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PARIS, 24 fév 2004 (AFP) -
Avérée ou pas, la déclaration attribuée au numéro 2 d'Al-Qaïda, qui condamne la France pour la loi interdisant le voile islamique à l'école, tente de faire d'un dossier intérieur controversé une nouvelle cause de djihad, selon des experts.
"La dernière décision du président français d'interdire aux musulmanes de couvrir leur tête dans les écoles dénote une fois encore de la rancune des croisés occidentaux contre les musulmans", a déclaré une voix attribuée à Ayman Al-Zawahiri dans un document sonore diffusé mardi par la télévision satellitaire Al-Arabiya.
S'il ne prononce pas le mot "djihad", celui qui est considéré comme le penseur d'Al-Qaïda souligne que "l'interdiction du voile en France s'inscrit dans le même cadre que l'incendie des villages en Afghanistan, la destruction des maisons sur les têtes de leurs occupants en Palestine, le massacre des enfants et le vol du pétrole en Irak".
Officiellement, la France refuse de commenter cette déclaration. Au sein des services de renseignement, on estime que le document "replace les Français dans le camps des croisés", alors que la France, qui n'a pas participé à la guerre en Irak, avait pu sembler ménagée lors des dernières déclarations attribuées à Al-Qaïda.
A l'attention exclusive de la France, cette déclaration porte sur le front panislamiste une affaire intérieure, incitant à l'action ou la légitimant à l'avance, selon des experts.
"C'est en tout cas une incitation à une action terroriste. Al-Zawahiri, véritable cerveau d'Al-Qaïda, considère que la loi est un moyen de faire des relations publiques vis-à-vis des communautés musulmanes en France et en Europe car il a vu que cela intéressait beaucoup", estime Antoine Sfeir, directeur de la revue les Cahiers de l'Orient.
Le projet de loi qui interdit le port de signes religieux ostensibles à l'école, dont le voile islamique, vient d'être adopté en première lecture.
L'élaboration du texte a suscité de très vifs débats en France. Plusieurs milliers de manifestants ont défilé à plusieurs reprises en France mais aussi à l'étranger contre "l'islamophobie" et le projet de loi.
"En proposant cette loi, on a pris à bras le corps le problème de l'idéologie sectaire dans une société démocratique, ce qui conduit à un phénomène de radicalisation. La déclaration de Zawahiri est cohérente: il fallait bien qu'à un moment donné on aille à la confrontation", estime François Géré, directeur de l'Institut Diplomatie et Défense.
"Il y a à travers le voile une volonté d'internationaliser les contradictions et oppositions entre un certain islam et l'Occident: c'est une façon d'enfoncer un coin au sein des communautés musulmanes des pays occidentaux", poursuit M. Géré qui parle aussi d'un "appel à l'action".
La notion de djihad contient l'idée que l'islam est attaqué et qu'il faut dès lors le défendre, rappelle un spécialiste de la lutte anti-terroriste. "Cette loi peut être comprise par des militants islamistes radicaux comme une nouvelle attaque. On peut se demander si la déclaration de Zawahiri n'est pas une justification a priori d'éventuelles actions".
L'Union des organisations islamiques de France (UOIF), mouvement proche des Frères musulmans, très opposé à la loi, a qualifié cette déclaration "d'irresponsable". "L'UOIF refuse catégoriquement l'internationalisation de la question du foulard et sa récupération politique ou politico-religieuse", a déclaré son président Lhaj Thami Breze.
Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Dalil Boubakeur, parle lui de "provocation" à laquelle "il ne faut pas répondre".
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mercredi 25 février 2004, 4h36
Al-Qaïda fustige la loi française sur l'interdiction du voile; la voix est "probablement" celle d'al-Zawahri, selon la CIA
DUBAI (AP) - Al-Qaïda critique la France. Une cassette audio attribuée à Ayman al-Zawahri, le bras droit d'Oussama ben Laden, fustige la loi française sur les signes religieux ostensibles à l'école et l'interdiction du port du voile islamique dans les établissements publics.
Dans un autre message, diffusé lui sur la chaîne Al-Djazira, la voix attribuée à Ayman al-Zawahri met en garde les Etats-Unis contre de nouveaux attentats. "Bush, renforce tes défenses et tes mesures de sécurité", prévient-il. "Parce que la communauté islamique combattante, qui a envoyé des bataillons à New York et Washington, a décidé de déployer un bataillon après l'autre, d'apporter la mort et chercher le paradis".
Un porte-parole de la CIA a déclaré que l'agence avait procédé à une analyse technique de ces cassettes et qu'il en ressortait que la voix était probablement celle d'al-Zawahri.
Dans l'enregistrement concernant la France, diffusé mardi par la chaîne satellitaire al-Arabiya, la voix attribuée à al-Zawahri souligne que "la décision du président français de faire voter une loi pour empêcher les filles musulmanes de couvrir leur tête dans les écoles est un autre exemple de la jalousie des croisés que nourrissent les Occidentaux à l'égard des musulmans. (...) Cette jalousie bout dans leur coeur, irrigue leur poitrine et ils la transmettent aux générations suivantes", poursuit l'homme.
Ce projet de loi a déclenché une vague de protestations dans de nombreux pays musulmans. Adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 10 février dernier, le texte sur les "signes religieux ostensibles" à l'école doit encore être examiné par le Sénat les 2 et 3 mars prochains.
"Il ne s'agit en aucun cas d'une loi qui vise le voile, mais qui réapplique le principe de la laïcité. Il ne s'agit pas d'une loi contre les musulmans, il ne s'agit pas de croisade", rappelait-on mardi au ministère français des affaires étrangères.
Pour le locuteur de la cassette, cette mesure s'inscrit dans une campagne menée contre l'islam: "interdire le foulard en France est dans la logique consistant à brûler des villages avec leurs habitants en Afghanistan, à démolir des maisons sur la tête de Palestiniens endormis, à tuer des enfants en Irak en volant leur pétrole sous des prétextes fallacieux (...) (ainsi qu'à) torturer dans les cellules de Guantanamo".
La voix met aussi en cause ceux qu'elle qualifie d'agents de l'Occident dans les pays musulmans, citant en particulier l'Egypte, la Tunisie et la Turquie. Le grand cheikh de l'université islamique égyptienne d'Al-Azhar, Mohammed Sayed Tantaoui, est aussi mis en cause, le locuteur d'Al-Qaïda qualifiant sa position de "scandaleuse". Cheikh Tantaoui avait jugé que la France était fondée à voter une loi exigeant des femmes musulmanes qu'elles se plient aux coutumes locales, texte critiqué par plusieurs théologiens égyptiens.
"L'Occident sionisto-croisé considère comme sacrée la liberté tant qu'il s'agit de la liberté de puiser dans la richesse des autres (...) mais dès qu'il s'agit d'un moyen de résister ou de choisir l'islam comme une règle de vie, de guerre sainte et de résistance, alors cette liberté devient du terrorisme", poursuit le lieutenant supposé d'Oussama ben Laden.
D'origine égyptienne, Ayman Al-Zawahri se cacherait avec le chef d'Al-Qaïda dans les contreforts de la frontière afghano-pakistanaise. Sa dernière manifestation, sous la forme d'une autre cassette sonore, qui appelait à pourchasser les Américains partout y compris chez eux, remonte à décembre dernier. Une cassette vidéo le montrant avait été diffusée en septembre. On y voyait ce docteur de la foi, barbu et enturbanné, marchant dans la montagne en compagnie de Ben Laden. AP
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