epuis cinq ans, à la suite de l'arrêt de leur distribution par BMG, les disques Melodyia avaient pratiquement disparu du marché français. Ils sont de retour. Remastérisées et présentées sous les pochettes d'origine, les rééditions effectuées par le label d'Etat russe comportent plusieurs centaines de références enregistrées par la crème des interprètes d'Union soviétique. Quatre-vingt-dix d'entre elles sont dorénavant accessibles en France.
Côté symphonique, on conseillera l'intégrale Mahler de Kyrill Kondrachine, extrêmement pénétrante lorsque l'Orchestre philharmonique de Moscou est tendu comme un arc. Côté piano, les Chostakovitch (Préludes et fugues) de Tatiana Nikolaïeva sont incontournables, dans une lecture à la fois érudite et candide. Mais l'intérêt principal de cette série d'archives repose sur les contributions de solistes légendaires. Les disques des pianistes Heinrich Neuhaus (Mozart au phrasé incomparable, en 1950) et Lazar Berman (Liszt hallucinant, en 1959) tiennent le haut du pavé.
Toutefois, c'est autour du violoniste David Oïstrakh (1908-1974) que Melodyia rassemble ses trésors. Ce dernier partage l'affiche d'un disque Tchaïkovski avec le violoncelliste Mstislav Rostropovitch (qui signe, en 1963, une version d'anthologie des Variations rococo) et bénéficie d'une collection dont le premier volume réunit deux concertos. Celui de Tchaïkovski (capté en 1968) et celui de Sibelius (donné en concert en 1965). Dans le premier, Oïstrakh séduit par un lyrisme nuancé. Dans le second, il fait montre d'une prodigieuse homogénéité de registre (souplesse des graves, élasticité des aigus) et d'expression (murmures enchanteurs, exclamations déchirantes).
Un autre violoniste, Leonid Kogan (1924-1982), est à l'honneur des rééditions de bandes de la radio de l'ex-Union soviétique. Cette fois grâce à la firme phonographique Great Hall, le premier label russe indépendant fondé en 1991 par Boris Tihomirov, un ingénieur du son à la retraite.
Kogan atteint la perfection au service de Paganini, son compositeur de prédilection. Serein dans le Premier concerto, diabolique dans le 24e Caprice, mais angélique dans le diptyque Cantabile et Valse. Great Hall publie dans le même temps les deux concertos pour piano de Tchaïkovski par Emil Guilels. Ce n'est pas avec ce disque (où Kondrachine dirige un Philharmonique de Leningrad très marmoréen) que le nouveau label parviendra à concurrencer Melodyia. Mais plutôt avec la magnifique prestation du chef Evgueni Svetlanov (1928-2002) dans un programme confrontant deux oeuvres intitulées La Mer. Une fantaisie peu connue d'Alexandre Glazounov, à la force dramatique lisztienne, et les trois célèbres esquisses de Claude Debussy. Hédoniste frémissant, Svetlanov détaille la facture de chaque partition sans en altérer le mystère.
Œuvres de Tchaïkovski par David Oïstrakh (violon) et Mstislav Rostropovitch (violoncelle), 1 CD Melodyia.
Concertos de Tchaïkovski et de Sibelius par David Oïstrakh (violon), 1 CD Melodyia.
Œuvres de Paganini par Leonid Kogan (violon), 1 CD Great Hall.
Glazounov : La Mer. Debussy : La Mer. Orchestre symphonique de l'Etat d'URSS, Evgueni Svetlanov (direction). 1 CD Great Hall. Distribués par Codaex.