uelle électricité autour du
Sacre du printemps chorégraphié par Georges Momboye, qui a mis sur orbite la treizième Biennale de danse du Val-de-Marne !
Depuis le 8 mars, et jusqu'au 17 avril, plus de vingt spectacles vont s'égrener dans seize théâtres du département. A la salle Jacques-Brel de Fontenay-sous-Bois, puis au Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Seine, on a poussé les murs pour satisfaire tous les curieux. Très familial, le public s'est pressé dans la bonne humeur, prêt à recevoir de plein fouet la bourrasque musicale de Stravinsky.
On peut rêver pire que
Le Sacre du printemps comme sortie culturelle du samedi soir. On peut aussi imaginer plus facile. Eh bien, ça passe ! Sans doute, la chorégraphie au carré de Georges Momboye permet-elle au public de s'approprier l'œuvre sans se sentir débordé par les dissonances saisissantes de la musique. Sans doute aussi, le traitement thématique, plus proche d'un scénario"sexe et séduction"que d'un rituel sacrificiel cruel, ne suscite-t-il pas de bouffées d'anxiété déraisonnable.
Pour sa première incursion loin des musiques et danses traditionnelles africaines, l'Ivoirien Georges Momboye a testé sa capacité à surmonter un mythe (depuis 1913, date de création du ballet, le duo Stravinsky-Nijinski effraie tous ceux qui s'y frottent) en s'appuyant sur un groupe de quinze danseurs. Effets de masse humaine contre blocs sonores plombant l'espace, la partie est coriace mais s'équilibre aussi grâce à l'amplitude musclée des gestes découpés net.
Un peu trop d'ailleurs. A l'exception de quelques citations africaines, le danseur fulgurant qu'est Momboye semble s'être tellement retenu pour ne pas céder à son instinct que la chorégraphie en paraît contrainte, presque crispée dans sa volonté de tailler la route en occupant le plateau. La forme l'emporte sur la fièvre qui innerve Le Sacre...
Cette retenue palpable affleure aussi dans le solo introductif de la soirée, une relecture chorégraphiée et interprétée par Momboye lui-même, de L'Après-midi d'un faune sur la musique de Debussy.
Cette pièce, également rendue inoubliable par Nijinski, fait ici l'objet d'un régime minimaliste, pour ne pas dire maigre. Un homme sur un socle de 1,50 m de côté mesure les limites de son périmètre d'action. Plus que la gestuelle, toute en secousses et coups de reins, la chaleur au sens propre qui émane de ce solo resserré en assure une singularité ne serait-ce que climatique.
La vitalité la plus facétieuse, doublée d'une tendance obsessionnelle savoureuse à la répétition, irrigue en revanche le spectacle Va et vient de Jean-Marc Heim. Inconnu en France, ce chorégraphe suisse, présenté au Centre culturel Aragon-Triolet d'Orly, pique un galop sur un terrain à la fois concret et conceptuel, drôle et ambigu, qui ne manque pas d'ambition.
Cinq personnages aux yeux en billes de loto déboulent habillés comme pour un bal costumé : ils finissent en slip dans la tourmente et l'obscurité. Entre-temps, ils auront multiplié les combinaisons de jeu en solo et en groupe, en rond et en triangle, se seront livrés à des transformations physiques par le biais de leurs joggings extensibles, auront piétiné le plateau jusqu'à l'explosion du groupe en particules à jamais irrécupérables.
Cette ronde des individus happés dans la course collective trace un dessin rigoureux dans l'espace qu'il irradie de multiples éclats colorés et d'humeurs intempestives. Va et vient n'évite pas toujours le ressassement impliqué dans son titre, mais va bien.