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Revue nouvelle clés N°40 : "Ce que la tempête de l'an 2000 a voulu nous dire"


Ce que la tempête de l'an 2000 a voulu nous dire

Avec Dominique Aubier, propos recueillis par Joële van Effenterre

Joële van Effenterre a interviewé Dominique Aubier pour son film "Après la tempête", nous en avons extrait ce passage.

À quatre-vingt ans, Dominique Aubier, auteur de dizaines d'ouvrages, connue notamment pour ses recherches sur Don Quichotte, est une initiée moderne, qui lit le réel et les événements qui s'y inscrivent à l'aide d'un code cabalistique que Cervantès a dissimulé dans son roman d'aventures - afin de ne pas s'attirer les foudres de l'Inquisition. Cette connaissance sacrée, issue de la Bible et de la Kabbale hébraïque, est, selon elle, plus que jamais utile pour lire les signes envoyés à une humanité qui détruit sa planète à force de matérialisme, de goût du profit et de confiance naïve dans le pouvoir des technologies.
Le vent a dit : "Arrêtez-vous !"

La tempête qui a surgi en France à la veille de l'an 2000 semble assez exceptionnelle.

Sans doute faudrait-il être un peu superstitieux, au sens antique du terme, pour en ressentir, comment vous dire ?, non le poids, mais l'extravagance. Du fait d'abord de son ampleur : qu'elle ait couvert la France d'un seul coup et deux fois, et que les forêts se soient littéralement couchées sous cette espèce de butoir invraisemblable de sauvagerie... C'est comme si le vent n'avait pas été de l'air, mais un rempart qui écrasait les choses. Et la première notion qui me paraît importante, c'est le caractère inexorable de ce vent frappant les forêts : il les a abattues comme s'il en avait l'intention !

Or, je suis fascinée par le fait que le mot hébreu qui dit arbre - ayin tzade - signifie littéralement : "Je vois ici la fin, je vois ici le stop." Vous avez regardé les arbres après la tempête ? Ce sont des continents arrêtés. Nous avons là un stop incroyable. Je suis terriblement frappée par cette coïncidence entre le langage et la réalité. Où l'on voit que le langage est du temps à l'état pur.

Cela me rappelle une histoire qui nous est arrivée, une nuit, alors que nous roulions avec Roberto Rosselini et sa femme, sur la grande route qui traverse l'Italie de Milan à Rome. Tout à coup, au milieu de cette nuit, Rosselini dit : "Stop, nous nous arrêtons, je ne vais pas plus loin."

Surprises, nous demandons : "Mais que se passe-t-il ?" Alors, lui, posément : "Je ne continue pas. Depuis un moment, je vois des phares de voitures qui viennent dans notre direction et pourtant, il n'y a personne qui nous ait croisés. Si ces voitures qui viennent vers nous ne nous croisent pas, c'est qu'il y a une anomalie. Et quand il y a une anomalie, moi, je ne fais rien tant que je n'en ai pas découvert la raison. Quand l'aube viendra, nous irons voir ce qui se passe."

Nous avons donc passé la nuit à attendre dans cette voiture, et au petit matin, après avoir fait vingt-cinq km au pas, nous sommes arrivés devant un pont effondré et de l'autre côté, au fond d'un immense ravin toutes les voitures dont nous avions vu un instant les phares et qui ne nous avaient pas croisés. Tous ces gens n'avaient pas prévu ce qui allait leur arriver, parce qu'ils n'avaient pas observé, comme Rosselini, que quelque chose d'anormal se passait.

Ce fut une leçon très importante : savoir s'arrêter. Je ne l'ai jamais oubliée. Roberto est un observateur, ce n'est pas le fondateur du néoréalisme pour rien ! Il observe une situation ; puis, à partir d'un détail (qui, moi, m'avait échappé), il tire une leçon, et de cette leçon, il tire une action : on stoppe.

Or nous vivons, nous, actuellement, dans une société qui ne sait rien arrêter. Nous ne savons pas arrêter la technologie, nous ne savons pas arrêter le virtuel, nous ne savons pas arrêter ce que nous considérons comme des progrès, au nom du fameux proverbe : "On n'arrête pas le progrès." Mais qu'est-ce que le progrès ? De quel progrès parle-t-on ? S'il s'agit des progrès de l'enfant à l'école, je préfère qu'on ne les arrête pas, bien sûr. Mais si ce sont des inventions, des recherches, des technologies qui doivent être arrêtées pour qu'il y ait relance de la vie, eh bien, arrêtons-les en effet ! Et là, le stop de Rosselini me paraît mythologique et exemplaire : il montre qu'à partir d'une observation attentive du réel, et de la découverte des signes, des signaux, des expressivités du réel, on peut savoir à quel moment il faut s'arrêter.
Ce sont nos pensées qui ont été abattues

Nous avons l'habitude culturelle de voir les arbres comme les manifestations organiques du monde. Descartes disait : "La philosophie est un arbre." Quand les nomenclaturistes classifient les espèces animales, comment s'y prennent-ils ? En les situant dans un arbre ! Comment l'appellent-ils ? L'arbre de vie ! Quand nous voulons nous situer, nous nous replaçons dans un arbre généalogique. Et quand Dieu crée la terre et met Adam et Ève au Paradis, qu'est-ce qu'il leur donne ?

Deux arbres - avec l'un auquel il ne fallait pas toucher : l'arbre du bien et du mal... Où que nous regardions, dans le registre des créations humaines, nous trouvons la notion d'arbre comme expressive d'une situation spécifique en évolution, allant de sa graine à sa frondaison. Si l'on accorde donc à l'arbre cette multiplicité de sens, cette poésie infinie de représentations, et que l'on associe cette idée aux forêts qui se sont abattues pendant la tempête de l'hiver 1999-2000, ce que nous trouvons est terrifiant. Nous trouvons tout simplement que le vent a abattu nos pensées, nos croyances, nos idées, nos habitudes, et que tout est à refaire.

Le signe était dans le vent. Et c'est très grave.
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Revue Occulture N°2 : "Connaissez-vous Dominique Aubier ?"


Par J ean- Pierre Laurent

"Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple et dont l'exécution n'aura point d'imitateur."

Ceux qui possèdent le premier numéro d'OCCULTURE ont certainement lu la présentation que j'ai faite de son dernier livre, Don Quichotte le prodigieux secours du messie-qui-meurt. J'ose espérer qu'elle leur aura mis l'eau à la bouche, et qu'ils désirent en savoir plus sur une œuvre profondément originale bien qu'enracinée dans la Connaissance traditionnelle.
Dominique Aubier a commencé par écrire des romans qui forment ce qu'elle appelle ses "œuvres de jeunesse". Puis, la maturité venant, sa plume est devenue philosophe avec "L' œuvre de comprendre" et "L'oeuvre d'expliquer". Ce dernier volet comprend La Face cachée du Cerveau publié en 92 chez Dervy, L'Ordre Cosmique et La Puissance de Voir, publiés respectivement en 94 et 95 par Plate-Forme auteur éditeur.

Pour commencer l'exploration de la pensée de Dominique Aubier, dans ce premier article, nous allons partir à la
découverte de La Face cachée du Cerveau.
Ce titre évoque un phénomène astronomique bien connu: la rotation de la Terre et celle de son satellite naturel sont synchronisées de telle façon que la Lune présente toujours la même portion de sa surface à notre observation, l'autre face nous demeurant cachée. Elle l'est restée jusqu'au jour où, grâce aux progrès de la science et de la technologie, l'humanité est devenue capable d'expédier en orbite autour de la Lune des engins d'observation. De la même façon, l'organisation du cerveau humain nous est demeurée cachée jusqu'à ce que les progrès de l'observation neurologique nous en livrent la structure.
L'exposé de Dominique Aubier s'appuie de façon rigoureuse sur la connaissance cytoarchitectonique du cerveau, puisée aux meilleures sources parmi les auteurs qui font référence en ce domaine.

Dans quel but sollicite-t-elle le témoignage du savoir neurologique dans un livre consacré à la célébration de l'unité transcendante de toutes les traditions' porteuses de la Connaissance sacrée? (qu'elle pointe chez Moïse Schem Tod de Léon auteur du Zohar, chez Ibn'Arabi, et dans les ouvrages de Carlos Castenada, pour ne citer que les principaux.)
Disons-le tout net, son projet est d'une audace intellectuelle insurpassable puisqu'on ne saurait en concevoir de plus ambitieux. Elle entreprend, dans ce livre, de nous livrer une théorie unitaire qui, s'appuyant sur les deux piliers que constituent le savoir profane et la Connaissance sacrée, explique de façon structurale l'intégralité du monde manifesté et la totalité de la puissance informationnelle en qui il s'origine. Inutile de chercher plus occulturel que cela, vous ne trouverez pas!

