our l'élaboration de son projet, le Parti socialiste s'inspire des travaux de chercheurs, économistes et sociologues, âgés de 34 à 62 ans, qui, chacun à sa manière, s'efforcent de repenser les thèmes traditionnels de la gauche : la condition ouvrière, la politique de la ville, la question des revenus, la redistribution, les inégalités ou le salariat.

Des spécialistes connus pour leurs publications, et, parfois, passés par des clubs de réflexion proches des socialistes.

Lié à La République des idées, un club réformiste animé par l'historien Pierre Rosanvallon, dont il a signé le premier texte avec L'Egalité des possibles (Seuil, 2001), Eric Maurin, 42 ans, a suivi un parcours atypique, propre à le rendre sensible aux questions d'égalité et de ségrégation.

Fils d'un charpentier, élevé à Savigny-sur-Orge (Essonne), il hésita d'abord entre une carrière de footballeur et des études prolongées. Elève à Polytechnique et à l'Ecole nationale de la statistique et de l'administration économique (Ensae), il a fait l'essentiel de sa carrière à l'Insee, jusqu'à son élection, en 2004, à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).

C'est en économiste qu'il s'intéresse aux problèmes de société en exploitant toutes sortes de données statistiques inédites généralement négligées. Une note écrite avec Dominique Goux, pour la Fondation Saint-Simon, peu de temps avant l'autodissolution de celle-ci, "La Nouvelle condition ouvrière" (octobre 1998), fait connaître ses travaux hors des cercles de spécialistes.

Son dernier ouvrage, Le Ghetto français (Seuil, 2004), explore les mécanismes de la ségrégation.

Plus connu du grand public, Thomas Piketty est directeur d'études à l'EHESS et chercheur au Centre d'études prospectives d'économie mathématique appliquée à la planification (Cepremap). Né en 1971, il a étudié plusieurs années aux Etats-Unis, où il a donné des cours au prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT). Il est membre de la Commission des comptes de la nation et du Conseil d'analyse économique (CAE).

L'essentiel de ses contributions concerne la question des inégalités et celle de la redistribution des richesses, avec notamment un ouvrage somme consacré aux Hauts revenus en France au XXe siècle. Inégalités et redistributions, 1901-1998 (Grasset, 2001). Il n'hésite pas à intervenir régulièrement dans les débats publics, en France, sous forme d'interviews ou d'articles, que ce soit sur la baisse des charges sur les bas salaires ou sur la discrimination positive à l'école.

Il s'est aussi toujours prononcé contre la baisse de l'impôt sur le revenu, provoquant à l'époque l'ire de Laurent Fabius, alors ministre de l'économie et des finances. Proche du PS, il n'en a jamais été membre à part entière.

Maître de conférences en sociologie politique à l'université Paris-X (Nanterre), Jacques Donzelot, qui est né en 1943, est un spécialiste de la ville, thème auquel il a consacré de nombreux ouvrages et deux numéros de la revue Esprit (en 1999 et en 2004).

Son livre Faire société. La politique de la ville aux Etats-Unis et en France, avec Catherine Mével et Anne Wyvekens (Seuil, 2003), a attiré l'attention de Dominique Strauss-Kahn et de son club A gauche en Europe.

Passé, dit-il, d'un "gauchisme évolutif" ­ il a milité dans le sillage du philosophe Michel Foucault au Groupe d'information sur les prisons ­ à la "deuxième gauche" rocardienne, il a été l'un des premiers à repérer dans les processus d'urbanisation contemporains une "logique de séparation", révélatrice, pense-t-il, de la "déstabilisation de la société". Une dynamique qui se substitue à la "problématique de la conflictualité" entre classes antagonistes.

Plutôt que de se combattre, on s'évite. Seule la restauration de la mobilité sociale est à même, selon lui, d'inverser le cours des "villes à trois vitesses" d'aujourd'hui. Les expériences de "démocratie participative" à l'américaine constituent à ses yeux des exemples dignes d'intérêt.

Né en 1971, normalien, agrégé de mathématiques, docteur en économie, Philippe Askénazy a pour domaine de recherche la réduction du temps de travail, le salaire minimum et le partage de la valeur ajoutée. Son ouvrage Les Désordres du travail : enquête sur le nouveau productivisme (Seuil, collection "La République des idées", 2005) l'a fait passer des cercles universitaires à une plus grande exposition publique. Il y démontre que, en France notamment, le travail continue de faire souffrir. Qu'avec la tertiarisation de l'économie, les accidents du travail augmentent et que, loin d'être une fatalité, cette évolution pourrait être combattue.