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Du 15 au 19 avril, pour la cinquième année, l’université de Bordeaux accueille près de 70 élèves de troisième et de seconde pour leur faire découvrir les métiers de l’informatique et des mathématiques. Objectif : les encourager dans cette voie trop délaissée par les femmes

« Si à la fin de ma carrière, j’arrivais à avoir un tiers de filles dans les amphithéâtres, ce serait chouette. » Marc Zeitoun, enseignant chercheur en informatique au Laboratoire bordelais de la recherche en informatique (LaBRI), veut y croire. « Mais actuellement, j’enseigne à une majorité de garçons. Parfois, dans une classe de 30 élèves, j’ai zéro filles. » Pour les encourager à suivre des études de mathématiques et d’informatique, plusieurs professeurs de l’Université de Bordeaux proposent depuis 2019 des journées de découverte «...

« Si à la fin de ma carrière, j’arrivais à avoir un tiers de filles dans les amphithéâtres, ce serait chouette. » Marc Zeitoun, enseignant chercheur en informatique au Laboratoire bordelais de la recherche en informatique (LaBRI), veut y croire. « Mais actuellement, j’enseigne à une majorité de garçons. Parfois, dans une classe de 30 élèves, j’ai zéro filles. » Pour les encourager à suivre des études de mathématiques et d’informatique, plusieurs professeurs de l’Université de Bordeaux proposent depuis 2019 des journées de découverte « Moi informaticienne. Moi mathématicienne ».

Cette année, du 15 au 19 avril, l’Université a accueilli sur son campus de Talence 64 élèves volontaires issues de 18 collèges et de 20 lycées de l’académie de Bordeaux. L’objectif est de leur faire découvrir les formations existantes, les métiers de l’informatique et les mathématiques et de les encourager dans cette voie au travers d’ateliers d’initiation, de conférences, de visites de laboratoires… « En France, les matières scientifiques sont genrées. Ce n’est pas le cas partout en Europe. Les femmes sont majoritaires dans le domaine de la biologie, de la médecine ou de la psychiatrie mais minoritaires en mathématiques, dans les formations d’ingénieurs et en informatique. Des clichés sont véhiculés inconsciemment, comme ‘‘l’informatique, c’est pour les garçons, ils ont un esprit logique’‘. C’est dommage et injuste qu’elles n’y aillent pas, les filles ont le même niveau et peuvent même être meilleures, plus matures. »

« Speed meeting »

Ce mercredi 17 avril, avec ses collègues enseignants-chercheurs Chantal Menini, Raymond Namyst, Jean-Jacques Ruch et la chargée de recherche Emmanuelle Saillard, ils avaient convié les adolescentes à passer une journée sur le campus. Elles ont pu, par exemple, participer à un « speed meeting » avec des étudiantes de différentes spécialités.

« C’est un milieu très masculin. Nous sommes sept filles sur cent élèves »

Izdihar a passé son bac S dans les Comores avant d’intégrer une licence en mathématiques à l’Université de Bordeaux. Elle voudrait être ingénieure en finances : « avant de s’engager, c’est important de comprendre que les maths, ce n’est pas que les calculs, il y a également les théorèmes. Ils sont partout. Pour la biologie, l’informatique, il faut aussi avoir l’esprit mathématique. Misez aussi sur l’anglais, c’est très important. » Avec Diane, les ados de 14 à 16 ans découvrent le doctorat qui mène à la recherche. « Moi, j’ai eu un bac S avec option maths. Aujourd’hui, je suis un ‘‘bébé chercheur’‘. Je suis étudiante et salariée d’État. Mes résultats peuvent être publiés dans des revues spécialisées. J’apprends à optimiser les calculs de grosses applications pour du streaming vidéo, ce qu’il y a derrière la machine. »

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« Peur de ne pas être à ma place »

Asia, étudiante ingénieure à l’Enseirb Matmeca, décomplexe son domaine : « j’ai plein de bases dans plein de domaines, des clés pour aller n’importe où, je peux être embauchée à la fin de l’année ou prendre mon temps. Petite, je voulais être prof de maths puis astrophysicienne. Et puis j’ai découvert l’informatique en classe préparatoire, un domaine plus large, plus ludique que les maths pures. On apprend comment fonctionnent les outils, comment programmer un jeu. C’est très satisfaisant. » La jeune femme est cash avec ses cadettes : « c’est un milieu très masculin. Nous sommes sept filles sur cent élèves. Les métiers informatiques comme les jeux vidéo et la programmation, on les présente plus en pensant que c’est pour les mecs. Erreur. »

Meriam, 16 ans, lève les yeux au ciel : « Moi, j’aurais peur d’être en infériorité. Ce n’est pas la peur de ne pas être à l’aise mais plutôt celle de ne pas être à ma place ».

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Dernier « speed meeting ». Raquel arrive de Valladolid. Elle fait sa thèse de maths à Bordeaux et envisage le professorat. « Dans la recherche, il a beaucoup plus d’hommes. Dans mon lycée, en Espagne, c’était plutôt mixte. Mais je trouvais qu’il avait une différence de traitement en classe. Les mecs bons en maths, on leur disait ‘‘tu as un vrai talent, tu es intelligent’‘. Moi et mes copines, on nous disait ‘’c’est bien, tu travailles beaucoup, tu es disciplinée, tu réussiras’‘. C’est biaisé. Qu’en pensez-vous ? » La tablée d’ados baisse la tête, se regarde et acquiesce : « C’est vrai qu’on ne nous parle pas pareil. » Une seconde sait que « dans son lycée, ils essaient de ramener des filles dans les classes S. C’est ma prof de maths qui m’a dit de venir à cette journée ». Raquel devise : « Foncez les filles ! » Plusieurs sont reparties avec sous le bras le nouveau livre du CNRS : « Matheuses. Les filles, avenir des mathématiques ».

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