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Les patrons avec leurs sans-papiers
Les sans-papiers qui demandaient leur régularisation dans un restaurant parisien. (AFP)
Suite à un mouvement de grève de leurs salariés, des patrons de la restauration réclament leur régularisation.
CATHERINE COROLLER et RAPHAELLE REMANDE
QUOTIDIEN : vendredi 18 avril 2008
«Je suis à fond derrière mes gars», clame l’un. «On a envie de garder nos salariés», dit le second. Belhaid Benaïssa est gérant de BBF, entreprise spécialisée dans l’entretien d’espaces vert, basée à Ormoy (Essonne). Vlado Jankovic, lui, est chef d’entreprise de Location-peinture-prestation, à Boissy-sous-Saint-Yon, aussi dans l’Essonne. Tous les deux font partie de ces patrons qui ont pris fait et cause pour leurs salariés sans papiers et en grève pour en obtenir. «Pénurie». Sur les 45 salariés de BBF, une vingtaine serait munie de faux papiers. «Je n’espère qu’une chose : qu’on les régularise au plus vite. J’ai des chantiers à attaquer, d’autres à finir, explique Benaïssa. Je ne dis pas ça que pour moi. Ces régularisations sont dans l’intérêt de l’économie du pays.» Pour Jankovic la grève des sans-papiers est «juste». «J’ai toujours des problèmes pour recruter. Il y a une grosse pénurie de main-d’œuvre. Alors quand on arrive à fidéliser !» Deux exemples parmi d’autres. Car en organisant, avec l’association Droits devant !, le blocage d’une vingtaine d’entreprises franciliennes grâce à la grève simultanée et coordonnée de 300 salariés sans papiers - première en France -, la CGT a manifestement réussi son coup : elle a contraint les patrons à sortir du bois. Publiquement interpellés par l’écho qu’a eu cette opération, les employeurs de ces étrangers en situation irrégulière ont été contraints de prendre position. Dès le début du mouvement, mardi, André Daguin, le président de l’Umih, principale organisation patronale de l’hôtellerie et de la restauration, a rencontré les cabinets de Xavier Bertrand, le ministre du Travail, et de Brice Hortefeux, le ministre de l’Immigration, pour leur demander de régulariser d’urgence certains de ces sans-papiers. «Je leur ai dit qu’à partir du moment où un patron a déclaré son salarié, paye des charges, et dont l’employé paye ses taxes et ses impôts, je ne voyais pas comment on ne pourrait pas régulariser ce salarié, car cela veut dire qu’il a donné satisfaction dans son boulot.» Selon lui, les collaborateurs d’Hortefeux et de Bertrand «auraient été contents d’une position aussi nette». «Vous verrez, il va y avoir des suites, promet Daguin. Il ne faut pas que cela traîne, on mettra toutes les pressions possibles. On ne peut pas débuter la saison d’été avec une équipe dont on ne sait pas ce qu’elle va être.» Signe que les choses bougent du côté des patrons, Didier Chenet, président du deuxième syndicat de l’hôtellerie-restauration, Synhorcat, s’est dit mercredi «déterminé à s’engager aux côtés de ses adhérents pour obtenir la régularisation des travailleurs étrangers qui, bien que démunis de papiers, n’en sont pas moins déclarés et employés dans la plus grande transparence». Le Synhorcat avait rendez-vous, hier, avec le conseiller aux affaires sociales de François Fillon pour «que le gouvernement entende la voix des chefs d’entreprise»,mais le rendez-vous a été reporté sine die par les services du Premier ministre. Par surprise. Les responsables de ces deux fédérations l’avouent, le mouvement déclenché par la CGT les a pris par surprise. Ceux de leurs adhérents dont les locaux sont occupés par les grévistes aussi, qui ont sauté sur leur téléphone pour leur demander de l’aide. La législation se durcissant, à la fois contre les étrangers en situation irrégulière, et contre ceux qui les emploient (1), certains patrons ne savent plus comment se sortir de la nasse (lire ci-dessous). Gérant de Konex, société de câblage informatique, Yohann Le Goff a recruté un Algérien en situation irrégulière par le biais d’une société d’intérim. «J’essaie de le régulariser depuis novembre. J’ai envoyé son dossier au préfet.» L’administration ne lui ayant pas répondu dans les deux mois, comme elle a, selon lui, «l’obligation», il va saisir le tribunal administratif. Yohann Le Goff a parlé de ce problème autour de lui et s’est rendu compte que «beaucoup de patrons ont les mêmes difficultés, et que les préfets font souvent les morts». Affirmant parler au nom d’une trentaine de chefs d’entreprise (2), il plaide pour «une régularisation simplifiée et rapide». Hier, Jean-Claude Amara, porte-parole de Droits devant ! se réjouissait de la prise de position de l’Umih. «C’est la voix du patronat. Ils préparent le terrain. On va aller vers des négociations sur des régularisations branche par branche.»
(1) L’employeur d’un étranger dépourvu d’une autorisation de travail est notamment passible d’une amende de 15 000 euros et d’un emprisonnement de cinq ans. (2) patronsolidaires@orange.fr |
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