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L'information face à la communication
LE MONDE | 28.03.05 | 15h42  •  Mis à jour le 28.03.05 | 15h42
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l y a soixante-dix ans, le 29 mars 1935, du fait de l'impasse dans laquelle s'étaient enlisées les discussions entre syndicats et patrons de presse pour élaborer une première convention collective, les députés et sénateurs ont su faire preuve d'audace pour doter les journalistes d'un double statut d'auteur et de salarié. Il s'agissait alors de permettre aux journalistes de travailler librement et en conscience, de leur donner les moyens de résister aux pressions internes ou externes dont ils peuvent faire l'objet.

Aujourd'hui, le contexte particulier et dramatique de la presse et des médias exige une audace aussi grande pour empêcher que les élus de la République ne se retrouvent en situation de dépendance, et que le débat démocratique ne soit confisqué par des puissances économiques et industrielles liées aux commandes de l'Etat.

La presse, écrite et audiovisuelle, n'est pas une industrie comme les autres, un journal ne se fabrique pas comme une paire de chaussures. Nous pensons que le but principal d'un journal n'est pas l'enrichissement de son propriétaire ou des fonds d'investissement, ni que le rôle d'une chaîne de télévision se résume à vendre du temps de cerveau humain à un fabricant de soda. En son temps, le rapporteur de la loi à l'Assemblée, M. Brachard, l'a dit avant nous à la tribune du Palais-Bourbon : "Un journal n'est pas une denrée assimilable à toutes les autres denrées. L'industrie de la presse, c'est autre chose que des cylindres qui tournent et des bobines de papier qui s'impriment."

Nous avons encore la faiblesse de penser que le journal quotidien et le journal télévisé de 20 heures doivent avant tout informer et éduquer le public et être le nécessaire instrument de contrôle de la vie publique.

Aujourd'hui, nous nous éloignons de cette conception de l'information. Les mouvements de concentration entre les mains de quelques groupes industriels ou de fonds d'investissement ou de pension entraînent la profession dans une dérive inexorable. Les coûts de recherche et de traitement de l'information sont réduits ; les nouveaux propriétaires des médias dictent des obligations en termes de profits identiques à ceux des autres secteurs d'activité.

L'arrivée du groupe Dassault à la tête de la Socpresse, l'ampleur prise par le groupe Lagardère, l'expansion du groupe Ouest-France, le poids pris par les fonds d'investissements Carlyle, Cinven, Candover dans les médias, l'influence politique du groupe Bouygues dictant ses ordres au gouvernement pour créer une chaîne d'information internationale font peser de lourdes menaces sur l'information. Nous avons la nette impression que le lobby patronal paralyse toute velléité de légiférer.

D'ailleurs, le sénateur Serge Dassault avoue tout haut ce que d'autres propriétaires de médias imposent aux rédactions de façon plus insidieuse : la priorité aux "idées saines". Nous devons nous soumettre aux méthodes douces de la communication. Nous sommes invités en permanence à privilégier les "techniques de persuasion complexes et intimes" directement inspirée des techniques du marketing depuis que l'information est devenue un produit.

Dans de grandes régions, comme le Nord - Pas-de-Calais par exemple, le groupe Dassault impose des pages communes à ses trois titres, La Voix du Nord, Nord-Eclair et Nord Littoral, dans lesquelles certains groupes de pensée sont interdits de séjour. On s'achemine vers une région où la pensée unique régnera sans partage puisque La Voix du Nord vient aussi de racheter une télévision locale, Canal 9.

Qui peut garantir aujourd'hui que la liberté d'expression du journaliste ne sera jamais utilisée pour mentir, tromper ou manoeuvrer ?

Le statut professionnel des journalistes de 1935 était une formidable avancée démocratique. Par respect du public, il était enfin reconnu à notre profession les droits les plus élémentaires du code du travail, ceux du code de la propriété intellectuelle, mais aussi un certain nombre de droits nouveaux. Ce statut devait nous préserver des dérives des employeurs tentant de nous imposer d'écrire contre notre conscience. Il s'agissait aussi, en faisant du journalisme un véritable métier, avec un statut protecteur, de mettre les professionnels à l'abri de toutes les pressions et de leur assurer des garanties morales et matérielles. Les principales dispositions de ce statut sont la clause de conscience, les indemnités de congédiement, l'instauration d'une carte d'identité professionnelle et les minima de salaires.

Aujourd'hui, les nouveaux dirigeants des médias martèlent que le statut des journalistes, exorbitant du droit commun, est un handicap pour l'économie de l'information. En fait, l'information est surtout victime des erreurs de gestion, et c'est la volonté de l'encadrer qui amènent le lecteur, l'auditeur et le téléspectateur à douter de ce qu'il lit ou entend comme des journalistes. Elle est enfin malade des appétits démesurés en matière de profits immédiats.

Ils n'hésitent pas non plus à dénaturer certaines dispositions du statut du journaliste : le groupe Dassault a transformé la clause dite de cession en un vaste plan social. Cette variante de la clause de conscience assimile le refus du journaliste de travailler avec le repreneur du journal à un licenciement (avec le versement d'une indemnité d'un mois de salaire par année d'ancienneté). Plus de 250 journalistes ont refusé de travailler pour Dassault. La Socpresse refuse de compenser ces départs, fragilisant des rédactions déjà exsangues.

Les nouveaux patrons des médias mènent aussi des offensives contre les droits d'auteurs des journalistes. Ils sont pourtant l'un des moyens de nous opposer à la marchandisation de l'information.

Les patrons de presse précarisent la profession, affaiblissant les garanties matérielles et morales du statut. Tous leurs efforts sont tendus vers un objectif : réduire le nombre de salariés intervenant dans la fabrication d'un journal écrit ou audiovisuel.

Les qualifications professionnelles sont également au centre de leurs préoccupations, sous prétexte de l'introduction dans les rédactions des technologies numériques. Dans l'écrit, c'est le secrétaire de rédaction qui est visé, c'est-à-dire celui qui met en forme l'information, auquel on voudrait imposer des tâches techniques supplémentaires et opérer un sulfureux mélange entre les responsabilités rédactionnelles de mise en forme de l'information et de réalisation technique des pages. Dans l'audiovisuel, le reporter devrait remplacer le technicien chargé du montage, au risque de ne plus avoir le recul suffisant sur l'information.

Dans l'un comme dans l'autre cas, de lourdes menaces pèsent sur la qualité de l'information livrée au public. Notre métier, c'est l'information. Le journaliste ne peut remplir sa mission sociale que dans la liberté garantie par un statut de haut niveau.

Le Parlement a, dans la conjoncture d'aujourd'hui, le devoir et le pouvoir de lui assurer cette indispensable liberté en complétant le statut professionnel des journalistes et la responsabilité de garantir le pluralisme en légiférant, notamment, pour limiter les concentrations.


Michel Diard est secrétaire général du Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT), Alain Goguey est membre du bureau national.

par Michel Diard et Alain Goguey
Article paru dans l'édition du 29.03.05
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Kiosque à journaux parisien, le 22 septembre 2003.  | AFP/JACQUES DEMARTHON
AFP/JACQUES DEMARTHON
Kiosque à journaux parisien, le 22 septembre 2003.

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