deux mois du référendum sur la Constitution européenne, Jacques Chirac est entré en campagne. Après avoir obtenu de ses pairs, à l'occasion du Conseil européen des 22 et 23 mars, une réforme du pacte de stabilité de la zone euro conforme à ses voeux, puis la promesse de réviser le projet de directive Bolkestein sur les services, qu'il juge inacceptable en l'état, le chef de l'Etat est reparti à l'attaque, à l'issue de la rencontre : il s'est, cette fois, donné pour cible le rabais accordé aux Britanniques depuis 1984 sur le budget européen.
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Un groupe de travail pour évaluer la Croatie |
A la demande de l'Autriche, l'un des plus actifs partisans de l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne, le Conseil européen a décidé, mercredi 23 mars, de créer un groupe de travail chargé d'évaluer les progrès accomplis par Zagreb dans sa coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). Les ministres européens des affaires étrangères ont jugé, le 16 mars, que cette coopération n'était pas suffisante pour autoriser l'ouverture de négociations d'adhésion. Ils ont reproché à la Croatie de n'avoir pas fait tous les efforts nécessaires pour arrêter le général Ante Gotovina, poursuivi pour crimes de guerre par le TPIY. La Grande-Bretagne, la plus sévère, a donné son accord au projet de task force. Ce groupe sera présidé par le ministre luxembourgeois des affaires étrangères. Il comprendra notamment des représentants de la Grande-Bretagne et de l'Autriche, qui exerceront les deux prochaines présidences de l'Union. Il consultera aussi bien les autorités croates que le TPIY avant de présenter un rapport aux ministres européens des affaires étrangères. (Corresp.)
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M. Wolfowitz à Bruxelles avant le 31 mars |
Invité par le commissaire européen au développement et à l'aide humanitaire, Louis Michel, à se rendre à Bruxelles pour y exposer ses vues, le candidat des Etats-Unis à la présidence de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz, pourrait rencontrer des représentants de l'Union avant le 31 mars, selon Didier Reynders, le ministre belge des finances. A l'issue du Conseil européen, mercredi 23 mars, le chancelier Gerhard Schröder a indiqué que l'Allemagne ne s'opposerait pas à la nomination de M. Wolfowitz. "Et j'ai l'impression, a-t-il ajouté, que cela ne sera pas bloqué par les autres pays d'Europe." Le ministre britannique des affaires étrangères, Jack Straw, a estimé, le même jour à Londres, que les gens seraient "agréablement surpris" par M. Wolfowitz s'il accède à la présidence de la Banque mondiale. José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, avait déclaré, lundi 21 mars, qu'il ne fallait pas avoir "des préjugés sur des personnes" mais se décider "en fonction de leurs programmes, de leurs objectifs et de leur capacité à les remplir". (Corresp.)
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Les perspectives financières de l'Union pour les années 2007/2013 sont le troisième gros dossier de la présidence luxembourgeoise, qui s'achève en juin, après la réforme du pacte de stabilité et la révision de la stratégie de Lisbonne, dont fait partie le projet de directive sur les services. Mercredi 23, le ministre britannique des affaires étrangères, Jack Straw, a affirmé au micro de la BBC que la Grande-Bretagne était prête à utiliser son droit de veto pour conserver son rabais. M. Chirac a choisi de se montrer offensif sur ces trois thèmes pour convaincre l'opinion que la voix de la France peut se faire entendre en Europe.
"Ce sommet a prouvé que l'Europe n'avance pas tête baissée vers l'ultralibéralisme et qu'elle fonctionne avec des règles démocratiques", fait valoir l'entourage du chef de l'Etat. Les proches de M. Chirac estiment que l'Europe a démontré qu'elle peut être
"un lieu de revendication pour le modèle social, tout en appuyant la croissance".
