Mode

Prêt-à-porter masculin automne-hiver 2005-2006

Strict-wear

Certes, ils n'ont pas encore adopté la jupe, mais les matières classiques et les coupes sobres leur redonnent de l'allure. Revue de détail à travers six silhouettes.

par Sabrina CHAMPENOIS et Françoise-Marie SANTUCCI
QUOTIDIEN : vendredi 04 février 2005

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Comme les défilés de prêt-à-porter masculins du week-end dernier concernaient l'hiver (prochain), on pourrait arguer d'une frilosité de saison. Mais la relative prudence observée sur les podiums parisiens semble surtout liée à un impératif économique : il faut vendre, et ça passe par un minimum de retenue. Tour d'horizon, en six typologies maison, de l'homme 2005.

Le néoconservateur

Son iPod est réglé sur IAM ou Massive Attack quand il va travailler à la Défense. Le bébé trader est bien obligé de porter des costards, vu son boulot, mais il les choisit décontractés. Comme chez Givenchy, où le couturier britannique et black Ozwald Boateng, formé chez les tailleurs chic de Saville Row, casse les coupes nickel et coloris globalement anthracites de ses costumes par des détails hip-hop : le manteau en tweed récupère une capuche ; le long gilet violet aussi. Avec Stefano Pilati pour Yves Saint Laurent, les verts bouteille et les bleu nuit égayent les costumes (dont un manteau en laine violet, à la fois superclasse et audacieux) et chez Rykiel, on joue à fond le télescopage : costumes à carreaux portés avec de gros noeuds pap' rayés ou avec des pulls dont un pan est négligemment retenu au-dessus de la ceinture, pantalon en velours rose shocking, tee-shirt rayé jaune et noir auquel répondent des chaussettes rayées bleu et rouge, gants rouges à pois noirs pour accompagner un costume marine. Paul Smith prouve qu'il peut y avoir une vie après la rayure et propose pas mal de carreaux (vestes, pantalons), des cravates ciel à fleurettes roses, un pull vert pomme sur une chemise vichy, un beau costume noir à bandes de satin, une redingote noire à doublure parme... Et pour cadre sup' tenté par le grand ménage intérieur : des santiags et un pantalon en python.

Le prolo chic

De Mickey 3D, ils retiennent le tee-shirt Manufrance et sont à deux doigts d'investir dans l'intégrale de Gabin en DVD. La veste d'ouvrier (ou la salopette) est même déclinée chez le plus opulent des créateurs, Marc Jacobs pour Vuitton. Dans son showroom de la rue Saint-Martin, Jean Paul Gaultier a, lui, présenté de beaux pantalons amples à large revers, des costumes sable dont la doublure montre des scènes de ports de pêche, des chemises en soie avec barrettes façon écaille de tortue insérées aux coins du col, ou encore un caban rouge vif, un épatant complet anthracite en laine. Un vestiaire en écho d'un élégant truand marseillais des années 30-40. Et, en clin d'oeil, l'ineffable jupe que personne ne porte...

Le roseau penseur

Il écoute Will Oldham en boucle, relit la Fatigue d'être soi d'Alain Erhenberg et adopte l'allure de Tony Leung lorsqu'il arpente le Palais de Tokyo. A certains défilés, on assista à des séances de contemplation introspective ; hommes au camélia en costume noir à infimes zébrures ou cape-toges (Miyake) ; jeunes hommes à raie sur le côté et cheveu gominé en blouson noir ultracourt d'où s'échappait un ample top transparent, également noir, à effet bouillonné (chez les Espagnols de Spastor). Idem chez Woods and Woods, à l'Institut du monde arabe, dans une palette plus claire : un défilé ultraminimaliste, une dizaine de modèles jouant sur les détails (liseré vert d'eau sur un pantalon-sarouel marine, ourlet en forme d'arabesque dans le dos d'un blouson en laine, manches gigots pour un très beau manteau en laine blanche)... Vu chez le Britannique Kim Jones: un mannequin exécutant un minisaut en ciseau puis éclatant de rire... Il avait pris un truc ou quoi ?

