet, mais qui peut être aussi le résultat de l'enchaînement des causes et des effets des actes, idées et projets du sujet.

Cette activité spécifique qui fait resurgir périodiquement des éléments de la vie du sujet est généralement appelée "kamma" (karma en sanskrit).

L'activité mentale est elle aussi soumise à des phases de développement et d'épanouissement, puis à des phases de régression et de cessation. C'est cette cyclicité entre des phases de croissance et de décroissance (à laquelle on a donné l'image de renaissance, de dégénérescence et de mort, qu'il ne faut nécessairement prendre au pied de la lettre) que recouvre aussi la notion de kamma (ou karma). (Cf. le texte sur la notion de kamma.)

L'idée de réincarnation, c'est l'idée qu'il y a une continuité du vivant dans le vivant (et non pas au delà, ou ailleurs ...), c'est l'idée qu'il y a une continuité des choses refermée, retournée sur leur nature même. On devrait d'ailleurs parler de la réincarnation (notion qui comme le karma donne lieu à des interprétations erronées et simplistes), comme d'un principe de continuité.

Cette cohérence de l'activité mentale fait aussi qu'un certain nombre d'actes s'agrègent ensemble par affinité et finissent par caractériser le sujet.

Ce qui oriente ce principe de continuité, dans une direction ou une autre, ce sont certaines catégories d'actions ou d'attitudes qui n'engendrent pas de conséquences néfastes. Le bouddhisme désigne ces actions comme Puñña.

Puñña c'est :

1. ce qui n'engendre pas de conséquences néfastes

2. ce qui engendre l'équilibre, le calme, la tranquillité, mentale et physique

3. ce qui favorise l'émancipation de la pensée

Les bouddhistes considèrent même que puñña favorise la prospérité matérielle et mentale.


Inversement, certaines actions ou attitudes ont des conséquences néfastes avant tout pour soi même et généralement pour les autres. C'est ce que le bouddhisme appelle Pâpa.

Pâpa c'est :

1. ce qui engendre à coup sur des conséquence néfastes

2. ce qui crée le déséquilibre, le conflit, le désordre mental et physique

3. ce qui favorise la médiocrité mentale

Les bouddhistes considèrent que l'agitation, la dissipation sont les conséquences du mauvais esprit et d'une pensée "polluée".

Pâpa est bien évidemment contradictoire à la recherche du développement mental. Et, pour les bouddhistes, cette attitude est proscrite.


Les bouddhistes considèrent de plus qu'il faut encourager panna par des actions spécifiquement bénéfiques.

On voit bien ici qu'on n'est pas du tout dans des notions de "bien" et de mal. Au contraire, ne sont encouragées que ce qui est bénéfique pour l'émancipation mentale. Il y a un but bien précis, reposant sur des composantes aussi concrètes que possibles, au moyen d'une méthode pratique. Les notions figées et dogmatiques de "bien" et de "mal" sont complètement étrangères au bouddhisme On trouvera dans le texte Dighanikaya (le groupe des discours longs), un commentaire appelé Sumangalavilasini, la description de dix manières d'entreprendre des actes bénéfiques. Ce type d'action est appelé Puññakiriyavatthu.

Les actions qui sont décrites dans ce texte sont largement pratiquées en Asie du sud-est. En occident, ces actions ont certainement aujourd'hui un autre sens et une fonction sociale différentes. Il paraît plus efficace d'observer la vraie nature de ces pratiques sur place que de les décrire ici.

Le bouddhisme accorde une place centrale à la mise en pratique globale d'actions ou d'attitudes bénéfiques. Il encourage même la généralisation de ces attitudes à l'ensemble des aspects de la vie. Les manières, l'apparence, les paroles, les pensées, les actes. Cette totalisation à toutes choses d'attitudes bénéfiques est même susceptible de conduire par elle-même au nirvana.

(La statuaire bouddhique comme par exemple celles d'Angkor, Ta Prohm ou Banteay Srei, les mudra, les postures, les 32 signes distinctifs des bouddha et autres expressions artistiques dont certains aspects sont présentés sur ce site, sont la mise en application de ce concept.)




* = Mara est une créature masculine censée incarner tout ce qui peut être préjudiciable au sujet et lui faire abandonner ses résolutions, notamment dans l'engagement dans la voie bouddhique. Dans la légende, c'est Mara qui tente de dissuader le bouddha d'accéder au nirvana, puis de délivrer son enseignement. Retour au texte



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