L’annulation, au moins du deuxième tour des élections municipales 2008 de Corbeil-Essonnes, a été recommandée mercredi au Conseil d’Etat, qui devra également se prononcer sur la possible inéligibilité de l’UMP Serge Dassault, accusé d’avoir acheté des voix, ce qu’il dément.
C’est le rapporteur public, chargé de dire le droit, qui a recommandé l’annulation du scrutin à la plus haute juridiction administrative, dont la décision a été mise en délibéré.
Le Conseil entendait en deuxième instance la requête de Bruno Piriou, candidat PCF battu à ce scrutin, accusant le maire sortant Serge Dassault (UMP) de s’être fait réélire illégalement, notamment en achetant une partie de ses voix.
Estimant que M. Dassault avait bien monnayé des voix, le rapporteur public Luc Derepas a ouvert la possibilité au Conseil d’Etat de prononcer son inéligibilité, tandis qu’il recommandait également celle du candidatcommuniste pour n’avoir pas inclus certaines dépenses dans ses comptes de campagne.
Parmi les accusations de M. Piriou contre l’UMP, il a retenu "deux griefs qui paraissent fondés".
Tout d’abord, les "dons en argent" effectués par Serge Dassault : plusieurs personnes ont assuré avoir reçu des sommes d’argent pour les redistribuer à leur entourage contre la promesse d’un vote en faveur de l’UMP, a-t-il souligné, estimant que même si certaines se sont rétractées, les témoignages étaient "très circonstanciés".
Il a également relevé une conversation sur un marché entre les deux candidats, filmée au micro caché, dans lequel le candidat du PCF demande à son opposant s’il "donne de l’argent" aux électeurs. "Très peu", répond-il.
Cela pouvait suffire à changer le résultat puisqu’avec 170 voix d’écart, 86 suffrages étaient suffisants, a fait valoir le rapporteur, d’autant qu’à la lecture du dossier il semblerait que ces dons "n’étaient pas une pratique ponctuelle mais étaient pratiqués sur une échelle assez importante".
Selon lui, Serge Dassault aurait dépensé jusqu’à 30.000 euros et si le Conseil estime qu’ils auraient dû être intégrés à ses comptes de campagne, il a la possibilité de prononcer "l’inéligibilité" de l’UMP.
Le rapporteur a retenu un deuxième grief contre M. Dassault : des appels téléphoniques et des textos adressés le jour même du deuxième tour à des électeurs pour les inciter à voter en sa faveur.
"Les accusations proférées contre moi sont scandaleuses et mensongères. Je les dénonce catégoriquement", a affirmé dans un communiqué Serge Dassault, soulignant avoir porté plainte "pour escroquerie au jugement et faux témoignages contre 5 témoins de dernière minute".
Son avocat, Me Arnaud de Chaisemartin, a crié à la "calomnie". "La rumeur court depuis que les Dassault père et fils ont décidé de participer à la vie publique : Dassault est milliardaire, il est l’élu des cités défavorisées, donc seul son argent lui a permis d’être élu", a-t-il résumé.
Dans un deuxième contentieux, Luc Derepas a suivi l’avis en première instance du tribunal administratif de Versailles qui avait prononcé en octobre l’inéligibilité pour un an de Bruno Piriou pour des peccadilles, comme la non intégration de certaines dépenses dans ses comptes de campagne, dont la location d’une salle municipale, une faute commise de bonne foi en croyant la salle gratuite.
Une nouvelle élection "libérerait Corbeil d’une crise morale grave", a-t-il lancé après l’audience, ajoutant qu’il "trouverait injuste" de ne pas pouvoir retourner devant les électeurs.