La place que l'auteur s'assigne dans l'histoire de la pensée n'est pas mince, et le fait qu'elle la soutienne s'étaie dans une prédestination, c'est celle de la clef de voûte qui surplombe et soude un édifice, lui assurant sa cohérence.
Ce faisant elle répond à la demande de la partie la plus éclairée de la communauté scientifique qui souffre de ne plus pouvoir progresser au milieu des savoirs épars qu'elle a engendrés. A preuve cette citation du physicien David Bohm, promoteur de la notion "d'ordre impliqué" : "au lieu de dériver le subtil comme une forme abstraite du tangible, nous dérivons le tangible comme une forme concrète du subtil." Voilà qui réjouirait le divin Platon ! La biologie n'est pas en reste, puisque François Jacob déclare :
"Nous avons besoin d'une théorie des systèmes organisés, qu'ils soient vivants ou non." Et Jacques Attali n'oublie pas de venir mettre son grain de sel : "Une telle théorie est plus nécessaire que jamais."
Alors puisqu'ils en ont tous rêvé, Dominique Aubier l'a fait!

Mais il s'agit là d'une affaire d'importance, et dans la mesure où il est question de cerveau, le lecteur doit accepter de mettre le sien à l'épreuve.
Il est évidemment impossible de restituer en quelques pages, sans schématiser quelque peu, un ouvrage dont la richesse splendide en couvre près de six cents. Mais cet article ne vise pas à réaliser l'impossible, il ne tend qu'à vous donner envie de découvrir l'œuvre de Dominique Aubier, à votre propre compte et sans ménager vos synapses. Vos efforts seront récompensés! 
Or donc, il appert du savoir neurologique récent que le cortex est formé de six couches au sein desquelles un surcroît d'observation permet de distinguer dix strates. Bien avant cela, une observation plus grossière avait permis d'identifier deux hémisphères dont la symétrie ne se révèle que par un effet de miroir. Symétrie trompeuse au demeurant, puisque le propre de l'homme, sa capacité de parler, se situe dans l'hémisphère gauche. Plus particulièrement dans la zone repérée par Broca au XIXe siècle. Cette distinction droite-gauche, cette asymétrie qui singularise l'espèce humaine apparaît comme un invariant structurel car on la retrouve au sein du monde physique. Il suffit pour s'en convaincre de tirer la leçon des expériences menées sur des particules corrélées. Au moment de leur séparation dans l'espace, elles respectent ce mode de répartition, à savoir : si l'une s'oriente vers l'est, l'autre se dirige vers l'ouest, manifestant ainsi, au niveau élémentaire, la permanence de cette distinction droite-gauche.
Là gît l'origine de la dualité qui constitue le grand motif structurant de l'univers dont l'auteur s'acharne à retrouver la trace dans tous les discours traditionnels, qu'ils soient mythiques, philosophiques ou religieux.
Dans la pensée taoïste ce motif se décline sous forme de la complémentarité Yang-Yin. Au Yang correspondent la lumière, le jour, le pouvoir émissif, le Père, le Créateur; au Yin l'ombre, la nuit, l'état réceptif, la Mère, la Créature.
Pour toutes les traditions la lumière est en relation avec la connaissance. Connaissance qui est bien évidemment liée chez l'homme à la capacité d'idéation qui s'incarne dans le langage.
"Au commencement était le Verbe ... " C'est dans l'hémisphère droit que s'origine le Qui Sait d'où part l'impulsion fécondante en direction de l'hémisphère gauche dont l'activité va s'extérioriser dans le Qui Fait.
Ici il faut distinguer le Verbe, le Logos, de la parole, réalité matérielle, onde sonore, trace écrite, relevant de la manifestation. Le Logos est à la parole ce que le Qui Sait est au Qui Fait, nous semble-t-il nécessaire de préciser pour maintenir la cohérence avec l'ensemble de la dialectique Droite-Gauche, Dedans-Dehors, Direct-Indirect, Occulte-Manifeste ...
La citation du premier verset de Jean évoque le Geste créateur du principe tout entier condensé dans son intériorité et projetant vers le dehors la puissance informationnelle qui va donner naissance à la manifestation.
Ce Premier Echange Latéral, ce passage de la Droite à la Gauche, du Dedans vers le Dehors, de l'invisible vers le visible, de l'état céleste à l'état terrestre, du non localisé à l'existentialisation spatialisée, du Qui Sait au Qui Fait est un des éléments de la structure absolue dont la méditation nous ouvre les portes d'une compréhension totale.
Ce que Dominique Aubier énonce ainsi: " ... lorsque l'Homme surgit, exhibant son cortex à six couches doué de parole, c'est qu'à l'origine même de la Terre et de l'Univers, une parole concrète énonçait en borme et due forme la formule corticale du motif unique ... "

L'auteur établit donc le fonctionnement du cerveau et son architecture structurelle comme modèle de l'Univers. C'est ce qu'elle appelle le modèle Rosch, ce mot signifiant tête en hébreu. Dépassant les modèles mécanistes, elle nous invite à le concevoir non pas comme une machine extrêmement complexe de type newtonien, mais comme le déploiement d'une pensée. Parmi les scientifiques qu'elle invoque pour soutenir sa thèse, elle cite Rémy Chauvin: " La clé de l'évolution se trouve probablement dans l'homme... La manière dont notre cerveau agit sur notre corps est probablement en résumé la même que celle de la volonté évolutive agissant sur la matière inanimée."
Remarquons au passage que le biologiste parle de volonté évolutive, tranchant ainsi avec le dogme darwinien.( Sur ce sujet Occulture proposera à ses lecteurs quelques pistes de réflexion dans un prochain numéro.) Remarquons aussi l'insistance que met cet auteur à présenter son assertion comme seulement probable, ce qui peut semer le doute dans l'esprit de celui qui la reçoit. Est-ce à dire qu'il n'exprime qu'une supposition sans fondement?
L'utilisation du paradigme mis en évidence par Dominique Aubier permet de comprendre l'embarras et la prudence du savant. Il suffit de considérer que l'activité scientifique s'est assignée comme programme une exploration approfondie du monde manifesté, de la nature, en le fragmentant en un grand nombre de domaines particuliers. Il en résulte une spécialisation qui exclut toute perspective unitaire. Sa faiblesse actuelle résulte de cela même qui fit ses brillantes réalisations. Devenue myope par excès de focalisation, elle court après la multiplicité éclatée engendrée par un surinvestissement dans le côté gauche du motif duel. Pour se rééquilibrer il lui faut marquer un stop et se ressourcer du côté droit, prendre conscience avec Ibn'Arabi que : " la réalité intelligible de la Connaissance ou celle de la vie reste la même."
Rémy Chauvin sait la nécessité de ce retour à la réalité intelligible de la connaissance, mais il hésite à franchir le pas, à emprunterl e Pont Cinvat, et pour cause ... d'où ses "probablement".
Dominique Aubier, kabbaliste émérite, virtuose de l'Echange Latéral, va danser ce passage dans une exaltation jubilatoire dont le lecteur sortira déniaisé, dégauchi ... rectifié.

Il est temps maintenant de revenir au cœur du problème, là où tout se noue, en ce lieu crucial où le savoir le plus exotérique, à savoir l'analyse minutieuse de l'anatomie du cerveau, rencontre la connaissance la plus ésotérique en l'espèce de l'interprétation kabbalistique des premiers mots de la Genèse.
Elle nous offre rien de moins qu'une explication lumineuse d'un mot que des siècles de commentaire auraient pu rendre rond comme un galet roulé par les flots, objet dépourvu de toute aspérité préhensile. Ce mot, elle en livre le sens occulte, ouvrant, par ce geste inspiré par la force du Premier Echange Latéral, une nouvelle ère à la pensée.
Ici je ne peux que citer l'essentiel de deux pages de La Face cachée du Cerveau: " Béreschit, première parole de Genèse. Tous les grands maîtres de la Tradition en ont souligné l'importance ... Béreschit est fondé sur la racine Rosch qui désigne la tête. Le recours à l'étymologie suffit à faire éclater l'illumination. Béreschit ne signifie pas seulement en principe et au commencement. Une lecture un tant soit peu hébraïsante impose l'idée que sur le plan de la tête, posé comme principe, l'univers a été créé .. Je terme Béreschit s'applique au motif cosmogonique. Il en est le Secret même, ouvertement livré au premier mot de Genèse. Soucieux de faire apparaître ce sens, André Chouraqui, dans sa traduction de la Bible, n'a pas hésité à traduire Béreschit par " En tête ". Ainsi le double sens est-il sauvé : dans la tête et au commencement ... Mais pour les kabbalistes, la lecture étymologique ne suffit pas. La véritable technique de déchiffrement du texte biblique s'appuie sur la lettre. C'est ce qu'on appelle la lecture scripturaire. Dans ce cas précis, elle consiste à compter le nombre de glyphes écrivant un mot. En hébreu, Béreschit comporte six lettres. Une autre technique de déchiffrement kabbalistique s'établit sur la présentation phonétique d'un mot. L'homophonie, l'approximation sonore sont considérées comme des éléments significatifs. Dans ce système d'analyse qui trouvera sa justification initiatique, Béreschit peut s'entendre Bara Chit, ce qui signifie : il créa six ... La référence au chiffre six devient éloquente lorsqu'on sait, par ailleurs, que le cortex est structuré par six couches ... Et l'on peut déduire de l'analogie chiffrée que, dans la tête humaine, ce qui est visé au titre de modèle représentant la structure fondamentale, c'est le cortex."

