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THEMA, un défi permanent
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"THEMA est un défi permanent"



Interview de Hans Robert Eisenhauer

Hans Robert Eisenhauer a dirigé de 1991 à 2004 l'Unité de programme THEMA à Strasbourg. Il est l'un des pionniers auxquels nous devons ce qui constitue aujourd'hui l'image de marque d' ARTE. Il a été récompensé en 1993 par le prix Telestar dans la catégorie Innovation pour les THEMA. Depuis janvier 2005, il est responsable des THEMA à la chaîne allemande ZDF et rappelle ici les débuts d'un format télévisuel pour le moins audacieux.


Comment est née cette idée courageuse de consacrer une case de trois heures et demi à un sujet donné et de programmer ce type d'émission trois fois par semaine ?

C'est la ZDF qui en a eu l'idée au sein de son unité de programme das Kleine Fernsehspiel, alors dirigée par Eckart Stein un grand nom de la télévision allemande. Il s'agissait au départ de journées entières de 12 à 15 heures de programmes autour d'un thème précis. Il pouvait y être question des grands sujets de notre temps comme des conflits au quotidien, de l'amour comme de l'argent vie quotidienne, Véritables OVNI dans le monde télévisuel, ces émissions passaient sur la chaîne allemande 3sat.
Après la création d'ARTE, ce sont à nouveau Eckart Stein et son équipe qui ont réfléchi avec leurs collègues allemands de la première chaîne ARD et avec leurs partenaires français de – ce qui était alors - La Sept à la mise en place de programmes qui soient éminemment différents de l'offre des autres chaînes.
J'ai participé à l'aventure à partir d'août 1991. Nous avons alors opté en faveur des soirées thématiques de trois à quatre heures les mardis, jeudis et dimanches, avec une tonalité spécifique en fonction du jour de la semaine. Dans notre première grille, nous avions par ailleurs une soirée consacrée au cinéma et une au spectacle vivant.


Au début, d'aucuns étaient très sceptiques quant à cette expérience des THEMA. Comment à l'époque avez-vous pu convaincre les décideurs d'entériner cette formule éminemment novatrice ?

Certains se sont effectivement un peu fait tirer l'oreille de part et d'autre du Rhin. Mais pour être honnête, j'étais moi-même légèrement sceptique. Car ce type de format restait exceptionnel et ponctuel sur la chaîne 3sat, alors que nous voulions mettre en place trois soirées thématiques par semaine. Ce qui supposait de tenir le public en haleine et de savoir se renouveler en permanence !
Or, j'avais peut-être sous-estimé la créativité, l'engagement et la témérité de nos collègues des deux chaînes publiques allemandes et de La Sept. Car il s'est rapidement avéré que ces émissions thématiques représentaient dorénavant la nouvelle aventure à tenter, véritable défi à tous les professionnels de la télévision qui, au-delà de la mise en œuvre technique spécifique des THEMA, avaient envie d'échapper à la routine quotidienne de programmes bien formatés.


Quels ont été justement les défis à relever pour passer de la phase expérimentale à ces THEMA qui sont maintenant l'image de marque d'ARTE ?

J'ai dit dès le départ à mes équipes – et la remarque me concernait aussi – que la télévision, ce n'est ni le cinéma, ni le théâtre, où on se concentre sur le lancement d'un film ou sur la première d'une pièce et où l'on peut, si le succès au rendez-vous – souffler ensuite et se tourner vers d'autres aventures. Car la télévision existe elle au quotidien, elle est toujours là. Ce qui veut dire qu'il ne peut jamais être question d'avoir le temps de se reposer sur de quelconques lauriers. Le grand défi, c'était donc de promouvoir une dynamique, la créativité, l'envie de faire et le plaisir de travailler avec des collègues venus d'un autre pays, d'une autre culture; de savoir susciter la curiosité et aussi de passer outre d'éventuels sentiments de frustration pour les transformer en de nouvelles initiatives productives.
Il est évident que nous avons été aidés de façon décisive par la formidable couverture de ces soirées par la presse ainsi que par l'accueil positif des téléspectateurs.
Dans notre grille actuelle, la THEMA du vendredi soir en deuxième partie de soirée est consacrée à des sujets d'ordre culturel; nous avons ainsi la chance de pouvoir débuter le week-end avec une programmation ambitieuse dont l'écho est favorable. Cette innovation est donc la bienvenue et peut nous permettre d'espérer rallonger la durée de cette émission qui est à mon avis actuellement trop courte.
THEMA est un défi permanent pour toutes les équipes des chaînes allemandes et pour nos collègues français, ainsi que pour les nombreux producteurs, auteurs et réalisateurs originaires des quatre coins de l'Europe qui continuent de nous donner de bonnes idées et de nous livrer – malgré des budgets revus à la baisse - des films originaux; ce défi vaut aussi last but not least pour les personnels de la Centrale d'ARTE à Strasbourg auxquels il revient de mettre en œuvre et à l'écran une programmation convaincante.


Quel est pour vous à titre personnel le souvenir le plus intense de l'histoire des THEMA écrite jusqu'à ce jour ?

Il y a eu tellement de moments merveilleux pour moi lorsque j'étais en poste à Strasbourg et maintenant à la ZDF, que je ne voudrais pas en citer un seul. Mais j'aimerais évoquer la collaboration avec Wim Wenders pour Buena Vista Social Club, celle avec Pepe Danquart sur le tournage d' Arrière-saison à Mostar après la guerre en Bosnie et puis les premières au Festival de Berlin de films que nous avons coproduits comme Moro no Brasil ou Super8Stories; et aussi la rencontre avec Jeanne-Claude, Christo et Albert Maysles à l'occasion de l'emballage du Reichstag. Je n'oublie pas non plus la situation particulière engendrée par l'attentat contre le World Trade Center, qui a été l'occasion pour notre équipe des THEMA à Strasbourg de réagir avec un grand professionnalisme et de positionner ARTE comme une chaîne capable de se mesurer aux autres en termes de travail journalistique.
Un événement inoubliable a été l'entretien de 1994 avec le dalaï lama en prévision de sa venue dans le studio d'ARTE.
Pour l'heure, je me réjouis de mettre au point une programmation culturelle à voir sur ARTE pendant la Coupe du monde de football 2006 en Allemagne et de préparer un autre grand projet autour du ballon rond The Art of Football avec John Cleese. Enfin, j'attends avec impatience de retravailler Wim Wenders, qui reviendra 20 ans après sur les lieux du tournage de Paris-Texas pour réaliser Paris-Texas revisited".

Interview: Lucia Göhner




Mise à jour: 19/02/07 | Retour en haut de page |