Mode

Prêt-à-porter printemps-été 2006

Hermès, éloge du lodge

Pour la maison du faubourg Saint-Honoré, Gaultier signe une collection néocoloniale somptueuse.

par Sabrina CHAMPENOIS et Françoise-Marie SANTUCCI et Olivier WICKER
QUOTIDIEN : lundi 10 octobre 2005

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De la bande-son braillarde à la collection elle-même, baptisée Neptune, tombereau de robes ultracourtes pour vestales d'une orgie romaine, le show d'Alexander McQueen a contribué à une céphalée des familles, vendredi soir. Les filles, perchées sur des sandales dorées nouées à la cheville, façon légionnaires, sont cintrées dans des corsets et jupettes (Gladiator)... Les ceintures très plaqué or à gros plastron, évoquent, elles, Linda Carter aka Wonderwoman ; sympa, mais de là au vestiaire viable, il y a un océan. Ce qui n'a pas bridé l'extase chez les Néron potentiels : «Gorgeous !», «the best !» entendait-on dans le blabla post-show.

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Juste avant, Martin Margiela avait raflé la mise avec moins d'effets de manche. Poussées sur des chariots comme ceux utilisés pour les travellings, des filles au teint pâle, bouche vermillon et cheveux humides, d'une beauté rock années 80 (Chrissie Hynde) émergeaient seins bandés de blanc sur pantalon déstructuré, hyperféminines en costume d'homme marine à pantalon oversized ou parka noire flanquée de l'inscription «caution wet» (attention, mouillé). De fait, une bonne partie de la collection était «in progress», comme cette robe à pois encore liée à son rouleau de tissu. Effilochées, taillées dans le biais, les longues robes en soie, portées sur des escarpins entourés de Scotch «attention fragile», arborent des coulées de peinture, tandis que fondent au poignet des bracelets en glaçons... Margiela, qui présentait ces deux dernières années en show-room, signe son retour sur les podiums par un happening érotique et conceptuel.

En juillet, le défilé haute couture de Stefano Pilati pour Yves Saint Laurent dégageait un sentiment religieux baigné d'une sensualité tout en retenue. Sa déclinaison prêt-à-porter est moins bluffante : il surnage surtout des références espagnoles (cascades de cols à jabots) et un romantisme trop balisé. Pilati est plus percutant lorsqu'il enserre le corps des femmes dans des jupes très étroites à taille haute. Le fantasme de la professeure de maintien pour pensionnat de jeunes filles n'est pas loin et rajoute du piquant.

Décidément, Jean Paul Gaultier tient la grande forme. Samedi, quelques jours après un épatant défilé champêtre pour sa propre marque, JPG a réussi pour Hermès une collection néocoloniale nickel. Sur fond de palmiers et auvents en toile, des femmes comme sorties d'un lodge kenyan déployaient un vestiaire d'un grand luxe mais jamais étouffant. La somptuosité des matières le disputait au raffinement des imprimés, pour une relecture convaincante des codes de la maison Hermès. L'héroïne est belle et bien née, mais n'en jette pas pour autant plein la vue : c'est une Karen Blixen 2006, qui aurait rouvert les carnets de voyages de Peter Beard. Elle se glisse négligemment dans des robes-chemisiers au boutonnage décalé sur la hanche, ou de sensuelles robes plissées en mousseline crème ceinturées de cuir, ou encore dans une combinaison short en soie à imprimé feuillage couleur tabac, troublante comme un déshabillé. Pour le soir, des robes longues en dentelle, dont la noire très révélatrice mais tempérée par une liquette en lin nouée à la taille ultrafine, ou celle à bustier et pans, toujours dans cette très belle teinte tabac. Orange vif, grenat, rouille, anis, caramel, noisette... On retrouve les couleurs Hermès jusqu'aux accessoires, chaussures (hautes), sacs ou pochettes Kelly, ceintures et ombrelles. A la fin du show, JPG recevait backstage les félicitations de Jane Birkin et de Patrick Thomas, qui prendra, en janvier, la succession de Jean-Louis Dumas à la tête de la maison. Le couturier confiait ensuite s'être «beaucoup amusé à jouer avec les codes Hermès, de la dentelle vintage aux imprimés 1900», pour une invitation au voyage un poil coquine. «Les fameuses ombrelles, précisait-il, sont munies d'une petite cravache, côté manche.» Tout un programme pour le show le plus abouti de la semaine.

Photo Ludovic Carême


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