Nous sommes ici au cœur de l'affaire dont il se traite dans ce livre. Le lecteur qui n'entrerait pas dans l'intelligence de ce passage serait, à bon droit, justifié de s'exonérer d'en entendre les développements. Chacun a les lectures qu'il mérite, et une rencontre de ce genre n'est jamais fortuite. Pour ce qui nous concerne, nous voyons là une fulgurante intuition intellectuelle, l'érection d'une arborescence de la pensée qui se juge, comme tout arbre, à la qualité de ses fruits ... " qui trouvera sa justification initiatique ... "

Considérer l'homme comme un microcosme à l'image du Tout, c'est là le b.a-ba de tout impétrant à l'initiation, l'originalité de la démarche de l'auteur se situe en ce qu'elle choisit, avec d'abondantes raisons, de ne considérer comme image du Tout que ce qui en l'homme le fait tel: son cerveau latéralisé.

C'est donc à une visite guidée à l'intérieur de notre cerveau que nous convie Dominique Aubier. Chacune des six couches qui le composent est décrite avec force détails anatomiques et structuraux, étant entendu que la structure n'est que la trace matérielle d'une fonction

La couche I est apparue la dernière au sein de la phylogenèse, ce qui est conforme à la place que tient l'homme au sommet d'icelle. Mais c'est elle qui est activée la première lors du développement individuel, puisqu'elle sert à l'apprentissage du langage. Ce qui ce conçoit aisément puisque l'homme se situe au sommet de l'arbre phylogénétique, et qu'avec lui l'évolution biologique s'est arrêtée de produire de nouvelles formes de vie pour engendrer une surévolution de caractère intellectuel et spirituel.
Durant ses premières années l'enfant apprend à nommer les choses. A de rares exceptions près, cette opération s'opère avec une grande facilité, nonobstant la prouesse que cela représente. Sans effort, il met en rapport le Dedans, le mot mémorisé et articulé avec le Dehors, la chose ; cet appariement entre le signifiant et le signifié correspond à un pur échange latéral. Cette phase du développement de tout être humain est l'écho, inversé dans le cas de l'enfant car la chose préexiste à son expérience, du premier jour de la Genèse quand Dieu dit: " Que la lumière soit! " et que la lumière apparaît. Le mot et la chose ne font qu'un, comme les deux faces d'une médaille.
C'est là l'ébauche de la dualité qui ne s'établira vraiment qu'en couche II, avec l'apparition de la fonction symbolisante que l'enfant acquiert lorsqu'il se trouve dans la nécessité de faire apparaître un objet absent, expérimentant alors la contradiction entre le Dedans, la représentation qu'il se forme de l'objet manquant qu'il souhaite faire advenir et le Dehors, l'objet lui-même.
L'observation révèle qu'il n'y a pas de limite précise entre les couches II et III, ce qui correspond forcément à une unité entre les fonctions induites. La fonction symbolique, ce pouvoir de convoquer à l'être une chose en évoquant une de ses parties ou une situation à laquelle elle est enchaînée, en couche III, se développe en capacité d'anticipation en raison de la somme d'information qui s'y trouve stockée et énergétisée.

L'activation des trois premières couches forme un cycle d'apprentissage qui place le fonctionnement de la structure corticale dans une position comparable à celle d'un homme qui pose le bilan de la première moitié de son existence pour décider de l'orientation à donner à la seconde. Les trois suivantes constituent un processus de relance, un redoublement, le BOP de la maturité par rapport au Bip de l'enfance et de la jeunesse.

Ces considérations ne sont pas dépourvues d'applications concrètes. Ainsi l'auteur met l'accent sur la nécessité de ne pas sauter, dans le ,cours de l'éducation, l'étape de la
pensée symbolique, de ne pas sacrifier l'enseignement des humanités aux exigences de l'adaptation économique et technologique, sous peine de vouer ceux qui seraient issus d'un tel moule à une vie purement profane, sans possibilité d'accéder au mystère du sens.
Les rites, prescriptions exotériques tirées de la Connaissance sacrée, ont été institués afin que l'humanité, parvenue en couche V ( nous verrons plus bas ce qui la caractérise), conserve la mémoire du patrimoine symbolique engrangé dans les trois premières couches. Ce qui implique que nos lointains ancêtres qui les entèrent dans les détails de la vie quotidienne, possédaient une parfaite connaissance du modèle unique qui structure le cortex et régit le cours de l'histoire humaine.

Relativement aux capacités anticipatrices de la couche III, l'auteur identifie le ressort de ce qui est souvent désigné comme de la " magie": au niveau de la réalisation de nos possibilités individuelles "l'astuce consiste à inventer une action symbolique contenant en intention le désir qui nous occupe." Mais attention ! "Une rêverie étrangère à notre destin introduirait des aberrations." Nous retrouvons ici le thème crowleyien de la vraie volonté, "true will". Le lecteur trouvera dans l'interview de Paul Gregor une explication anecdotique et imagée de ce phénomène.

La couche IV récupère l'énergie et le matériel mnémonique du premier cycle afin d'en initier un second. Dans le cours de l'histoire judéo-chrétienne, elle correspond à la période de la Renaissance. C'est le moment où sont redécouverts, récapitulés, revivifiés les acquis du passé pour promouvoir une relance de la civilisation. Processus qui prépare le terrain à l'explosion de la couche V dont l'auteur affirme: "qu'elle est le lieu de l'expansion, de l'épanouissement, de l'exploitation forcenée de tous les potentiels."
C'est dans cette aventure que le génie industrieux de l'Europe a lancé le monde voici environ trois siècles, puisque la révolution industrielle date de la fin du XVIIe siècle.
En couche V se développe un savoir fondé sur l'étude réaliste de la nature, indépendamment de toute référence spirituelle; ce qui va de pair avec une agressivité, incarnée par le matérialisme militant et le scientisme, des forces du Dehors qui nient tout droit à l'existence à celles du Dedans. C'est ce que l'auteur nomme le "grand écart", l'opposition radicale entre les deux pôles de la dualité, la Gauche qui fait, et la Droite qui Sait. Déjà, en son temps où le grand écart s'ébauchait à peine, Rabelais évoquait le péril qu'engendre une science déconnectée de la conscience.

Depuis quelques décennies, du sein de la communauté scientifique, des voix s'élèvent, non des moindres, pour réclamer un rapprochement. Sous les auspices de Dominique Aubier, "La Face cachée du cerveau" répond à cet appel. 
Toutes les difficultés de notre époque, que je stigmatisais dans l'éditorial du premier numéro d'acculture en disant: "le monde moderne campe sur les ruines de ses ambitions", sont issues de la prolifération de savoirs irresponsables censés nous entraîner sur la voie d'une progression indéfiniment continuée. Conception profane du temps qui s'oppose à celle de l'initié qui sait que : " Toute histoire, qu'elle soit nationale, civilisatrice, planétaire ou individuelle s'inscrit dans la sphère d'une unité cyclique et enregistre l'arrêt de sa séquence. Cela ne signifie pas que l'aventure de vivre s'achève pour autant. A un cycle succède un autre cycle."
Aujourd'hui nous nous trouvons, au niveau de la civilisation, en fin de couche V, mais, dans la mesure où " Les idées ont souvent du retard sur le moteur structural ", l'entrée en couche VI, nonobstant l'énorme effort de Dominique Aubier, risque de se faire attendre encore longtemps, nous laissant à la merci de toutes les catastrophes qu'un tel déséquilibre peut engendrer.
En cette étape de l'évolution humaine, qui ne sent en effet que s'impose la nécessité d'un moratoire ? On peut en discerner les prémices dans la décision concertée des puissances dominantes de mettre un terme à l'escalade de l'expérimentation nucléaire à des fins militaires.
En fin de couche V, plus précisément selon le modèle cortical en strate c, se repère l'obligation de marquer un arrêt analogue au phénomène de Stop qui signale l'épuisement d'une branche évolutive dans le règne animal.
Sauf à prendre le risque de transformer "le grand écart" en un démembrement létal, il faut mettre un terme à l'hypertrophie du côté gauche, passer la bride à cette cavale avant qu'elle ne provoque la chute de son cavalier, en l'occurrence la présente humanité.

