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les 6 sortes de conscience dans le bouddhisme

question 42




Quelles sont les six sortes de conscience ?

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Réponse :

Vous vous attaquez à une des notions les plus complexes et les plus ardues de la philosophie bouddhiste et de la philosophie en général. Votre question est également très complexe puisque vous interrogez à la fois sur la nature de la conscience, sur son conditionnement ou son non conditionnement et sur une hypothétique qualité ultime de la conscience qui serait de pouvoir persister au delà de cette vie.

Il est question de la conscience, de la façon dont on perçoit cette conscience et de la façon dont on vit avec. Sur ces trois niveaux de la problématique le bouddhisme a de nombreuses appréciations, définitions et recommandations. Je crois que c'est aussi l'une des notions sur laquelle les différents courants du bouddhisme ont le plus d'interprétations différentes, non sur le plan de sa définition, mais sur le plan de l'attitude vis à vis de la conscience.

Dans la philosophie occidentale cette notion est d'ailleurs matinée d'un certain moralisme (ne parle-t-on pas de la bonne conscience, par opposition à une conscience qui ne le serait pas ?).

Vous indiquez que le dalaï lama évoque six niveaux de conscience, et qu'il parlerait d'un éventail depuis un niveau plus grossier, jusqu'à un niveau le plus subtil. Sincèrement, je ne vois pas très bien à quoi cela correspond. D'une part, les six sortes de conscience décrites par le bouddhisme ne sont pas des niveaux, d'autre part, les quatorze phases de la fonction cognitive décrivent simplement le fonctionnement de la conscience. Il y a bien dans le bouddhisme plusieurs exposés, qui sont en fait des discours du bouddha historique et notamment dans l'un des plus importants, à savoir l'Anattalakkhana Sutta qui fut prononcé cinq jours après le fameux le Dhamma Cakkappavattana Sutta, le premier discours du bouddha. Dans différents Sutta, le bouddha historique expose qu'il y a six sortes de conscience (dans cette description, le bouddhisme insiste avant tout sur les aspects strictement fonctionnels de la conscience et n'en parle que comme le résultat des fonctions qu'elle assure et qu'elle coordonne).

Ces six sortes de consciences sont en fait conditionnées par les informations sensorielles qu'elles véhiculent. Il s'agit de la conscience de l'œil, la conscience de l'oreille, la conscience du nez, la conscience de la langue, la conscience du contact kinesthésique et la conscience de l'organe mental. C'est délibérément que l'on n'écrit pas la conscience de la vue, pour reprendre le premier de six sens (l'organe mental étant le sixième sens chez les bouddhistes et la plupart des extrême-orientaux). La conscience de l'œil, tend à se placer sur le plan de la totalité du processus sensoriel, à partir de l'organe lui-même, des qu'il perçoit et qu'il transmet, des perceptions qui sont reçues et des informations qui en découlent pour le sujet, c'est cet ensemble d'informations au sein d'un processus que la notion de conscience de l'œil décrit. Cet ensemble est appliqué pour chaque grande fonction sensorielle, l'œil, l'oreille, le nez, la langue, le contact kinesthésique et l'organe mental.

Le bouddhisme dans ses exposés est très précis, il ne dit pas : " il y a une conscience globale qui coifferait l'ensemble des ces consciences ", il dit : "la conscience, c'est la conscience de l'œil, la conscience de l'oreille, la conscience du nez, la conscience de la langue, la conscience du contact kinesthésique et la conscience de l'organe mental ". Un point c'est tout. Il n'y a rien d'autre, il n'y a rien de caché derrière ces six sortes de consciences. La conscience n'est pas pour le bouddhisme un objet de spéculation et d'extrapolation.

Au sujet de l'identification de ces sortes de conscience, le bouddhisme insiste sur le fait qu'il est tout à fait possible de distinguer très clairement ces six sortes de conscience. C'est là le travail à réaliser au cours des séances de méditation. Dans le Satipatthana Sutta, le bouddha historique expose cette méthode qui s'applique à la conscience. Le sujet est alors invité à observer, sans intervenir, l'apparition d'une perception, d'observer l'apparition d'une sensation et d'observer son cheminement, d'observer l'apparition de la conscience de cette sensation, puis d'observer la disparition de cette perception, d'observer la disparition de cette sensation, d'observer la disparition de la conscience de cette sensation et ainsi de suite … (Cf. aussi le guide pour la méditation).

Oui, ces six sortes de conscience sont en effet conditionnées. Elles sont conditionnées parce qu'elles dépendent seulement des organes dont elles traitent les données. Quand la capacité visuelle de l'œil est atteinte, détériorée ou carrément perdue, la conscience de l'œil se modifie, s'altère ou s'atténue au point de disparaître. La conscience de l'œil est complètement dépendante de l'organe sensoriel, elle est donc conditionnée, changeante, inconstante, éphémère, illusoire et elle est aussi en tant que conditionnée, dukkha.

