eurs interventions sont discrètes. A travers des notes, des argumentaires, ou des rapports, les fameux
think tanks ces "réservoirs d'idées" en version française n'en jouent pas moins, en France aussi, un rôle important sur l'opinion ou les politiques publiques.
Au plan national, ces organismes qui regroupent des chercheurs ont une spécificité dès lors qu'il est question d'Europe : ils militent, pour la plupart, en faveur de la construction européenne. "La France ne compte pas de think tanks eurosceptiques", relève une étude menée, à l'automne 2004, par un consultant franco-américain, Stephen Boucher.
Cet état des lieux a été réalisé à la demande de Notre Europe. Ce
think tank de sensibilité socialiste il a été fondé en 1996 par Jacques Delors et est présidé depuis décembre 2004 par l'ancien commissaire européen Pascal Lamy fait partie des sept organisations françaises considérées par ce rapport
"comme des think tanks
avec un intérêt prononcé pour des questions stratégiques sur l'Europe".
Cinq d'entre elles sont exclusivement consacrés au Vieux Continent : outre Notre Europe, il s'agit de Confrontations Europe, de la Fondation Robert Schuman, d'Europe 2020 et de l'Institut d'études de sécurité de l'Union européenne (agence spécialisée dans les questions de sécurité).
Ces cinq euro-think tanks français font partie d'un club assez restreint de 36 institutions relevant de la même spécialité, réparties dans les vingt-cinq Etats membres de l'Union européenne (sur un total de quelque 625 "réservoirs d'idées" recensés, en 2000, dans l'espace de l'actuelle UE). L'étude ajoute à cette liste deux instituts à vocation stratégique, mais pas exclusivement européenne : l'Institut français des relations internationales (IFRI) et la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).
La production qui émane de ces laboratoires d'idées français peine cependant à trouver son chemin dans les médias et chez les preneurs de décision européens. Une des raisons invoquées est que cette production est majoritairement rédigée en français. L'étude constate néanmoins qu'avec la construction européenne ces organismes, pour la plupart apparus au cours des années 1990, tendent vers plus d'échanges "transnationaux".
Par rapport à la situation qui prévaut en Allemagne ou dans le monde anglo-saxon, les spécialistes estiment également que "la France n'a pas une forte culture des think tanks" en général et que, dans ce contexte, les ressources humaines affectées à un travail sur l'Europe sont sans commune mesure avec ce qu'elles sont dans les pays voisins. Les think tanks spécialisés sur l'Europe occupent plus de mille chercheurs en Allemagne, ceux du Royaume-Uni 175. En France, on compte 82 chercheurs seulement.
Plusieurs raisons sont avancées à cette sous-représentation : "le sous-investissement général de la recherche en France", ou la centralisation administrative qui fait que chaque ministère dispose de ses propres laboratoires d'idées. D'autres l'attribuent à "un problème culturel des élites françaises", désignant peut-être par là la tradition française de l'intellectuel généraliste intervenant directement dans les médias pour s'adresser à l'opinion, sans passer par le filtre des experts et des "boîtes à idées".