La Connaissance Sacrée et le modèle cortical parlent d'une même voix pour réclamer l'entrée de l'énergie en couche VI. "Le déplacement de l'énergie de gauche à droite constitue la stratégie fondamentale sur quoi s'organise l'ensemble des opérations dont la couche VI est le siège", affirme Dominique Aubier.
A ce stade, il incombe au savoir profane de prendre conscience qu'il se trouve dans une impasse évolutive et d'accepter de reconnaître l'autorité de la Connaissance Sacrée dont le discours nous livre la signification de l'organisation structurelle de l'objet le plus complexe de l'univers, le cerveau humain.

L'irruption de l'énergie en couche VI sera véritablement révolutionnaire en ce qu'elle opérera la fin d'un cycle par le rapprochement des contraires, préparant la naissance d'un nouveau cycle à l'intérieur duquel les acquis du côté gauche ne seront pas répudiés mais transcendés.
Quelles perspectives s'ouvriront alors?
Pour tenter de les appréhender nous pouvons nous référer à une théorie des cycles traditionnelle que Dominique Aubier n'évoque pas. Selon cette cyclologie, nous nous trouvons actuellement à la fin du Kali Yuga, l'âge de Fer qui se caractérise, au fur et à mesure de son développement, par le règne de la quantité et un éloignement croissant du Principe divin. L'humanité s'enlise dans la matière, se réifie jusqu'à ce qu'une catastrophe mette un terme à cette évolution qui, au regard de l'Esprit, constitue la plus grande involution.
A l'issue de ce processus catastrophique - dont il est difficile de nier que nous y soyons profondément engagés - un retournement s'opère et s'ouvre un nouvel âge d'Or qui n'a rien à voir avec le veau du même métal ou les golden boys de Wall Street, mais qui inaugure au contraire une réconciliation de la créature avec le Créateur, une réintégration de l'aventure humaine au sein du Principe.

Pour affronter ces temps de crise, pour maintenir le cap salvateur, il fallait une boussole. Dominique Aubier nous l'offre sous les auspices de la science déchiffrée à la lumière de la kabbale.
Utilisons-la!

                                                                                                                                                      J.P.L


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Le Crif; Conte rendu de lecture du livre "Don Quichotte. Prophète d'Israël"; par Jean-Pierre Allali


La relation entre l'Espagne et le peuple juif, entre l'hébraïsme et l'hispanité est sans conteste d'une grande complexité, comme une attraction-répulsion avec, en point d'orgue, la tragédie infinie que fut l'Inquisition et l'expulsion des Juifs. A travers le marranisme, la judéité fait désormais partie intégrante du corpus national espagnol. Au point que le prix Nobel de littérature, José Camillo Cela  n'hésitait pas à affirmer : « Aujourd'hui, après l'Etat d'Israël, l'Espagne est probablement le pays du monde où les Juifs sont les plus nombreux. Seulement, ils ne sont pas de religion juive. Pourquoi ? Parce que lorsqu'Isabelle le Catholique a expulsé les Juifs, seule une minorité a émigré. La majorité s'est convertie. Elle est ici, parfaitement intégrée »(1). C'est à la recherche des traces de cette judéité perdue que sont lancé, souvent avec bonheur, des chercheurs passionnés. Ainsi, Sarah Leibovici, dans une magnifique et pertinente étude, nous montra, nous démontra, études de courriers et analyses iconographiques à l'appui, la judéité incontestable de Christophe Colomb (2).

Don Quichotte. Prophète d'Israël
Par Dominique Aubier

Dans la reprise qui mérite d'être signalée, de son ouvrage fondamental (3), Dominique Aubier cherche, avec conviction et en présentant des arguments tout à fait recevables, à établir une corrélation entre le roman de Cervantès (4) et l'hébreu. Pour elle, il ne fait aucun doute que l'ouvrage, désormais grand classique de la littérature espagnole et fleuron du patrimoine culturel mondial, est structuré selon un plan précis qui épouse la fameuse représentation kabbalistique des sephirot.

Tout cela peut sembler incroyable, inouï, mais à la lecture des pièces rapportées par la défenderesse de cette thèse au tribunal de la vérité, on reste subjugué. Est-on en présence d'une découverte scientifique sensationnelle ? Tout porte à le croire.
Tout au long des pages, Dominique Aubier multiplie les exemples. Pourquoi, par exemple, la marmite de l'hidalgo, ne contient-elle que du bœuf et du mouton, alors que la viande de porc est la plus consommée en Espagne ? « Que le couvercle d'une telle marmite fût soulevé par quelque familier de l'Inquisition et l'hidalgo eût été passible d'une dénonciation ». Et si, la nuit, discrètement, l'hidalgo se régale d'un salpicon, le mot est suspect, car le porc n'y est pas mentionné et c'est peut-être de la grive ou du merle. Salpicon, d'ailleurs, saupiquet en français, signifie littéralement « piqué de sel ». Or, fait remarquer Aubier, en espagnol, comme en hébreu, le mot « sel » a un double sens. Il désigne aussi l'esprit, la grâce. On imagine l'auteur, si la théorie d'Aubier est juste, réfléchissant au choix de chaque mot, de chaque situation, de chaque scène, pour camoufler le sens caché sous un abord anodin. Quant au plat du samedi « duelos y quebrantos el sabado », les traducteurs imprudents proposent : « œufs au lard » là où la traduction littérale dit : « deuils et brisures », ce que les Juifs mangent, faute du cochon obligatoire, le samedi.

Par delà ces considérations culinaires qui ne sont que mise en bouche, l'auteur en vient à dresser un parallèle surprenant entre don Quichotte et Ezéchiel.
Et ce nom même, Quichotte, qui se termine par le suffixe « Ote », lequel, en hébreu, renvoie à « signe, marque de secret ». N'est-ce pas troublant ? Et pourquoi, l'hidalgo invoque-t-il constamment le « Dieu vivant », une façon très juive de s'exprimer ?

Ce ne sont là que quelques exemples. Il faut aller au livre même, notamment aux chapitres « La haute voltige des petits signaux », « Le livre du secret » et « Les quatre parties du monde », pour découvrir l'infinie variété des coïncidences troublantes que l'auteur met en évidence en nous invitant à une « lecture zoharique de « don Quichotte ».
Au fait, quand on y pense, de Caballero à Cabbale, la distance lexicographique n'est pas si grande !
Un ouvrage remarquable et précieux. On regrettera toutefois son prix, trop élevé.

Jean-Pierre Allali

(*)Éditions M.L.L.La Bouche du Pel. Août 2007. 296 pages. 38€ port compris : dblumenstihl@tiscali.fr
(1)              Le Figaro du 27 août 1997
(2)              Sarah Leibovici. Christophe Colomb Juif. Défense et illustration. Editions Maisonneuve et Larose. 1986
(3)              L'édition originale de l'ouvrage, parue chez Robert Laffont, date de 1966.
(4)              On ne le sait pas toujours, mais le nom complet de l'auteur est Miguel de Cervantès Saavedra (1547-1616)
Presse

Critique du film : "Après la tempête", par David Vasse, parue dans Repérages, avril 2001


Après la Tempête, c'est d'abord la rencontre avec une femme remarquable, la découverte d'une pensée aux aguets, articulée autour de la question du réel et ses signes.

Dominique Aubier, auteur d'une trentaine d'ouvrages portant essentiellement sur la connaissance du sacré et les mécanismes du cerveau humain, tente d'analyser le grand conflit actuel qui oppose les progrès technologiques aux grondements de la nature, à partir des trois catastrophes récentes qu'a connues le pays : la tempête de fin décembre 1999, le naufrage de l'Erika puis celui du Ievoli Sun.

C'est en travaillant pendant des années sur le caractère symbolique de Don Quichotte que Dominique Aubier a appris à lire entre les lignes, à repérer les codes entre les choses. Devant la caméra attentive de Joële van Effenterre, elle nous livre sa version des faits en démontrant par le biais d'une lecture tantôt kabbalistique tantôt scientifique, que la nature peut être douée de volonté, que tout se lie et se relie sans cesse pour produire une sorte d'épiphanie de l'univers.