Le gars d'à côté

Il aime la fringue mais déteste la panoplie ; il peut apprécier la dégaine habilement négligée d'Edouard Baer comme celle, plus «roots», de Samuel Le Bihan. Dans ce registre mouvant, la collection Martin Margiela (montrée en show-room) croise avec une belle évidence pantalons en velours taille basse parme ou camel et tee-shirts rebrodés d'un motif d'aigle en laine façon Hell's Angels, chemises blanches à jabot et blousons en cuir à manches dégrafables, écharpes de satin à franges et boots à guêtres... Adepte de la récup retravaillée, le Belge propose sur ce versant des jeux de patchs, comme le blouson fait de bonnets d'aviateur en cuir à la Lindbergh. La marque américaine Cloak, animée par le Russe Alexandre Plokhov, réussit pour sa part des manteaux en laine gris à peine hachurés de blanc et à revers asymétriques, des costumes à l'aspect déjà froissé ou encore de gros gilets (crème, marine) à empiècements de cuir fermés par des boucles type mousquetons.

Le college boy

On l'imagine écouter Keren Ann plutôt que Kasabian. Il est globalement blond et assez envapé, et enlève son maquillage après défilé pour retourner à son cours de littérature. Portant du Hermès et ses couleurs sous-bois (écorce, ambre, orange brûlé), il a l'audace de ses 17 ans et demi d'y ajouter une touche turquoise ou rouge vif. Plus tard, surtout s'il est hétéro, il n'osera plus. Chez Hermès comme chez le Belge Dries Van Noten, le college boy affectionne les imprimés en tout genre (prince-de-galles, pied-de-poule, carreaux, rayures, jacquard) et ne dédaigne pas la touche streetwear pour faire branché (n'importe quel blouson ou manteau à zip et capuche). A l'opposé, le gamin ténébreux à frange sur l'oeil de Comme des garçons serait plus du genre à sécher, prêt à prendre la tangente en blouson à soufflets, pantalon noir, court et étroit ou alors superbaggy avec ceinture portée hors passants. Dans le registre campus américain, le Belge Kris Van Assche (ex-assistant d'Hedi Slimane) présente pour sa première collection (qui se clôt sur Atlantic City de Springsteen), un étudiant en bermuda baggy ou large pantalon à sangles sur le côté, chemise ciel à carreaux, pull en V torsadé... et panama noir.

L'hétéro moins gay

Aucun créateur ne l'a joué résolument folle, comme le Français David Kurtis l'an dernier (collection d'été) avec ses bodies, justaucorps et coques. Si les créateurs expriment «la-part-de-féminité-qu'il-y-a-en-tout-homme» par des transparences, des bijoux, des fleurs aux revers des vestes, voire des vestes à paillettes (Rykiel), il n'y a guère que Galliano qui puisse s'offrir l'outrance : d'énormes doudounes ou d'immenses pantalons-pyjamas ; des guerriers des steppes (grimés comme des Sioux et coiffés de bicornes) qu'il plonge dans des manteaux démesurés. Sinon, c'est globalement profil bas : juste quelques total looks monochromes parfois flashy, et flatteurs à l'entrejambe, chez le Bulgaro-Ukrainien Petar Petrov ; de troublants angelots glissés dans des salopettes de pompiste ou des leggins chez Kim Jones ; ou encore de ravissants tailleurs-shorts noirs portés sur des sortes de Dim up en laine ou des bas coutures noirs chez Spastor. Enfin, l'alternative Slimane pour Dior (lire page IV) : ses tenues semblent parfois plus réalistes pour la femme ­ lesbienne et rock, s'entend. On pense à quelques actrices de la série télé L Word : poitrine plate, hanches étroites, jambes fines, allure de Keith Richards jeune.


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