eux de Bengale et colliers de fleurs... Après plus de soixante-douze jours de traversée à la rame en solitaire, Maud Fontenoy a enfin pu fouler le sable et jouir de la mer, sans plus se soucier de cargos, de pirates, ni d'une population maritime inamicale.
Samedi 26 mars, à 3 h 30 heure locale (13 h 30 TU), la jeune femme originaire de Meaux (Seine-et-Marne), âgée de 26 ans, a touché terre en Polynésie française, sur l'île marquisienne d'Hiva Oa, ligne d'arrivée symbolique de sa traversée du Pacifique de plus de 8 000 km en solitaire à la rame. Elle avait appareillé le mercredi 12 janvier du yacht club de Puerto Callao, à Lima (Pérou), suivant les traces du Kon Tiki, à bord d'Oceor, un frêle esquif de 7,50 m de long sur 1,60 m de large.
Elle a somnolé des bouts de nuit, allongée sur une couchette de 60 centimètres de large. Elle a réchauffé sa tambouille lyophilisée comme une modeste campeuse, entre oiseaux curieux et poissons volants. Un requin et une baleine, raconte-t-elle, sont venus l'observer.
Elle s'est résolue à une plongée de plus d'une demi-heure dans une mer déferlante très agitée, pour débarrasser sa coque d'une épaisse couche d'anatifes (des crustacés à carapace se fixant au bois flottant, grâce à un pédoncule) paralysant le fonctionnement de son gouvernail et freinant sérieusement sa progression. En remontant à bord, elle s'est esquintée une côte, accroissant le mal de dos avec lequel elle compose depuis son départ. Elle souffre aussi d'une tendinite à la cuisse.
INGRATE DISCIPLINE
Dans cette ingrate discipline, inutile de tirer trop de plans sur la comète. Bon gré mal gré, on subit les humeurs de la mer et du vent. Les courants lui ont imposé une route plus au nord que celle qu'elle avait imaginée. Maud Fontenoy visait l'archipel des Tuamotu, la voilà aux Marquises.
Pourquoi pas ? "C'est plutôt un bon moment", confiait-elle, samedi, à quelques milles de l'arrivée, alors qu'escortée par un bâtiment de la marine nationale elle donnait ses derniers coups de rames, vêtue d'un simple tee-shirt sous une chaleur estivale. "Je vais passer la ligne sous un ciel étoilé, une pleine lune extraordinaire, poursuivait-elle. Je dévore des yeux cette côte un peu dentelée qui semble sortir de la mer. J'ai hâte de la toucher. Je sens les premières odeurs de la terre et des essences. Je crois qu'on me prépare une fête traditionnelle avec une pirogue pleine de fleurs et de grands beaux Polynésiens qui vont me porter jusqu'à terre. J'ai hâte de découvrir l'hospitalité marquisienne qu'on m'a tant vantée. Etre chouchoutée, ça va me plaire."
Pourquoi donc s'être embarquée dans une telle galère ? Elle seule le sait... Peut-être parce que Maud Fontenoy n'avait que sept jours lorsque la goélette familiale sur laquelle elle a passé les quinze premières années de sa vie a largué les amarres pour une traversée de l'Atlantique à la voile ? La jeune femme jure qu'elle s'est plus tard épanouie dans des fonctions professionnelles de responsable de syndic d'immeubles, qu'elle ne rêve que de fonder une famille. Alors pourquoi tant d'efforts pour se distinguer ? Elle évoque les "beaux moments que -lui- ont procuré une très grande proximité avec la nature".
"J'ai voulu donner du relief à des choses simples, montrer que même dans la difficulté on peut vivre des moments extraordinaires, explique-t-elle. Me mettre à son niveau, prendre le temps, ce que permet mon bateau si petit et si proche de l'eau m'a permis de ressentir des sensations nouvelles. C'était comme le contraire de se balader en courant dans la forêt avec un baladeur sur les oreilles..." L'essentiel, finalement, est que Maud Fontenoy revienne comblée de sa quête. En 2003, déjà, elle avait traversé l'Atlantique nord de Saint-Pierre-et-Miquelon à La Corogne (Espagne), par les mêmes moyens.
Elle pense s'en tenir là.