Mais que l'on ne s'y tompe pas : nul prosélytisme dans cette démarche. L'intérêt du film est que, grâce à la parole de Dominique Aubier, il délivre subtilement un précis d'analyse du cinéma. Lorsqu'elle se met à évoquer Roberto Rosselini et, à travers lui, la nécessité de savoir arrêter le mouvement du réel pour mieux y déceler les détails qui font sens, elle nous invite à réfléchir sur notre propre capacité à penser le cinéma et les images d'aujourd'hui.

Aussi le temps d'arrêt que propose Après la Tempête est-il le bienvenu. Ni pontifiant, ni élitiste, il donne envie d'ouvrir un peu plus les yeux sur ce qui nous entoure.

Critiques des journaux nationaux du film: "Après la tempête"


— "Un rendez-vous que les amateurs d'intelligence insolite ne devraient pas manquer. Dominique Aubier est une femme à l'érudition étonnante dont l'imposante œuvre littéraire poursuit depuis longtemps la réunification des dogmes du sacré et des théories du scientifique. Une conteuse sachant subjuguer son auditoire avec malice. Une jubilation souvent communicative." Ciné Live

— "Variation métaphysique autour du portrait de Dominique Aubier, spécialiste de Don Quichotte..." L'Express magazine

— "78 ans. Quand elle parle, elle en a 60 de moins, avec juste tout le savoir du monde en plus..." Le Nouvel Observateur

— "Dominique Aubier décrypte le monde qui nous entoure et les événements qui s'y produisent à l'aide d'un code dont l'existence lui est apparue à la lecture de Don Quichotte. Elle éclaire ce qui, sans son secours, serait demeuré obscur." Le Monde

— "Les événements de notre époque à la lumière de son savoir. Captivant." Le Figaro 
Presse

Henri Laborit, en introduction dans son livre "Dieu ne joue pas aux dés"


"Dieu ne joue pas aux dés"  Eéditions Grasset & Fasquelle, 1987


Il Y a quelques mois j'ai reçu l'ouvrage d'un écrivain, une femme, Marie-Louise Labiste, experte en langue hébraïque, et qui avait pour titre: Traité de la connaissance ou la Kabbale retrouvée 1. Il était accompagné d'une dédicace chaleureuse. Ma lettre de remerciements reçut en réponse une lettre explicative m'apprenant que Dominique Aubier (Marie-Louise Labiste) avait lu tous mes livres de large diffusion (mais, bien que kabbaliste, pas ceux par trop ésotériques pour un non-initié) et que dès 1963 à la lecture de Du soleil à l'homme 2, elle avait constaté que j'avais découvert le " secret des secrets", le secret de la Kabbale. Depuis nous nous sommes rencontrés et j'ai été conquis par la culture extrêmement variée de cet écrivain aussi bien sur le plan scientifique que littéraire et historique.
Je dirai pourquoi plus loin, le secret des secrets pour elle semble bien être en réalité la notion de ce que j'appelle depuis trente ans...

Les Humains Associés: "Message pour temps difficiles"  par Marie-Thérèse de Brosses 


Comme le chantait Léo Ferré, "les temps sont difficiles"... Il y a plus de vingt ans que nous le savons. Aurions-nous omis de le constater que, indéfiniment égrenées par les politiques, les sempiternelles lamentations sur la "crise" auraient fini par nous affranchir ? À croire que la seule prononciation de ce mot suffirait à exorciser la réalité qu'il dénonce ! À quoi bon marteler ce terme si l'on ignore son origine (du grec "krisis" : décision ; bien compris, ce mot suscite automatiquement l'association : il-est-essentiel-de-prendre-une-décision) ?

Faute de concevoir la décision à prendre, aucune solution ne sera jamais apportée. Manquerions-nous à ce point de compétence que nous ne soyons pas capables d'émettre le jugement qui ferait verdict, condamnant la crise à s'effacer de manière telle que nous pourrions en sortir ? À force de maltraiter la langue française, on oublie combien elle est précise à cet égard : on ne gère pas une crise, on en sort.

I/ La Surdité culturelle

Quelle attitude tenir face à une situation chaque jour plus difficile ? Les esprits les plus subtils de l'époque n'ont rien à nous prescrire en ce domaine. Que gagne-t-on à lire l'éblouissant Jean Baudrillard, à part le plaisir de voir les données issues du savoir scientifique prendre valeur de métaphores (comme si elles n'avaient d'autre service à rendre qu'à poétiser les textes, s'y fixant à la manière des étoiles, sans que le ciel intellectuel cesse d'être noir) ? L'éclat du discours, qu'on l'admire dans La Transparence du mal ou dans L'Illusion de la fin (Jean Baudrillard, La Transparence du mal, Essai sur les phénomènes extrêmes, éditions Galilée, Paris, 1990 ; L'Illusion de la fin ou La Grève des événements, éditions Galilée, Paris, 1993), ne dissimule pas l'inefficacité d'une analyse qui consiste davantage à creuser le méfait qu'à le guérir, semblable en cela à certains médicaments qui, sous prétexte de révéler à coup sûr la maladie, l'augmentent. Rien n'est plus désespérant que le chant s'élevant en fumerolles soufrées au-dessus d'une situation toxique. Plaisir sauvage de parler le pire en l'aggravant...

Pourtant, un message existe qui n'a pas été entendu...

Plusieurs livres l'ont avancé, timidement d'abord, puis avec une insistance de plus en plus ferme, jusqu'à ce qu'un ultime ouvrage (Dominique Aubier, L'Ordre cosmique ou Comment Dieu se fait penser, Plate-forme Auteur-Éditeur M.L distribution Dauphin- Diffusion, 43/45, rue de la Tombe-Issoire, 75014 Paris) en délivre l'essence. Est-ce parce que son auteur est une femme qu'il n'a pas été pris en considération ? Ou parce qu'il ne se situe pas dans le timbre du soliloque rationaliste ? Nous avons l'oreille tellement faite à la description !

Quand Jean Baudrillard déclare que : "l'accélération de tous les échanges, économiques, politiques, sexuels, nous a portés à une vitesse de libération telle que nous avons échappé à la sphère référentielle du réel et de l'histoire", nous pouvons approuver.

En épousant la notion de "vitesse de libération" (expression utilisée pour le lancement des satellites), l'assise métaphorique du constat confère une plaisante modernité à ce que nous devons accepter : que notre vie soit actuellement sortie d'un "certain espace-temps, d'un certain horizon où le réel est possible parce que la gravitation est encore assez forte pour que les choses puissent se réfléchir, et donc avoir quelque durée et quelque conséquence (L'IIlusion de la fin, op.cit. p. 12)".

Le brio avec lequel l'auteur commente le caractère inacceptable de ce qui arrive, prouve que la situation peut encore être pensée. Mais Baudrillard se garde bien de donner la mesure exacte de l'anomalie qu'il souligne dans son langage greffé sur l'astrophysique : le fait de n'être plus en dehors de "l'orbite référentielle des choses".

Plutôt alarmant d'entendre un philosophe aussi brillant nous assurer qu'une grève sévit dont l'Histoire serait à la fois le lieu et la victime : la grève des événements, dernière manifestation de la force qui fabrique l'Histoire.

L'identité, le sens de cette phénoménologie qui sent le ratage, sont toujours à rechercher ; le besoin de les définir hante la conscience contemporaine, dit Baudrillard, sans s'aventurer plus loin. Sa perspicacité reste celle d'un esprit qui constate le deuil et offre ses condoléances mais ne résout pas l'énigme de la situation mortelle dont il a dressé le portrait.

Notre culture poussant à sa forme ultime la délectation du mal que l'on maudit, ce constat d'échec fait sans doute partie des "choses bonnes à dire". Apparemment, il a été entendu. Serait-il normal que, dans un tel contexte culturel proche de la schizophrénie, une information positive ne puisse être perçue ? Le malade n'imagine rien qui ne soit sous la coupe de sa souffrance ; la santé est inconcevable pour lui.

Serait-ce la raison pour laquelle Dominique Aubier n'a pas crevé le mur de l'écoute conventionnelle ? Un premier ouvrage, daté de 1968, attirait l'attention sur la situation de fin de cycle et sur les mesures à prendre pour échapper à l'étau de la crise qui s'y ouvre obligatoirement. Par sa référence trop directe au rituel israélite, son titre - De L'urgence du sabbat (Plaidoirie pour une cause gagnée, deuxième tome : De l'urgence du sabbat, éditions Mont-Blanc, Genève, 1968) - ne laissait guère présager ce que le livre contenait d'enseignement, aussi la portée universelle du rite sabbatique n'a pas été envisagée, ou seulement intra-muros, dans l'enceinte de la communauté israélite.

