De notre envoyé spécial à Lourdes , Jean-Marc Philibert
Le Figaro 07/07/2008 | Mise à jour : 07:30 | Commentaires 18 .
L'enquête sur les malversations supposées de Raymond Zambelli intervient en pleine célébration du jubilé des révélations de Bernadette Soubirous et à deux mois de la visite de Benoît XVI dans la cité mariale. Crédits photo : AFP
Le parquet de Tarbesa ouvert une enquête sur des détournements de fonds dont est soupçonné le recteur des sanctuaires de la cité mariale. Des investigations qui ont réveillé les antagonismes entre la ville «d'en bas» et celle «d'en haut».
La nouvelle a fait le tour de Lourdes en quelques minutes. Partie de la ville haute, elle s'est propagée le long du boulevard de la Grotte pour descendre chez «ceux d'en bas». Dès le milieu de la matinée, dans les cafés et sur les places publiques, on ne parlait plus que de «ça» : le recteur des sanctuaires de la cité mariale, le père Raymond Zambelli, fait l'objet d'une enquête ouverte par le parquet de Tarbes, sur des soupçons de détournements de fonds.
À Lourdes, peut-être plus qu'ailleurs, les histoires d'argent n'améliorent pas les relations de voisinage. Encore moins lorsqu'elles mettent en cause le plus haut personnage de l'Église dans un lieu de pèlerinage aussi important. À deux mois de la visite du pape Benoit XVI dans les Hautes-Pyrénées et en pleine célébration du jubilé des révélations de Bernadette Soubirous… Il y a de quoi pester contre les révélations du Canard enchaîné.
C'est en tout cas ce que se disent «ceux d'en bas», les membres des congrégations religieuses mais aussi les hôteliers et les commerçants qui vivent exclusivement du passage des six millions de pèlerins qui défilent ici chaque année. «Cette histoire met beaucoup de bazar. On n'avait pas besoin de cela en ce moment», confie l'un des responsables des sanctuaires. «Moi, ça ne m'étonne pas avec tout l'argent qu'ils brassent en bas», lui répond en écho le serveur d'un des cafés «d'en haut», dans la partie supérieure de cette ville en pente blottie à l'ombre de sa citadelle médiévale. À Lourdes, une frontière invisible semble avoir coupé la cité en deux.
«Il y a deux villes, c'est vrai, mais c'est d'abord la géographie qui l'impose, explique un Lourdais d'adoption. Il y a deux activités et deux communautés qui vivent des vies séparées : en bas, autour des sanctuaires, les marchands de médailles et les hôtels pour pèlerins. En haut, les ouvriers, les administratifs et quelques méchantes langues qui trouvent que ceux d'en bas font trop d'argent…»
Au cœur des non-dits et des incompréhensions, la manne des pèlerins qui laissent chaque année à Lourdes des centaines de millions d'euros sur leur parcours. Un jackpot dont se sentent exclus les habitants des parties hautes de la ville. De fait, le chemin du jubilé, une ligne blanche tracée à même le sol sur les trottoirs de la ville, ne s'attarde pas sur les collines. Un oubli plutôt mal perçu «en haut», alors que, selon les estimations, près de 9 millions de personnes devraient se rendre dans les sanctuaires en 2008, à l'occasion des 150 ans des premières apparitions. Une augmentation de près de 30 %, prompte à susciter les convoitises.
Quasi-autonomie
Directeur général des sanctuaires de Notre-Dame de Lourdes, Francis Dehaine est, lui, plutôt serein. Détourner les dons des pèlerins dans l'enceinte du sanctuaire ? Il n'y croit pas une seconde. «Je suis sûr que le père Zambelli n'a pas piqué dans la caisse. La procédure que j'ai mise en place ne le permet pas», explique ce laïc jovial et débordé qui gère le sanctuaire comme un maire sa ville.
Une thèse également défendue par l'intéressé au cours d'une conférence de presse organisée le jour de sa mise en cause. Les 427 000 euros trouvés sur son compte en banque personnel ? Ils correspondent à l'addition des dons et des legs de fidèles généreux durant près de trente ans. «Tout prêtre le sait : dans ce ministère, on rencontre des personnes qui vous donnent des gratifications», a expliqué Raymond Zambelli devant les médias locaux, mercredi dernier. À la justice, désormais, de faire la lumière.
Elle devra avancer à pas comptés pour combler le fossé entre ceux «d'en haut» et ceux «d'en bas». Source supplémentaire de mésentente, les sanctuaires ont longtemps été perçus comme une ville dans la ville, un État dans l'État.
«On est en quasi-autonomie dans notre fonctionnement, reconnaît Francis Dehaine. Je produis de l'électricité, j'ai un service de ramassage des ordures, une imprimerie, je fais de l'hébergement, j'emploie 440 salariés… De ce point de vue, il est vrai que nous avons un statut à part mais les sanctuaires ont fait beaucoup pour s'ouvrir depuis une quinzaine d'années.» Apparemment, le chemin est encore long…
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