Ce combat était pour Jacques Chirac une manière de répondre à ceux qui, en France, lui reprochent de ne pas s'être encore engagé dans la bataille du référendum. Le président de la République s'est appuyé sur les résultats du Conseil européen pour affirmer son soutien au oui. Tout en indiquant que, "le moment venu", il s'adressera aux Français pour leur dire que "la France a tout à gagner et rien à perdre avec la Constitution européenne", il a exprimé sa conviction, lors de sa conférence de presse à la clôture du Conseil, que le traité constitutionnel sera "un progrès important"en matière sociale, économique et de politique étrangère. "Ce n'est pas l'alternance politique qui est en cause, ce n'est pas un plébiscite", a-t-il souligné, adressant une mise en garde aux partisans du non. "Si la France bloquait la construction européenne, a-t-il dit, les conséquences n'en seraient pas négligeables. Elle perdrait une grande part de son autorité."
PACTE"DE CROISSANCE"
Les résultats du Conseil lui permettent de répondre à ceux qui affirment que l'Europe est
"incontrôlable", que tout se décide à Bruxelles. Le rejet de la directive Bolkestein a établi, estiment les collaborateurs de M. Chirac, que
"ce n'est pas la Commission qui gouverne l'Europe" et que les politiques ont leur rôle à jouer."
L'Europe est ce que l'on veut en faire : les politiques peuvent prendre des décisions et la Constitution renforcera leur pouvoir", explique-t-on à l'Elysée.
Les conseillers du chef de l'Etat ne sont pas non plus mécontents de "remettre à sa place" le président de la Commission, José Manuel Barroso, auquel le président du groupe UMP de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, avait reproché de vouloir "dicter ce qui doit se passer dans notre pays".
M. Chirac est revenu longuement sur la réforme du pacte de stabilité qui, a-t-il dit, sera désormais "moins mécanique" et "plus économique". Il a rappelé qu'en 1997, à Amsterdam, il s'était battu, aux côtés de Lionel Jospin, son premier ministre d'alors, pour que le pacte soit aussi un pacte "de croissance". "Nous avions obtenu satisfaction sur la forme. Sur le fond, nous n'avions pas réellement convaincu. L'impératif de croissance était passé un peu par pertes et profits". Il en était résulté, selon M. Chirac, "des conséquences fâcheuses pour l'emploi". Il fallait donc "réintégrer cette exigence de croissance".
Le président s'est félicité que le Conseil ait adopté un texte permettant la "remise à plat complète"de la directive Bolkestein, dont le "caractère outrancier", a-t-il dit, a suscité les critiques du Parlement européen et de "la totalité des organisations syndicales des Vingt-Cinq". M. Chirac a estimé que, si le projet n'était pas formellement retiré, sa révision en profondeur conduisait à élaborer "une nouvelle directive". Il a affirmé que "le principe du pays d'origine tel qu'il a été arrêté par la directive n'est pas acceptable par la France". "Nous sommes prêts, a-t-il dit, à étudier les modalités d'une ouverture du marché des services à condition que ce soit un marché qui permette de tirer tout le monde vers le haut et non vers le bas."
Le président s'en est pris au rabais britannique en réponse à une question sur le budget européen, que la France, avec cinq autres pays, dont l'Allemagne et la Grande-Bretagne, veut limiter à 1 % du PIB."Le budget, ce n'est pas extensif, a-t-il dit. Le sentiment d'un certain nombre de pays, c'est que, dans la limite du 1 %, on doit pouvoir assumer les exigences du futur budget européen. On n'arrivera à un équilibre convenable que si on remet en cause le chèque britannique, qui ne se justifie plus".
On estime chez les Français qu'il existe une "fenêtre de tir" pour parvenir à un compromis, après les élections britanniques de mai et avant que la Grande-Bretagne ne prenne la présidence tournante de l'Union le 1er juillet puis ne s'engage dans sa campagne du référendum. La bataille sera rude. Elle sera l'occasion, a souligné M. Barroso, de "tester l'engagement réel"de ceux "qui aujourd'hui, au moins en paroles, sont en première ligne dans la défense du modèle social européen".