Les Juifs religieux savent que le sabbat, en tant que rite hebdomadaire, se réfère à un ensemble de faits qui participent de la phénoménologie qui caractérise les fins de cycles. Mais, comme tous les esprits engoncés dans les formes qu'a prises leur foi, ils croient ces formes immuables.

Il n'est que d'observer la façon dont, à Jérusalem, les Juifs plient les genoux en priant devant le Mur des lamentations. Que signifie cette gesticulation obligée qui se répète normalement lors des offices ? Engagement corporel ! La personne qui effectue cette gymnastique sacrée s'exprime à elle-même l'idée à ne jamais oublier : il faut suivre le temps.

Ne pas rester immobile devant le présent dont le mur recule chaque jour un peu. Malheureusement, le rite n'est obéi qu'au degré de son insertion symbolique. Le sens qu'il est chargé de mémoriser n'est pas dégagé. Effectivement, il est plus facile de remuer ses rotules que d'aller par le monde prêcher l'obligation d'ajuster sa pensée aux productions incessamment nouvelles du temps !

Le même phénomène se produit avec le sens général du sabbat. Il est plaisant de fêter la fin de semaine par un bon dîner en famille et quelques prières autour des deux chandelles allumées par les femmes. Mais considérer cette geste féminine comme un indicatif symbolique est autrement plus dangereux! Le sens implique un travail intellectuel formidable: faire flamber, dans le réel social et civilisateur, les deux mèches que sont la Science et la Connaissance initiatique.

C'est à cela que s'attelle Dominique Aubier : "Le sabbat israélite considère ce travail comme un travail de femme. On ne reprochera pas à mon chignon de s'en être mêlé. Ceci dit, je n'ai pas vu que mon livre, publié il y a trente ans déjà, ait provoqué des remous dans la conscience des transmetteurs symboliques du message. La différence entre symbole et explication n'a pas été perçue".

Que se serait-il produit si le passage du symbole à son éclosion avait été enregistré ?

D. A. : "C'est l'ordre impératif donné par la formule kabbalistique du Pardès. Pour prononcer ce mot, il faut passer d'une syllabe à l'autre. C'est ainsi que l'on doit faire dans la vie : aller de l'avant et changer selon que l'exige le plan cyclique. Pardès, mot qui a donné paradis, comporte quatre lettres (en hébreu, les mots ne sont pas vocalisés et ne s'écrivent qu'avec les consonnes) Elles désignent les quatre étapes de la maturation dont est nécessairement l'objet toute pensée, toute expérience :

    * Une information entre, c'est l'étape P.


    * Elle est mise en forme symbolique, c'est l'étape R.


    * Elle est relancée vers l'avenir, c'est l'étape D, celle de l'expansion adaptative.


    * Enfin elle arrive à terme, c'est l'étape S, celle où tout s'éclaire et se conclut. Lorsqu'il y a élucidation, il y a aussitôt possibilité de compréhension. Le paradis c'est de comprendre".


Dominique Aubier ne s'est pas arrêtée dans son effort de faire valoir le message pour temps difficiles qu'elle a décelé dans le rituel du sabbat. Le spasme de 1968 secouait alors la génération estudiantine. Un cycle manifestait-il son désir de bien finir ? La situation, bien qu'abondamment décrite, n'a pas été identifiée. Avec Catalina ou la Bonne Aventure dite aux Français (Catalina ou la Bonne Aventure dite aux Français, Le Courrier du livre éditeur, Paris, 1982).

Dominique Aubier s'y est employée, se lançant dans un décryptage audacieux des événements qui ont entouré l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République. À vrai dire, le livre était un peu maladroit dans sa témérité. Néanmoins, par delà tous ses défauts ou ses excès, l'ouvrage fait valoir quelques idées qui ne courent pas les rues, alors qu'elles devraient y parader.

En particulier celle-ci : nous vivrions une fin de cycle notoire, celle du cycle ayant vu l'humanité surgir au terme de l'essor biologique. Nous en serions à assumer la clôture du cycle ouvert à la sortie du paradis terrestre. Quelques arguments initiatiques, fondés sur des valeurs archétypales tentent de montrer la probabilité de cette hypothèse.

Pour l'auteur il s'agissait d'une certitude difficilement communicable - pour ne pas dire totalement incommunicable - en 1982, car l'auteur n'avait pas encore publié La Face cachée du cerveau (La Face cachée du cerveau, éditions Séveyrat, 1989, réédité par Dervy en 1992, l'ouvrage qui fait l'inventaire des archétypes constituant le corpus intellectuel de la connaissance traditionnelle). Avec Catalina, Dominique Aubier appliquait les règles dont elle n'avait pas encore donné le code ! Quelle imprudence !

D. A. : "Cependant, le message pour temps difficiles se trouve déjà là ! Il se confond à l'exégèse que j'ai sécrétée et qui est restée dans les marges ignorées de notre culture. Sans doute parce qu'il n'était pas en conformité avec l'usage ? Si un message doit nous aider à sortir de l'échéance fatale que représente toujours la situation de fin de cycle, il faut bien qu'il émane d'une région réflexive non agréée par les moeurs. S'il était exprimable par le rationalisme analytique habituel à notre culture, nous l'aurions non seulement entendu mais nous lui aurions déjà obéi".

Sans se décourager pour autant, Dominique Aubier remet le thème sur l'établi.

D. A. : "C'est vrai. j'ai réitéré ! La doctrine sacrée enseigne qu'il faut toujours dire deux fois ce que l'on a mission de faire savoir. Un cri, un appel au secours, n'est audible que s'il est répété."

En avril 1993 paraît un petit essai : Le Réel au pouvoir (Le Réel au pouvoir, éditions Dervy, Paris, 1993).

D. A. : "Ce titre doit être entendu, celui poussé par des manifestants dans la rue : "Le réel au pouvoir ! Le réel au pouvoir !" Est-ce parce qu'il n'y avait pas de point d'exclamation ? Toujours est-il que cette proposition a été reçue comme le couronnement de la montée au pouvoir du gouvernement actuel. Jamais je n'ai songé à approuver une politique qui n'avait pas encore été mise en oeuvre ! Ma préoccupation était infiniment plus importante : je voulais identifier la nature évolutive de la crise et offrir le moyen d'en sortir."

En somme, il ne s'agissait rien moins que d'adjoindre aux instructions scientifiques et rationnelles le complément indispensable de la doctrine initiatique.

D. A. : "Cette fois, le tort c'était le mode de raisonnement : il n'avait pas la qualité linéaire. Il était globaliste."

C'est pourtant la mode, que diable ! La pensée systémique, si l'on en croit les grands "savanturiers" qui oeuvrent au sein de la cité scientifique ! Depuis quelques années, une prise de conscience s'impose : la raison raisonnante aurait intérêt à penser holistique.

Pratiquer avec un temps d'avance ce mode de pensée, serait-ce se vouer aux gémonies ? N'exagérons pas. Mais se heurter à l'incompréhension restait inéluctable.

À qui la faute ?

D. A. : "La mienne ? Eh bien, plaidons coupable. Dans cet essai, sont citées à la barre quelques grandes descriptions puisées dans ce que le savoir objectif offre de plus sûr. Elles sont invitées à témoigner au sujet de ce qui se passe en fin de cycle. C'est que les événements qui s'inventent dans une telle circonstance ne ressemblent plus à ceux qui se déroulaient précédemment. Par comparaison, ce sont "des choses extraordinaires !" ainsi que le déclare Henri Gaussen qui les a reconstituées à partir des traces qu'elles ont laissées à travers le cycle qui a produit les ammonites."

Tous les scientifiques qui ont observé la notion de cycle ont constaté qu'une unité fonctionne de telle manière que ce qui est au commencement réapparaît à la fin (l'Eternel retour nietzschéen). En histoire naturelle, la chose est clairement dite, au point que le Professeur Henri Gaussen l'a décrite dans tous ses détails dans un article (Introduction à l'étude des plantes à archégone et de l'évolution, (Précis de sciences biologiques, sous la direction de P. Grasset, Botanique, Masson, 1963 p. 449 et sq).

