ela promet. D'ici une quinzaine de jours, le sieur Bolkestein, Frits de son prénom, sera en France. Il l'a annoncé le week-end dernier sur une chaîne de télévision néerlandaise. Et les invectives volent déjà vers ceux qui, chez nous, veulent faire un sort à sa directive. Le père du texte hué à hauts cris les accuse ni plus ni moins de xénophobie.
Curieux de voir quel phénomène allait rappliquer, on s'est un peu documenté sur ce Bolkestein dont on aurait pu penser que le prénom était simplement"directive", comme celui du fameux Tobin pourrait être"taxe".
Frits Bolkestein, donc, est néerlandais. Son grand-père participa même à un grand fait d'armes européen : il fut ministre du cabinet de guerre des Pays-Bas à Londres, pendant la seconde guerre mondiale. Son père fut président du tribunal d'Amsterdam.
Frits, lui, est d'abord connu pour son franc-parler. Il n'a pas hésité à qualifier de "caniche de Berlin" un ancien de ses collègues de Bruxelles, le commissaire à l'industrie Günter Verheugen. Preuve qu'il est capable de mordre à l'occasion, et en tout cas d'être mordant. Nous verrons bien ses dents en avril.
Dans un portrait que lui a consacré l'AFP le 20 mars, une autre saillie de Frits Bolkestein est narrée avec une certaine délectation. Après avoir entendu Bernard Lewis, expert américain reconnu sur l'islam, prévoir que l'Europe deviendrait musulmane d'ici à la fin du XXIe siècle, l'ancien commissaire a réagi par ces mots : "J'ignore si l'on se dirige vers cela. Mais si Lewis dit juste, la libération de Vienne en 1683 - assiégée par les Turcs - aura été vaine."
Parmi les informations à connaître au sujet de cet ultralibéral, ajoutons qu'il sait les mathématiques et la philosophie, la physique, le grec et l'économie, ce qui n'est pas rien quand on prétend chambouler l'Europe... Il a aussi étudié le droit dans une des universités connues aux Pays-Bas pour former l'élite intellectuelle conservatrice.
Cinq ans au service de la Shell lui ont permis de connaître l'Amérique latine, l'Afrique et l'Asie, avant que le tremplin pétrolier ne le propulse au coeur de la vie politique de son pays, où il fut tour à tour député, secrétaire d'Etat puis ministre de la défense. Et surtout héraut des libéraux de son pays.
On s'en serait un peu douté. De 1996 à 1999, il occupa même un poste dont on ignorait qu'il existât : président de l'Internationale libérale. De quoi renverser les préjugés qui laisseraient croire que les internationales sont seulement faites pour les cocos, trotskos et autres socialos. Après tout, les libéraux ont bien droit à une internationale, et on n'ira pas chercher des noises à Bolkestein sur ce point.
A Bruxelles, on raconte qu'il a une voix très distinguée, même pour asséner des vacheries. Avant de devenir responsable du marché intérieur, de l'union douanière et de la fiscalité dans l'ancienne Commission Prodi, et ce jusqu'en 2004, il fut en délicatesse dans son pays après avoir tenté d'obtenir d'un ministre néerlandais quelques passe-droits pour une société pharmaceutique dont il était administrateur.
Aux dernières nouvelles, il prépare un essai sur l'influence des intellectuels sur la politique mondiale. Et continue de voir son nom jeté en pâture aux légions du non.