Dans l'Anattalakkhana Sutta, le bouddha historique explique que la conscience n'est pas le soi, car on ne peut dire de la conscience qu'elle soit ceci ou cela, selon nos désirs ou nos inclinations, mais que l'on peut seulement suivre les données immédiates de la conscience sans pouvoir intervenir sur le cours de son fonctionnement.

La conscience n'est pas ce qui perdure, ce qui demeure, ce qui passe, ce qui irait d'une vie à une autre. Cette affirmation découle de ce qui précède. Dans un Sutta, le bhikkhu Sâti expose une vue contraire aux autres membres du Sangha. Il dit peu ou prou "c'est la même conscience qui a transmigré et voyagé d'existence en existence, et rien d'autre ", s'appuyant sur différents Jataka où le bouddha est censé passer de vie en vie, en incarnant différents personnages humains, animaux ou mythiques. Cette croyance s'appelle l'attachement au nivasâsî attâ, ou la croyance à la continuité et la perpétuation infinie du soi. Le bouddha historique, à qui fut expliqué la chose, répondit à Sâti : " Où as-tu vu que j'avais exposé une telle chose ? J'ai expliqué que la conscience n'apparaissait qu'à partir de conditions, qu'il n'y a pas d'apparition de la conscience sans conditions."




Note sur la notion de conscience et sur les quatorze phases de la fonction cognitive

Il arrive que cette notion de conscience soit également utilisée pour décrire la fonction cognitive engageant le sixième des sens ; l'organe mental (rappelons que l'un des cinq agrégats est l'agrégat de la conscience ou viññânakkhandha ). Dans le bouddhisme, il s'agit d'une fonction sensorielle particulière, puis qu'elle est à la fois une fonction en tant que telle et une fonction qui s'applique elle-même aux cinq sens. Le bouddhisme décrit 14 phases d'activité spécifiques de la fonction cognitive. Ces phases ne sont pas progressives mais successives, cette succession n'est pas forcément linéaire. Dans la description qu'en fait le bouddhisme le passage par certaines phases se fait plusieurs fois dans le processus. Sans aller jusqu'à une description plus approfondie, ces quatorze étapes sont les suivantes : 1- patisandhi (phase de conscience de ré-association), 2 - bhavangha (phase de conscience latente), 3 - âvajjana (phase de conscience en éveil aux stimuli), 4 - dassana (phase de conscience rattachée à ce qui est en train d'être vu), 5 - savana (phase de conscience rattachée à ce qui est en train d'être entendu), 6 - ghâyana (phase de conscience rattachée à ce qui est en train d'être senti), 7 - sâyana (phase de conscience rattachée à ce qui est en train d'être goûté), 8 - phusana (phase de conscience rattachée à ce qui est en train d'être touché), 9 - sampaticchana (phase de conscience réceptive), 10 - santîrana (phase de conscience analytique), 11 - votthâpana (phase de conscience de détermination), 12 - javana (phase de conscience d'impression), 13 - tadâlambana (phase de conscience d'enregistrement), 14 - cuti (phase de conscience de la cessation ou du changement). Une fois achevé la succession complète des différentes étapes du processus, la conscience retourne au niveau bhavangha.


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Je voudrais également reprendre certaines de vos formulations. Il n'est pas dit que la conscience est dukkha, donc impermanente, il est dit que la conscience est dukkha parce qu'elle est impermanente. Ou, la conscience est impermanente, donc elle dukkha.

Vous dites qu'on voudrait toujours que quelque chose reste de nous même, c'est justement là l'une des formes de l'attachement au soi (le sakkâya ditthi), l'un des dix empêchements (samyojana) pour reprendre la description du bouddhisme.

Enfin, je ne comprends pas bien votre suggestion de placer la problématique hors du temps. S'il n'y a plus ni naissance, ni vie, ni mort, je ne vois pas bien ce qui reste. De même, je ne comprends pas bien cette notion de peur que vous introduisez. Peur de vivre, peur de mourir ? Si c'est cela, je crois que ces peurs là n'appartiennent pas trop au bouddhisme, bien que ce sujet mériterait certainement réflexion (mais dans un autre développement…).

J'espère avoir répondu à votre question.







Texte complet de la question

Vous dites que la conscience est dukkha, donc impermanente. Si la conscience disparaît avec la mort physique alors d'où est venu la conscience avec la naissance ?

Le Dalaï Lama dit qu'il y a six niveaux de conscience, de la plus grossière à la plus subtile. Est-ce que tous les niveaux de conscience disparaissent avec la mort ?

On voudrait toujours que quelque chose de nous-mêmes subsiste. On refuse le néant. Peut-être que tous ces points devraient-ils être vus hors du temps ? Hors du principe début, naissance puis fin, mort ? Et si l'on se place hors du temps ou de tous les temps il n'y a plus ni naissance, ni mort. Donc en percevant ceci comme une réalité, alors la peur doit disparaître naturellement.

Pouvez-vous me donner votre point de vue ?

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