Pour ne pas jouer les bas-bleus - ce qui sied toujours mal aux femmes - je dirai que ce professeur de sciences de la faculté de Toulouse a parfaitement décrit les mécanismes des fins cycliques et qu'il a eu la patience de les décrypter au sein de l'historique des ammonites fossiles (ce qui, au minimum, nous donne une bonne leçon d'ancienneté : "Quand un phylum est près de son extinction, il se produit des choses extraordinaires et, ce qui est le plus extraordinaire pour lui, c'est le retour au type primitif.")

Ces "choses extraordinaires", sont précisément celles que Dominique Aubier voudrait soumettre à notre attention, afin d'en tirer le message utile à la gestion heureuse de notre époque.

D. A. : "Ces faits étonnants ne sont pas seulement observables dans le cadre de la Paléontologie. Ils ne sont pas le propre de l'évolution des fossiles et s'aperçoivent également dans les mécanismes qu'observe la thermodynamique. Ilya Prigogine ne dit-il pas que le chaos conduit à retrouver l'ordre ? Un chaos qui n'est pas par hasard le lieu de l'explosion entropique maximale. Il est aussi une production de l'ordre".

Le réel au pouvoir tente, en effet, de nous rendre perceptible l'incoercible mouvement qui, du chaos, ramène l'ordre. Mais où trouver l'ordre qu'il importerait de récupérer au service de l'humanité et de son histoire? Dominique Aubier refuse d'en décider de sa propre autorité. Elle convoque donc les images scientifiques. Toutes laissent entrevoir l'existence d'un mécanisme de salut, inscrit dans le programme de toute évolution en cycle.

Un mécanisme qu'il serait essentiel de connaître pour sortir de l'impasse où l'histoire se serait malencontreusement fourvoyée, s'il est vrai, comme l'affirme Elias Canetti, "qu'au-delà d'un certain point précis du temps, l'histoire n'a plus été réelle. Sans s'en rendre compte, la totalité du genre humain aurait soudain quitté la réalité. Tout ce qui se serait passé depuis lors ne serait plus du tout vrai, mais nous ne pourrions pas nous en rendre compte. Notre tâche et notre devoir seraient à présent de découvrir ce point et, tant que nous ne le tiendrons pas, il nous faudra persévérer dans la destruction actuelle."

Pour Dominique Aubier, la chose est claire : la dérive s'est amorcée le 13 juillet 1967 lorsque le gouvernement Pompidou a créé l' A.N.P.E. La crise aurait vécu là son occasion superbe : le droit de croître et d'embellir, alors que c'était le moment - le dernier moment inscrit à l'almanach du temps - pour sauver la vie. Il faut lire Le Réel au pouvoir, même si ce texte nous fait souffrir dans le sens que nous chérissons du confort relationnel. Notre brave dame - soixante douze ans vécus sans peur et sans compromission - tient sa mire braquée sur un seul objectif : le message du salut.

En quoi consisterait-il ?

D. A. : "À changer de pied. À faire comme le montrent les métaphores scientifiques appelées en exemple : quitter le secteur que détruit l'insistance du chaos et gagner le territoire où règne l'ordre."

En termes de conviction intellectuelle, qu'est-ce à dire ?

D. A. : "Rien de plus que ceci : déserter la région mentale qui a produit le chaos et chercher refuge dans celle qui a toujours disposé des secrets de l'ordre. Le rationalisme scientifique et industriel est arrivé à son point d'évolution maximale. Il faut recourir désormais au sacré et à sa doctrine".

II/ Le Recours à l'ordre

Se tourner vers le sacré et lui emprunter sa doctrine : tel serait le message idéal, si le diagnostic de Dominique Aubier est juste, lorsqu'elle voit dans l'insistance évolutive trompée, qui serait celle de notre civilisation matérialiste, la source de la crise.

Appelant à son aide ces nouveaux ministres de la vérité que sont les descriptions scientifiques devenues irrévocables, la kabbaliste crie bien haut qu'il est temps de tourner bride et de courir au sacré pour lui demander secours. Mais nos facultés de comprendre ne peuvent se libérer des contraintes propres à l'époque. En 1994, l'art de communiquer se fonde sur les données objectives. Ce sont là les seuls appuis sur lesquels compter pour obtenir l'adhésion des esprits et faire consensus.

Notre auteur le sait bien : pour établir sa thèse, elle en appelle aux vérités solidement établies par nos savants.

La doctrine du sacré doit répondre à l'exigence des modalités de penser modernes. C'est une condition sine qua non. Une doctrine inaccessible n'aurait aucune puissance de communication.

Pour satisfaire à l'urgence de recourir au sacré - sans éviter la revendication de la conscience vivante qui est de comprendre rationnellement - il faudrait que la doctrine salvatrice se présente dans les formes acceptables pour nos manières de penser. Il ne suffit pas de proclamer la "force salvifique du vrai" comme l'a fait Jean- Paul II dans son encyclique Veritatis splendor, il faut que le vrai veuille bien descendre à la rue et y courir, si j'ose dire, en jeans et tête nue.

Soumettant la doctrine du sacré à l'actualisation nécessaire, La Face cachée du cerveau met en relief les critères défendus depuis toujours par les traditions, les mythologies, les religions, et les philosophies branchées sur la connaissance initiatique. Dans ce gros ouvrage (plus de 600 pages), les lois qui fondent la spiritualité sont passées au filtre de la rationalisation.

Qu'on les appelle archétypes ou présences, elles deviennent intelligibles dès que l'auteur expose de quelle structure et de quel système elles sont les propriétés.

Il ne suffit pas de croire, comme nous y invitent d'ailleurs plus d'un scientifique, de David Bohm à Michel Bounias, en passant par

David Peat, Jacques Ruffié et autres experts, qu'il existe un "motif unique" sur lequel la nature travaillerait, reprenant sans cesse le même canevas pour inventer le complexe et la montée incessante de la diversité. Il faut surtout savoir quelle est l'identité et la qualité spécifique (j'allais dire la spécialité professionnelle) de ce principe d'unité.

Consciente qu'il n'est d'autre moyen d'entrer dans le vif du débat, Dominique Aubier pose en chapô - comme nous disons en langage de journaliste - la déclaration d'identité du principe fondateur, ce principe d'unité pressenti dans l'expression "motif unique" et désigné sous d'autres vocables selon qu'il est vu de près ou de loin.

Certains mathématiciens, Raul Mendez par exemple, n'hésitent pas à parler de "modèle absolu". "Principe d'unité" honore l'idée qu'il y ait véritablement une "mise" initiale dont le Tout serait la cause du découpage de la réalité en "unités" reliées entre elles par la similitude fondamentale de cette donnée. "Principe de réalité" ajoute l'idée que nous avons bien affaire à ce "moule", (terme employé par Michel Bounias). Mais ce sont là des approximations.

Ni craintive, ni patiente, Dominique Aubier passe outre : elle va droit au poste culturel que le principe de réalité a mis en place de lui-même pour faire connaître son identité. La tradition hébraïque, la Kabbale, pour l'appeler par son nom, est le "bureau" chargé de délivrer l'acte de naissance du motif unique.

C'est donc là que notre auteur a posé la Question des questions, et obtenu cette réponse : le motif unique est d'essence corticale, il a été conçu comme un cerveau doué de parole et partout la nature déploie des entités réflexives qui sont autant de "sphères d'intelligence" comme disait Maïmonide. L'auteur l'appelle par son petit nom, son nom de baptême au sens initiatique du terme: Rosch.

C'est par ce mot que l'hébreu, langue essentielle, désigne le principe qui fit commencement. Le traduire par "Tête" est insuffisant. Prenant ses directives sur la symbolique de l'alphabet hébraïque, l'auteur appelle Rosch le motif unique considéré dans sa signification structurale, et système Aleph, le même principe de réalité, saisi dans sa fonction de logiciel universel.

L'allusion à l'informatique n'est pas de trop. Il semble bien que le Dieu dont parle Dominique Aubier soit véritablement l'Informaticien en chef...

Mais laissons pour l'instant cet aspect du message.

L'information Rosch-système Aleph suffit : elle permet à Dominique Aubier de se saisir des critères symboliquement prônés par diverses traditions comme faisant partie de leur corpus doctrinal. Les mêmes schémas se répètent d'une tradition à l'autre, les sciences humaines l'ont observé. Les similitudes de concept sont visibles sous la variété des dénominations.

Il est aisé de faire ressortir ces similitudes et de les confronter aux données objectives décrivant le cerveau, en termes d'anatomie et de physiologie cérébrales. La neurologie moderne offre l'énorme complexité de son savoir, il suffit d'en utiliser les éléments. La science médicale agit alors en "détaillant", là où les traditions sont en quelque sorte des "grossistes" et consignent les schémas fondamentaux. La science rassemble les faits qui se sont déposés dans la réalité.

Les particules du savoir objectif se comportent à l'instar de la limaille de fer sur les lignes d'un champ magnétique : elles se rangent sur les courbes tracées par les critères initiatiques. Tel est le travail accompli par et dans La Face cachée du cerveau .

Un travail adapté aux "temps difficiles". Pour accéder au sacré et bénéficier concrètement de "la force salvifique du vrai", les abords ont été déblayés. Le code est à jour. Son universalité est démontrée.

Le système dont il exprime les lois est accessible en langage moderne. Même si, pour s'installer dans l'actualité, il a fallu s'enfoncer dans l'épaisseur des discours scientifiques, lesquels ne sont pas toujours plaisants, le Gai Savoir reprend très vite son style et son allure.

La légèreté revient lorsqu'on a admis que les critères classifiés dans La Face cachée du cerveau sont fondés, sans qu'il soit nécessaire de recommencer l'enquête ayant conduit à cette conviction.

Reste à vérifier que ces archétypes sont bien les lois universelles que la conscience humaine a besoin de s'approprier pour s'accorder à la nature.

III/ Le Message proprement dit

La Face cachée du cerveau constituait le premier volume d'une trilogie dont le deuxième - L'Ordre cosmique ou Comment Dieu se fait penser - vient tout juste d'être publié. Faisant preuve d'une témérité propre aux néophytes, notre auteur se lance dans une équipée raisonneuse des plus ardues : affronter l'énigme du cosmos à l'aide des lois qu'elle a montées en épingle, tout en contactant sans cesse le savoir objectif comme élément de preuve. La table des archétypes dressée dans La Face cachée du cerveau offre alors une grille de lecture révélant l'identité du cosmos.

Gageure, semble-t-il, pour une personne qui n'arbore pas sur la poitrine le badge de la garantie universitaire ou professionnelle. Plus encore, puisque femme, elle appartiendrait au prolétariat qui, sur le plan intellectuel comme sur son bulletin de salaire, n'a pas encore conquis l'égalité avec le clan de la virilité.

Fallait-il, justement, la candeur sans borne du novice pour se lancer dans une telle entreprise ?

Qui s'en plaindrait ?

En guise d'intrigue romanesque, apparaît tout au long de ce livre la situation extraordinaire du cosmos. À l'intérieur du Rosch Primordial, du principe Tête lancé comme motif créateur, notre Univers ne serait qu'un seul hémisphère. Et pas le meilleur !

Tout cortex est formé de deux masses symétriques accolées par leur bord interne. La moitié la plus importante, celle qui reçoit la faculté de parler en la zone de phonation (aire de Wernicke et aire de Broca) est - selon la terminologie proposée par le Russe V. Deglin - l'hémisphère "qui sait". L'autre partie intègre les informations délivrées par son homologue et les adapte aux trois dimensions de l'espace, donnant ainsi place à la représentation concrète des choses : c'est l'hémisphère "qui fait".

Présentant le modèle absolu comme un cortex doué de parole, notre analogiste fait apparaître, par un jeu de comparaison entre le semblable et le semblable, que notre cosmos est l'hémisphère "qui fait" d'une unité primordiale dont le "qui sait" est resté de l'autre côté, à l'état irradiant de pur système.

Dans sa fonction de vrille perçant l'inconnu, la Science a subodoré l'existence d'un grand Ailleurs : la théorie des univers parallèles n'est pas loin de celle que Dominique Aubier dégage des implications du langage biblique. Mais passons !

Passons à l'essentiel, à cette notion de base que l'Univers soit matériel et seulement matériel car il est l'hémisphère matérialisant à l'état de pure définition. C'est dans une telle entité que nous vivons, parqués sur une sorte de neurone, la planète, notre Terre dont un livre nous dit que nous n'avons plus que 5000 jours pour la sauver (Edward Goldsmith, Peter Bunyard, Nicholas Hildyard, Patrick McCully, 5000 jours pour sauver la planète, éditions France-Loisirs, Paris, 1991).

Trois ans (plus d'un cinquième du délai prévu) ont déjà été perdus ! On comprend en quoi consiste l'acuité d'un discours nous donnant à voir la nature de notre implantation sur la seule et unique planète du système solaire où la vie se soit organisée !

Comment scruter avec efficacité la difficulté spécifique à notre époque sans commencer par voir clair dans ce qui est, pour nous êtres humains, la condition initiale ? Il ne suffit pas d'habiter la Terre, il faut savoir l'entourer d'une couche vivante de conscience humaine.

Le cosmos est ce qu'il est. Mais dans un cortex, deux sortes d'évolutions sont à considérer : celle qui façonne l'organe, et celle qui inaugure le dynamisme fonctionnel dans l'organe en cours de construction. Par là où elle est une parcelle de la matérialité organique du cosmos, la Terre est un support, une cellule.

L'énergie qui anime un cerveau doit la frapper pour qu'il y ait activité fonctionnelle. La vie sur Terre serait le fruit de ce dynamisme. L'évolution générale, cette évolution qui construit tour à tour le minéral, le végétal, l'animal et l'humain, serait le produit rythmé d'une énergie ambulante conduite par un archétype.

Cette superbe construction, dont l'homme est le couronnement, se serait formée sur la lancée d'un premier échange latéral entre le "qui sait" et le "qui fait" du Rosch primordial. Cette entité fondatrice ne fonctionnerait que sur les commandes du système Aleph, logiciel d'une performance insurclassable et dont notre propre informatique reproduirait de loin le génie. Rien d'autre ne mènerait le grand jeu de l'Univers, seulement les archétypes du modèle absolu.

De tout temps, cette lecture de l'Univers a été le fait des initiés ; aujourd'hui, elle trouve mille et une confirmations dans le savoir objectif. Décryptée par les moyens du système Aleph, l'hypothèse biblique semble corroborée par les découvertes scientifiques les plus fines, elle est en résonance avec les théories scientifiques les plus abstraites et les plus subtiles.

Dans ces conditions, la prendre au sérieux c'est considérer, en totale concordance avec le principe anthropique fort, l'apparition de l'homme comme le résultat d'un projet initial. Dès sa "mise en être" - en même temps que "sa mise en marche" - l'Univers savait que l'homme viendrait, que la conscience serait en lui. Qu'en est-il, dès lors, de nos êtres ? Qu'est-ce que la conscience, et quelle est sa mission ?

En cela se résume le message le plus aigu que veuille passer l'ordre cosmique : notre mission, celle de la conscience dont nous sommes les glorieux porteurs, serait de prendre note, une fois pour toutes, du conditionnement systémique mis en oeuvre par le principe de réalité. Réaliser la performance intellectuelle de comprendre le réel en fonction du système qui l'a suscité et continue de le susciter. Autrement dit, retrouver le système Aleph.

Et c'est là sans doute que résiderait le danger actuel : rien, dans la culture en mouvement sur le globe, ou presque rien, ne se révèle propice à une telle cause. D'où le mécontentement dramatique du Rosch primordial. L'idée qu'il porte en tête ne trouverait pas son issue.

Les forces constructives qui sont à l'origine de la rationalité, de la science, de l'industrie et des méfaits, toutes les pollutions qui s'ensuivent, ne permettraient pas l'éclosion de la vérité. L'homme serait la première victime de cet engagement outrancier dans un mécanisme évolutif que la structure Rosch et le système Aleph recommandent de ne pas vivre.

Il ne s'agit pas de revenir en arrière, (encore que, lorsqu'on a commis une erreur, il faille repartir du point même où la tromperie s'est créée), mais de très vite - très, très vite ! - réaliser la performance demandée par l'ordre des choses : instituer la vérité afin que les forces salvifiques agissent au service de l'humanité sur Terre d'abord, pour que l'évolution cosmique continue ensuite.

Pour la vie future du cosmos, pour l'avenir de l'Univers, rien n'est plus utile que l'ajustement susceptible de faire "philosophie planétaire" à partir de la doctrine du sacré, remontée à son niveau messianique, grâce aux sciences et aux forces de démonstration qu'elles libèrent. Dans cette entreprise, le rôle de la conscience est primordial.

Actuellement, l'être humain est ce qu'il y a de plus précieux dans l'Univers. La possession de la conscience nous assigne l'obligation d'être des partenaires responsables au sein de la Création. Inutile de compter sur les petits hommes verts (aujourd'hui devenus "petits gris") pour nous éviter la tâche d'apprendre le système Aleph et de vivre en fonction de ses archétypes.

Il n'y aura d'avenir capable de peupler l'Univers qu'au prix de notre propre intercession.

Elle est à réaliser aujourd'hui. Tout de suite.
Presse